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Croatie - Serbie : entretien avec Ciro Blazevic : "Les sportifs réparent la philosophie des imbécile

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 22/03/2013 à 18:13 GMT+1

Ciro Blazevic, le mythique sélectionneur de la Croatie de 1998, s'attend à un Croatie-Serbie pacifique. "L'entraîneur de tous les entraîneurs" nous a reçus à Zagrebello, centre d’entraînement du NK Zagreb, où il poursuit sa longue carrière de coach à 76 ans. Voici cet entretien en version originale, c'est-à-dire en français.

2010 Miroslav Blazevic Croatie

Crédit: AFP

Comment allez-vous ? Vous avez repris le NK Zagreb, c’était inattendu…
C. B. : Quand quelqu’un de 76 ans dit qu’il est bien, ça veut dire qu’il a beaucoup de raisons d’être heureux. Tout va bien parce que malgré mon âge, je travaille toujours, je suis le plus vieil entraîneur au monde (rires).
Pourquoi être revenu ici au NK Zagreb, petit club en grande difficulté ?
C. B. : Le maire de Zagreb, M. Bandic, a beaucoup insisté pour que je vienne, non seulement insisté mais payé pour ça, ce qui signifie qu’il voulait vraiment que je vienne. Tiens, ça, c’est mon garde du corps. Moi, je n’aime pas avoir de garde du corps, c’est un peu déplacé, mais c’est mon président et le maire qui veulent. Au début, j’ai refusé de revenir parce que ma famille ne voulait pas que je continue, et puis M. Bandic a tellement insisté, j’ai une relation amicale avec lui, je ne pouvais pas refuser.
Le Croatie - Serbie de vendredi, comment vous voyez ça ?
R : Aucun doute que la Croatie est favorite. Ils ont une meilleure équipe, ils ont une tradition, dans les dix meilleures équipes mondiales depuis vingt ans, et je suis sûr que mon ami Stimac profitera de cette opportunité d’un grand match pour mettre l’équipe dans les meilleures dispositions.
Si vous deviez comparer cette équipe à la vôtre de 1998, qu’est-ce que vous diriez ?
C. B. : Je vais être subjectif mais sincère parce que les mensonges, c’est pour les imbéciles. Donc, pour moi déjà, l’équipe serbe de l’époque était meilleure que celle d’aujourd’hui, aucun doute. Mon équipe, qui a atteint la troisième place du Mondial, reste la meilleure. L’équipe actuelle est composée par des joueurs qui sont dans les plus grands clubs du monde, mais ce n’est pas forcément un avantage dans la situation présente, car demain, c’est sur eux que reposera toute la responsabilité, ils n’auront pas le droit de ne pas être au top. S’ils sont au top, je ne vois pas comment nous pourrions perdre, bien que le football soit une chose mystérieuse. 
Il y a des joueurs de cette équipe que vous prendriez dans votre équipe de l’époque ?
C. B. : Un seul, Modric.
Pas d’autre ?
C. B. : J’ai une grande considération pour les joueurs actuels, et je suis sûrement subjectif, mais non, mon équipe est la meilleure.
Qu’avez-vous pensé de la lettre d’avertissement de l’UEFA à propos des problèmes de la Croatie avec le hooliganisme ?
C. B. : Il y a une part de folklore là-dedans, mais au fond, ce n’est pas une mauvaise chose d’être averti sur ce point-là. Platini ne rigole pas avec ces choses-là. Il peut, d’une seule décision, nous mettre dans une position délicate. Il faut donc ne pas lui donner aucune raison de s’en prendre à nous.
Vous pensez que tout ira bien en tribune ? La police a prévenu que le match serait interrompu en cas de chants haineux.
C. B. : Puis-je vous poser une question : comparez-moi les supporters en France et en Croatie, lesquels sont les pires ? Vous êtes terribles vous les Français ! Regardez le PSG, Paris, la ville lumière, des milliers d’années de civilisation, et ils se tuent entre eux. Combien de temps vous a-t-il fallu avant de régler ça ? Citez-moi un seul incident comparable ici ces dernières années? Cela fait des années qu’il n’y en a pas eu. On nous a donné cette réputation mais ce n’est pas vrai. Vous verrez, tout se passera de façon civilisée, de la façon que je désire, et de la façon que tous les joueurs désirent.
On ne parle pas suffisamment des beaux gestes, comme celui de 1999 que je ne cesse d’évoquer. A l’époque, le climat était bien plus délétère qu’aujourd’hui. Nous jouions à Belgrade au Marakana, à un moment, il y a eu une coupure totale de courant dans le stade. Imaginez ce qui nous est passé par la tête en une fraction de seconde. Immédiatement, tous les joueurs serbes se sont précipités vers mes joueurs pour les protéger parce qu’ils craignaient que quelque chose de grave se produise. Les sportifs sont en avance sur les autres, ils réparent la philosophie des imbéciles qui a mené à la guerre. Tout ça est derrière nous, nous devons parler de ces gestes positifs. Et vous verrez un match au sommet entre des sportifs qui se respectent, et le fair play sur le terrain influera sur les tribunes, tout se passera bien. Les Serbes sont déjà venus ici en 1999, et nous ont éliminés de l’Euro 2000. Le public m'a seulement adressé une insulte, c'est tout. Il n’y a pas eu d’incident. Vous les journalistes, vous avez cette maladie de chercher des choses qui ne vont pas, quitte à les inventer, pour plaire aux lecteurs.
Cette équipe serbe, comment la jugez-vous ?
C. B. : Terrible, en ce sens que nous avons peu d’informations sur eux. Nos joueurs sont des vedettes mondiales, pas eux. Mais il y a ce jeune là, Filip Djuricic, qui jouera à Benfica la saison prochaine, lui c’est un très bon. On ne parle pas encore de lui, mais il est plus moderne que Modric, plus agile, il pénètre, il marque plus de buts. Mais quand on met tout ça en balance, notre équipe est objectivement supérieure, imagine, un joueur comme Lovren est remplaçant ! Cela dit, les Serbes ont une magnifique ligne défensive.
Mais pour le reste, il y a beaucoup de jeunes joueurs pas très connus…
C. B. : Justement, c’est l’occasion idéale de sortir de l’anonymat et de démontrer ses qualités sportives et mentales dans un tel contexte. Cette région, je veux dire l’ancienne Yougoslavie, produit régulièrement des joueurs très talentueux, ça ne s’arrête jamais.
Que pensez-vous du travail de refondation de Sinisa Mihajlovic à la tête de la Serbie et des règles qu’il a instaurées, aboutissant à la mise à l’écart d’Adem Ljajic qui refuse de chanter l’hymne national ?
C. B. : Sinisa est jeune. J’ai aussi fait ce genre d’erreurs quand j’étais jeune, mais cela revient à scier la branche sur laquelle il s’assoit. Les joueurs sont le plus important, tu ne peux pas écarter des joueurs talentueux à cause d’un problème que tu ne peux pas résoudre. Si tu ne peux pas résoudre le problème, ça veut dire que tu n’es pas capable. C’est facile de couper quand tu es du bon coté du couteau, tu peux couper ce que tu veux si tu es imbécile au lieu d’être pédagogue. Moi je suis extrêmement dur avec mes joueurs, mais je n’écarte personne. Quand j’étais jeune entraîneur à Lausanne, il m’est arrivé de le faire, et puis l’entraîneur de mes gardiens est venu me dire un jour : "On ne jette pas un marin par-dessus bord en pleine tempête". Tu peux faire ça une fois arrivé au port, c’est-à-dire à la fin du championnat, mais pendant que tu es en mer, donc en compétition, tu ne peux pas faire ça.
En tant qu’ancien sélectionneur de la Bosnie, quel est votre avis sur le match de la Bosnie contre la Grèce ?
C. B. : Nous devons gagner, bien que la Grèce soit un adversaire dangereux. Mais je suis confiant, il y a beaucoup de talent dans cette équipe, je suis persuadé que nous allons gagner. Tu vois, je dis "nous" quand je parle de Bosnie, je suis aussi un peu bosniaque (rires).
Regrettez-vous d’être parti en 2010 après l’élimination en barrage contre le Portugal ?
C. B. : Je suis un homme délicat, et je m’efforce de ne jamais insulter le sport qui m’a tout donné. Mais je suis aussi privilégié, et malgré mon âge, j’ai eu alors trois offres très importantes, une d’Iran et deux de Chine. J’ai le droit de me comporter comme je veux. Je ne cherche pas de travail, c’est le travail qui vient me chercher. Entraîner, ce sont de petites satisfactions et de grandes déceptions parce qu’il y a plus d’entraîneurs au chômage ou virés que d’entraîneurs qui gagnent le championnat.
C’est pour ça que vous avez accepté de reprendre le NK Zagreb, petit club actuellement relégable ? Pour vivre la satisfaction du maintien ?
C. B. : Ce sera difficile oui, mais je n’ai aucun doute sur le fait que je réussirai. Tu sais pourquoi ? Parce que je suis l’entraîneur avec ce cerveau, et cette expérience du plus haut niveau (en Croatie, Blazevic est surnommé "l’entraîneur de tous les entraîneurs"). Tu ne peux pas remplacer ça, ni l’acheter. Fils, tu as fini ? J’ai l’entraînement, je dois y aller...
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