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Mercato - Amende de 5£, Matthews et mercenaires : L'étonnante histoire des prêts

Four Four Two

Publié 15/02/2018 à 17:28 GMT+1

L’histoire des transferts dans le football est assez simple à retracer. Mais celle des joueurs prêtés est beaucoup plus étonnante. Comment tout cela a-t-il commencé ? Et pourquoi autant de controverses chez nos voisins anglais ? Pour Eurosport, FourFourTwo vous explique ce phénomène.

Stanley Matthews

Crédit: DR

"Mais qui est donc ce A.H. Checker ?" Tous les spectateurs de la première finale de FA Cup, disputée en mars 1872, se sont posés la question en découvrant la composition des Wanderers, opposés pour l’occasion aux Royal Engineers. Et pour cause... A.H. Checker était un pseudonyme utilisé par Morton Betts, joueur habituel des Harrow Checkers (d'où le 'A Harrow Checker'). Son équipe s’était retirée de la compétition après le premier tour mais cela n'avait pas empêché Betts de disputer la finale. Et vous vous en doutez d’inscrire le seul but du match.
Ce genre de pratique était assez courante en Angleterre lors des débuts du football amateur. Souvent, il s’agissait de renforcer son équipe pour les gros matchs, ce qui a donné aux prêts une étiquette plutôt antisportive. Mais la plupart du temps, c’était avant tout une nécessité, notamment à l’extérieur. Quand une formation était à court de joueurs (blessures, souci de déplacement...), l’équipe locale prêtait des joueurs pour faire le nombre. Cette habitude n’est devenue un problème que quand le football s’est professionnalisé, les joueurs étant alors liés contractuellement à leur club.
En 1885, à l’occasion d’un quart de finale de Coupe d'Angleterre contre West Bromwich, Blackburn a essayé d’aligner trois joueurs prêtés : Tot Rostron (capitaine de Great Lever), Fred Dewhurst (attaquant de Preston) et George Haworth (milieu d’Accrington). Mais la Fédération anglaise est intervenue et a refusé qu’ils participent à la rencontre. Sans eux, les Rovers l’ont quand même emporté (2-0) et ont disputé plus tard la finale face aux Ecossais de Queen's Park.
Étonnamment, George Haworth (surnommé George Haworth d’Accrington dans les articles parus dans la presse) a été autorisé à disputer cette finale avec Blackburn, participant activement à la victoire de son équipe d'adoption (2-0). Les Rovers ont alors été accusés d'avoir "sacrifié toute fierté" en demandant la permission à la FA d’aligner Haworth. Mais comme l'a souligné un journal de l’époque, les Queen's Park étaient également des habitués de ces emprunts de joueurs, n’hésitant pas à faire venir pour l’occasion tous les bons joueurs d'Écosse. Dans ces conditions, la manœuvre des Rovers a été considérée comme légitime afin de pouvoir vaincre "leurs redoutables adversaires".
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Blackburn en 1885

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Une amende de 5£ pour Preston après le prêt d’un joueur

Le principal journal sportif de la fin du 19e siècle, Athletic News, critique alors les prêts de joueurs pour ces matchs de coupe, estimant le procédé répréhensible et injuste. Il ne donnait pas seulement un avantage aux équipes, a écrit le journal, mais a également créé une "concurrence malsaine" et augmenté le "mal du professionnalisme". En multipliant les approches déstabilisatrices, les clubs ont surtout poussé les joueurs à devenir des mercenaires, uniquement motivés par les meilleurs payeurs.
Après la création de la Football League, puis son élargissement à la deuxième et la troisième division, les équipes ont continué à se faire prêter des joueurs avant les tests matchs, à savoir les lucratifs barrages de relégation et de promotion. "Quand est-ce que quelque chose sera fait pour contrôler ce système de prêt des joueurs à l’occasion de ces matchs-là ?", écrit un journaliste en 1898. Un problème mis en lumière par le prêt à Manchester City de Tommy Clare (défenseur international anglais évoluant à Burslem Port Vale) pour un match crucial de fin de saison face à Newcastle. Si les Citizens ont malgré tout perdu et donc manqué l’accession au test match, toute cette affaire a été considérée comme un immense scandale.
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Tommy Clare

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Lors d'une réunion en avril 1898, la FA a décidé de mettre un terme aux "prêts de joueurs pour les matchs spéciaux". Mais tous les clubs n'ont pas tenu compte de l'interdiction. En 1901, Middlesbrough et Glossop ont ainsi été réprimandés à la suite du prêt du gardien de but James Saunders à Boro. Preston a également été condamné à une amende de 5£ pour avoir enregistré le prêt de John Wilkie en provenance du Partick Thistle Football Club. Dans l'agitation qui a suivi, on a rappelé que de tels prêts n'étaient plus autorisés, en vertu des règles de la FA et de la Football League. Et que tout club qui ne respecterait pas le règlement serait sévèrement puni.
Moins d’un demi-siècle plus tard, les prêts ont fait leur retour en pleine Seconde Guerre mondiale, alors que le championnat organisé par la Football League avait été suspendu et remplacé par une Ligue régionale de guerre. De nombreux footballeurs ayant rejoint les forces armées, il était difficile pour les clubs de former des équipes complètes. Un système de joueurs invités a donc été mis en place, permettant aux clubs de se prêter des joueurs match par match.

Quand Stanley Matthews est invité... par l’Ecosse

Cela a conduit certaines grandes stars du football anglais à faire des apparitions improbables pour des clubs rivaux. Stan Mortensen de Blackpool a ainsi été invité par les Gunners. Eddie Hapgood d'Arsenal a joué pour Chelsea et Stan Cullis des Wolves a porté le maillot de Liverpool. Autre anecdote notable : la présence de Bill Shankly (Preston) avec Liverpool. Le futur manager des Reds a fait une apparition en tant que joueur lors d'une victoire en 1942 sur Everton.
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Bill Shankly à Preston

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Les meilleurs joueurs étant très demandés pendant la guerre, certains ont joué pour différents clubs dans la même semaine, voire le même jour. Lors du Noël de 1940, le futur international anglais Len Shackleton a porté le maillot de Bradford Park Avenue lors d’un match matinal puis celui de Bradford City dans l'après-midi, trouvant le chemin des filets à chaque fois.
Stanley Matthews, joueur de Stoke City et surtout premier Ballon d’Or en 1956, est considéré aujourd’hui comme l'un des joueurs les plus en vue de la guerre. Il avait rejoint la RAF (Royal Air Force) et était basé près de Blackpool, faisant plus de 80 apparitions en tant qu’invité pour les Seasiders avant de rejoindre définitivement le club en 1947. L’international anglais aux 52 sélections a également disputé quelques matchs pendant la guerre pour Manchester United et Arsenal. Et il a même fait une apparition en tant qu'invité international pour l'Ecosse !
Toujours pendant la guerre, plusieurs joueurs professionnels étaient basés au camp d'entraînement de la garnison d'Aldershot, ce qui était évidemment une excellente nouvelle pour le Aldershot FC. Stan Cullis, Joe Mercer, Cliff Britton, Tommy Lawton et Frank Swift, ainsi que l'Ecossais Matt Busby, ont sans doute formé la plus redoutable équipe de joueurs invités de l'histoire.
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Stanley Matthews

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Docker, premier joueur prêté du système de transfert actuel

Après la guerre, alors que le football reprenait du poil de la bête et que les clubs se reconstruisaient lentement, le système de joueurs invités a été aboli. Et la dérive des prêts sauvages est revenue au goût du jour. Ils n'ont finalement été sanctionnés qu'à la fin du système "retain and transfer", supprimé en 1963 et qui légiférait tant bien que mal le foot anglais depuis 1893. Cela a entraîné un assouplissement de certaines restrictions concernant les contrats des joueurs, ainsi que l'abolition du plafond salarial maximum.
Puis, en 1966, la Football League a fait ce que les journaux ont appelé la "proposition la plus surprenante", permettant ainsi le "transfert temporaire des joueurs" avec certaines restrictions. Chaque club ne pouvait effectuer que deux prêts par saison, sans compensation financière. Des prêts qui ne devaient pas excéder trois mois et qui ne pouvaient être validés qu'entre clubs de divisions différentes.
En 1967, Torquay United a ainsi vu débarquer l'ailier John Docker (19 ans), prêté par Coventry. Il a marqué deux fois lors de ses débuts contre le rival local d’Exeter mais n'a finalement joué que trois matchs de plus pendant son prêt. Et surtout, il n'a jamais joué pour Coventry. Une carrière finalement assez anonyme et modeste. Mais Docker est sans doute le premier joueur prêté du système de transfert actuel.
Les règles entourant les prêts ont encore été modifiées au cours des années suivantes, notamment en 1995 avec l'arrêt Bosman qui a bouleversé tout le système de transferts. Puis en 2003 avec la levée de la restriction des prêts entre clubs de différentes divisions. Il y a également eu des interdictions temporaires, comme en 1980, lorsque les prêts de joueurs autres que les gardiens de but ont été interdits. Mais c’est bien la proposition de 1966 qui a mis en place le système de prêts tel que nous le connaissons aujourd'hui.
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Michy Batshuayi, prêté par Chelsea à Dortmund

Crédit: Eurosport

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