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Zlatan a (encore) tort sur les sifflets du Parc

Cédric Rouquette

Publié 23/04/2015 à 14:18 GMT+2

Le PSG va mieux. Beaucoup mieux qu’à la fin de 2014, année terminée dans une grande et légitime nervosité. Cinq victoires consécutives, dont trois en championnat. Six victoires en sept matches en 2015.

Eurosport

Crédit: Eurosport

Ce pourrait être suffisant pour traverser le début de l’année 2015 sans difficulté particulière, en attendant le double rendez-vous contre Chelsea en Ligue des champions. Sauf que non. Paris gagne (1-0 contre Rennes vendredi) mais il ne dégage toujours pas grand chose sur le plan collectif. Le Parc pourrait s’en contenter docilement. Il ne le fait pas. En ouverture de la journée, il a sifflé Edinson Cavani à sa sortie. Il a fait connaître, plus généralement, son mécontentement contre l’équipe.

Interrogé sur cette impatience, Zlatan Ibrahimovic a préféré jouer l’ingénu : « On ne sait pas ce que les gens veulent. Ils sifflent, qu'on gagne ou qu'on perde. Peut-être mangeaient-ils du caviar avant ? » (voir ici la video). Il y a quasiment deux ans, à l’issue d’une victoire pareillement laborieuse contre Nancy (2-1), le Suédois avait été plus brutal. « Ils en demandent beaucoup. C’est étrange si on compare avec le passé, car avant, ils n’avaient rien ». L'idée est la même. Et une nouvelle fois, Zlatan a tort.

Bien entendu, le Suédois a le droit (le devoir ?) d’exprimer une incompréhension et de mettre en valeur le bilan mathématique de la période. Ce serait de la bonne comm’ de crise. Il sait que ses fans auront tout oublié du passage à vide si le Parc des Princes célèbre le titre en mai. Dire que lui et les siens font de leur mieux, ça ne mange pas de pain, même si ce n’est pas aveuglant.

Là où Zlatan a tort, c’est sur les arguments qu’il déploie.

Plusieurs générations, moins onéreuses, en ont fait davantage que la sienne

Le premier est d’inscrire son actualité dans l’histoire du PSG. Il n’ignore pas qu’au cours de la douzaine d’années ayant précédé l’arrivée de QSI, le public du Parc a beaucoup souffert des résultats décevants, du jeu pratiqué, et d’un climat de crise réelle ou latente régulier, qui avait transformé le fan du PSG en chair à moqueries dans les entreprises et les cours de récré. Mais Zlatan pourrait se douter que le public parisien savait déjà manifester sa déception, qu’il l’a fait beaucoup plus fort, et qu’il n’a pas attendu d’être un enfant gâté arrosé aux millions venus du monde arabe pour dire sa façon de penser.

Le PSG a bénéficié, au cours de cette période creuse, d’une grande fidélité de son public. Même les années de vaches maigres, l’affluence moyenne oscillait entre les 35.000 et les 43.000 spectateurs, seule la séquence entre 2009 et 2011 ayant marqué un fléchissement (accéder ici à tous les chiffres saison par saison, LFP.fr). Par ailleurs, on ne répétera jamais assez, avant que le PSG gagne la Ligue des champions, que plusieurs générations de joueurs parisiens, moins onéreuse que la sienne, ont réalisé beaucoup plus de choses que celle incarnée par lui Verratti, Motta, Pastore, Thiago Silva et quelques autres. Cette génération a pour elle deux titres consécutifs (2013, 2014) et un doublé L1 - Coupe de la Ligue (2014). Jamais le PSG ne l’avait réussi dans son histoire, certes, mais les stars parisiennes garderont la tête froide en apprenant que Lyon a remporté la L1 sept fois consécutives dans les années 2000 juste avant que Bordeaux (2009) puis Marseille (2010) réalisent le même doublé qu’eux.

Ces précédents posés, voici l’oeuvre commune des générations parisiennes ayant précédé celle de QSI, et qui ont laissé une empreinte jusqu’aux murs des couloirs du Parc, autant de démentis au fameux « ils n’avaient rien » :
- Huit Coupes de France, y compris en 2004, 2006 et 2010, en pleine période de vaches maigres ;
- Une demi-finale de Ligue des champions en 1995 ;
- Cinq demi-finales consécutives de coupe d’Europe dont une victoire en Coupe des coupes en 1996 et une finale en 1997.

Ce rappel n'est pas du luxe. Rappelons qu'en début de saison, Thiago Motta s'était fait sécher par quelques anciens car il ignorait que le PSG avait ouvert son palmarès européen il y a dix-neuf ans.

Le décalage entre le "rêver plus grand" et la réalité du terrain

Le public du Parc n'a pas toujours mangé du caviar. Il a parfois dû se contenter de jambon-beurres indigestes, mais il n’a pas attendu juin 2011 pour découvrir le football de haut niveau, ni l’ivresse du succès, et il voit bien qu'il a surtout des plats traditionnels sous le nez depuis le début de la saison. Ce n'était pas le programme.

Cela nous conduit à la deuxième erreur de Zlatan. Elle est dérivée de la première. En présumant par erreur que son équipe et lui ouvrent en quelque sorte l’histoire du PSG, ou du moins l’histoire du "PSG-caviar", il nous renvoie aux promesses qui ont été faites par ses dirigeants au Parc des Princes. Celle de "rêver plus grand". Celle de tout gagner. Celle d’avoir une équipe capable de remporter la Ligue des champions. Celle d’avoir une équipe à la puissance jamais vue en France ; cette promesse n’a peut-être pas été formulée à la lettre mais c’est objectivement la réalité. Les publicités pour les campagnes d’abonnement sont explicites. Le prix des billets va avec. Et les gens savent lire aussi bien que compter.

Si le client est roi...

Oui, certes, le fan moyen du PSG ne mangeait pas de caviar dans les années 2000, mais après l'explosion en vol de la génération Anelka, on ne lui en promettait pas non plus. QSI annonce aux supporters parisiens les mets les plus fins. Certains plats exceptionnels ont été servis la saison dernière, aiguisant légitimement l’appétit de tout le monde. Le public a beau être une masse indistincte, il n’est pas idiot. Il a parfaitement entendu ce qui lui était promis, et il ne s’agit pas de 1-0 poussifs contre une équipe en crise de résultats, une incapacité à défendre en bloc contre une attaque Pajot - Pablo Henrique - N’Tep, pas plus qu’une difficulté à cadrer des frappes face à une défense pilotée par un axe Armand - Mexer.

Le but inscrit par Lavezzi vendredi était absolument magnifique. Il fut d’ailleurs salué comme tel par la foule. Mais en étant une quasi exception dans le désert, il a montré au public du Parc tout ce dont il est généralement privé cette saison : vitesse, engagement, spontanéité, élan collectif. Zlatan est d’accord lui-même avec le constat, si l’on écoute bien la réponse qu’il finit par faire à un journaliste : « si l'équipe est bonne, Cavani et moi sommes bons » (voir la video). Hypothèse d'école, pour l'instant. Au cas où le Suédois en doutait, le PSG s'est déjà retrouvé troisième de L1 avec 47 points au bout de 23 journés. Il est difficile de demander aux supporters du premier budget de France de s'incliner face à cette oeuvre. Si par hasard le classement de L1 devait être maintenu en l’état au point d’envoyer le PSG en barrages de C1 au mois de juillet, nous risquerions de reparler d'un désenchantement des fans.

La France n’est pas un pays de football. Les relations entre ses publics et ses clubs manquent de maturité et justifient souvent des débats lancinants. Chacun cherche à se situer entre deux pôles extrêmes qui sont les suivants : d’un côté, ceux qui font des supporters la véritable âme des clubs, les seuls à ne pas aller et venir avec les dirigeants, les entraîneurs et les joueurs, et qui auraient à ce titre des droits exorbitants sur l’avenir de leur équipe ; de l’autre, ceux pour qui les spectateurs sont des clients, des sources de revenus encore trop inexploitées, qu'on caresse d'une main et ponctionne de l'autre. Ces gens occupent des postes-clefs dans les organigrammes. Le PSG a clairement une stratégie qui penche vers la deuxième approche. S’il réussit dans son entreprise visant à tutoyer les sommets, c’est qu’il aura tiré plus de revenus que jamais des poches de ses suiveurs. Il est - comme tous les clubs de foot - une entreprise commerciale ambitieuse, qui vend du spectacle, du rêve et se structure pour le faire à l’échelle internationale. Dans ces cas-là, quand la marchandise n’est pas à la hauteur, le client peut choisir de le manifester. On ne peut pas dire que le public du Parc soit tatillon cette saison. Il a le droit de faire la fine bouche.

Cédric ROUQUETTE
Twitter : @CedricRouquette
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