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Ugly Germany : 1984-1990

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 30/12/2010 à 17:09 GMT+1

Saga, en 3 parties, du grand disparu de l'année 2010 en football : le mythe de "l'Ugly Germany" ("affreuse Allemagne"), cette équipe que le monde adorait détester avant que son image soit bouleversée par la réussite du Mondial. Acte 2 : De Dervall à Beckenbauer, la guerre des solistes.

FOOTBALL 1981 Germany - Schuster et Breitner

Crédit: Imago

Après la coupe du Monde 1982 la "sale Allemagne" est donc bien ancrée dans les mentalités et les journalistes n'hésitent pas à en rajouter sur le style germanique. Mais au-delà des préjugés, la Nationalmannschaft a bel et bien aussi ses torts en produisant de moins en moins de jeu et en se privant de ses plus purs joyaux.
"Je préfère jouer du Bach au piano plutôt que de devoir supporter mes coéquipiers"
Bernd Schuster était le plus grand talent du football allemand depuis Franz Beckenbauer et Günter Netzer. Pourtant il ne porta le maillot national qu'à 21 reprises et la dernière fois à 25 ans. Pour se rendre compte de l'aura du n°8 de la NM, il faut se rappeler que la presse espagnole désigna le divin blond comme le plus grand joueur étranger à avoir évolué en Liga, devant Di Stephano et Cruyff. Mais Bernd Schuster était aussi un sacré caractère, refusant de jouer en équipe nationale tant que Breitner y était (on remarquera la similitude avec ce dernier qui quitta entre 1975 et 1981, lui aussi, la sélection à cause de l'autorité de Beckenbauer). Déjà en 1981, il était le seul absent de l'équipe nationale lors de la célébration de l'anniversaire de Hansi Müller. Pourquoi ? Parce que "je n'aime pas Müller" répondit-il aux journalistes. Un joueur qui dit clairement ce qu'il pense, lui qui "préfère jouer du Bach au piano plutôt que de devoir supporter mes coéquipiers".
Breitner : "Les 11 amis, la plus grosse connerie que j'ai jamais entendue !"
Schuster et Breitner, au-delà de leurs oppositions, sont la résultante de la nouvelle jeunesse allemande. Alors que le monde médiatique les enferme dans le carcan de la vieille Allemagne, ces deux joueurs sont des individualistes, se méfient de tout sentiment national, préfèrent leurs clubs à la Patrie, leur région à la Nation. La culpabilité de l'Allemagne nazie ? Un discours qui les dépasse ! Pour Schuster et Breitner, ils sont les enfants du "Wirtschaftswunder" et de mai 68, pas de leurs parents. Le mythe du "Elf Freunde", des "11 amis", ce sentiment de fraternité décrété par Herberger lors de la Coupe du Monde victorieuse en 1954 implose complètement. L'Afro le résumera à sa façon dans son autobiographie, "Ich will kein Vorbild sein" : les "11 amis" ? La plus grosse connerie que j'ai jamais entendue !"
Beckenbauer : "Est ce que vous pouvez croire que nous atteindrons la finale avec de tels joueurs ?"
Mais la Nationalmannshaft se prive elle-même des joueurs talentueux et Derwall y est pour beaucoup. Uli Stielike, désigné quatre fois de suite meilleur joueur étranger de la Liga, est réduit à des tâches défensives. Lui, le milieu de terrain formé à l'école du beau jeu de Mönchengladbach. Felix Magath, le meneur de jeu d'Hambourg, est exilé sur le côté alors que le dribble est loin d'être sa spécialité. La sélection nationale n'est plus qu'une masse informe athlétique où le défi physique est le maitre-mot. Les stylistes du ballon rond ne peuvent que s'incliner contre le punch de la Nationalmannschaft !
Successeur de Derwall dans des conditions rocambolesques, Beckenbauer doit reconstruire mais pour cela il faut du temps et sa célèbre sortie médiatique sur la faiblesse de son effectif fait mouche : "est-ce que vous croyez vraiment que nous atteindrons la finale avec de tels joueurs ?" Quel sélectionneur d'un autre pays oserait dire cela ? Sauf que le Bundestrainer reste sur le crédo de son prédécesseur en annonçant : "j'ai réalisé, après avoir observé la Bundesliga, qu'ils ne restaient que quelques valeurs typiquement allemandes, l'esprit de combat et une solidité défensive. Il n'y avait strictement rien à tirer du milieu de terrain et devant juste Völler et Rummenigge. Ce n'était pas grand-chose".
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FOOTBALL 1986 Germany - Voller and Beckenbauer

Crédit: Imago

L'Allemagne atteignit cependant la finale de la Coupe du Monde 1986 : un vrai miracle. Seconde de sa poule, une victoire poussive contre le Maroc puis une autre face au Mexique aux tirs au but avant d'éliminer une équipe de France exténuée par son matche contre le Brésil. La RFA pouvait alors s'incliner contre l'Argentine de Maradona, non sans avoir fait appel à quelques valeurs purement germaniques, en revenant de 0-2 à 2-2, grâce aux deux attaquants susmentionnés. Le "ugly Germany" dans le jeu  est toujours présent, tout comme les scandales.
1986 : ça chauffe sous les casques à pointe !
Uli Stein était un excellent gardien mais il avait pour habitude de persifler à propos de ses coéquipiers via ses contacts étendus avec la presse. Concurrent direct de Toni Schumacher, il fut renvoyé chez lui après avoir traité Beckenbauer de "clown". De son côté, Rummenigge, en délicatesse, comme en 1982, avec ses genoux, dénonçait que le "clan de Cologne" (Allofs, Littbarski, Schumacher) était responsable de ses piètres prestations. Paranoïa d'un grand attaquant frustré par les blessures. Beckenbauer, himself, traite Dieter Hoeness d'"idiot" et le jeune Olaf Thon, constatant qu'il ne jouerait pas, déclare : "je n'ai rien à apprendre ici. Je veux rentrer à la maison".
Beckenbauer : un tacle pour finir !
Petit à petit, la RFA de Beckenbauer va retrouver de la qualité technique mais le chemin est long et la défaite contre l'ennemi néerlandais en demi-finale de l'Euro 88, en Allemagne, laisse des traces. La presse internationale s'égosille devant le triomphe des Oranje : Van Basten et Gullit sont portés au firmament. Cruyff est bien vengé ! En 1990, la RFA, bientôt Allemagne réunifiée, prend sa revanche contre les Pays-bas dans une rencontre tendue. On retient surtout les crachats de Rijkaard sur Völler et l'expulsion des deux hommes. Dans un mondial très critiqué par son faible nombre de buts et son jeu très fermé, la RFA remporte sa troisième couronne grâce à un pénalty douteux. Beckenbauer le Bavarois laisse la place à Vogt le Mönchengladbachien et annonce la couleur : "je suis désolé pour les autres pays, mais avec l'intégration de tous les grands joueurs de l'Est, l'équipe d'Allemagne sera invincible durant les années à venir". Ou comment mettre la pression sur son successeur et se faire détester du plus grand nombre à l'international. L'"ugly Germany" a plusieurs visages.
A LIRE VENDREDI : "Ugly Germany", de Vogt à Daum, nouvelle Allemagne et mauvais gestes.
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