De Romain Grosjean à Lewis Hamilton : comment "l'horrible" halo a fini par mettre tout le monde d'accord

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 13/09/2021 à 21:33 GMT+2

GRAND PRIX D'ITALIE - L'un disait "non", l'autre voulait "le scier" à son introduction : Lewis Hamilton et Toto Wolff ont bien changé d'avis au fil du temps sur le halo sauveur de vie, et dimanche ils ne pouvaient qu'en louer les bienfaits. Comme de nombreux sceptiques avant eux, dont Romain Grosjean. Retour sur le cheminement d'une évidence.

La tête d'Hamilton, écrasée par la roue arrière droite de Verstappen

Crédit: Getty Images

Il faut bien l'avouer, la monoplace de Formule 1 a cessé d'être belle depuis la greffe du halo au début de la saison 2018. Deux ans plus tôt, cet écueil esthétique avait même été le principal frein à son adoption alors que Jean Todt, le président de la Fédération internationale de l'automobile, tentait de l'imposer, en réaction aux accidents mortels du jeune espoir britannique Henry Surtees, fils du champion du monde John Surtees, heurté par une roue en 2009, et Justin Wilson, l'un des pilotes les plus en vue de l'Indycar, en 2015, tué par des débris envolés.
L'atteinte à la beauté de sa monoplace était même l'argument avancé par Lewis Hamilton pour discréditer cette auréole - dans sa traduction française - qu'il venait de voir sur la Ferrari de Kimi Räikkönen : "S'il vous plaît, non ! C'est la pire modification esthétique de l'histoire de la Formule 1. J'apprécie la quête de sécurité mais là, on est en Formule 1, et la façon dont elle est aujourd'hui me va parfaitement bien."
La star Mercedes, qui avait juré qu'on ne le verrait jamais piloter une monoplace équipée d'un halo, avait publié ce commentaire sur son compte Instagram, sur un post depuis retiré. Et c'est à travers ce même réseau social qu'il a fait les louanges du fameux bouclier dimanche, après avoir pris la Red Bull de Max Verstappen sur la tête. "Il devait y avoir quelqu'un qui veillait sur moi, a écrit l'Anglais. Le halo a empêché l'accident d'être bien pire. Je suis incroyablement reconnaissant à tous ceux qui travaillent pour rendre nos voitures et nos courses plus sûres." Ce grand croyant remercie souvent Dieu dans ses épreuves, mais là, Dieu s'appelait tout simplement Jean Todt.

"Alors, qu'on puisse mettre un bus dessus..."

"Le halo a clairement sauvé la vie de Lewis", a claironné son patron, Toto Wolff. Un constat heureux pour un changement d'avis savoureux. "Si vous me donnez une tronçonneuse, je le scie moi-même sur place !, avait pesté le directeur autrichien, lors de la présentation de la Mercedes de 2018. Il faut améliorer la sécurité des pilotes mais ce que nous avons ajouté n'est pas attirant. Nous devons vraiment trouver une solution simplement plus esthétique."
Dans son équipe, le triple champion du monde Niki Lauda avait appuyé les propos de son compatriote en estimant que le halo "détruisait l'ADN de la F1". Mais la fronde autrichienne avait trouvé une réponse du côté du pionnier de la sécurité sur les circuits, également triple champion du monde de son état. "Il ne faut pas attendre des morts, avait supplié Jackie Stewart. Dans ce cas précis, la FIA fait exactement ce qu'il faut pour l'introduire. Certains n'aiment pas, mais ils disaient la même chose des ceintures de sécurité." Ou des rails autour des circuits d'ailleurs, entre autres.
Toto Wolff (Mercedes) au Grand Prix d'Autriche 2018
Mais là n'était pas le seul grief de Toto Wolff, agacé qu'on s'en prenne au travail de ses ingénieurs. "C'est un poids énorme en haut de la voiture, ça perturbe énormément le centre de gravité de la voiture, remarquait-il. Bien que ce soit impressionnant de pouvoir mettre un bus dessus, c'est une Formule 1. Alors, qu'on puisse mettre un bus dessus..."
Effectivement, ce halo, qui pèse 10kg et gâche de surcroît l'écoulement de l'air au-dessus du cockpit de la monoplace - mais c'est la même chose pour tout le monde -, a été prévu pour résister à une charge de 12 tonnes. Mais dimanche, les 752 kg de la RB16B de Max Verstappen, sans compter l'essence à bord, ont bien suffi à menacer l'intégrité physique de Lewis Hamilton.

"Avec le halo, l'esthétique des Formule 1 deviendra à chier"

Pour en revenir à 2016, Lewis Hamilton avait fini par tester le système de protection, et s'apercevoir qu'il n'était pas si gênant que ça. "Il obstrue légèrement la vision dans les rétroviseurs", avait-il concédé. LH44 n'avait même pas évoqué la barre d'appui verticale positionnée dans l'axe, juste devant les yeux. Normal, un pilote regarde à droite ou à gauche pour préparer le virage suivant, et l'épaisseur minime de la barre n'est pas réellement un élément perturbateur dans les lignes droites, où il en profite pour checker leur tableau de bord.
En fait, le halo a été tellement bien pensé que sa distance de positionnement et l'épaisseur de sa barre principale ont été calculées pour se faire presque oublier par l'effet de convergence de la vision des deux yeux.
"La visibilité n'est pas un problème", concluait Carlos Sainz à l'époque, tandis que Kevin Magnussen en revenait à l'idée qu'il se faisait de l'aspect de sa voiture et de la tradition automobile. "Cela enlève de la passion, de l'excitation, se plaignait le Danois, dans Le Monde. Les monoplaces de Formule 1 doivent être magnifiques à regarder. C'est pourquoi une Ferrari est plus excitante à regarder qu'une Mazda ! La passion et le plaisir des yeux ont également leur importance. Avec le halo, l'esthétique des Formule 1 deviendra à chier."

Grosjean s'était lourdement trompé lui aussi

Quand Nico Hülkenberg, encore pilote de Grand Prix l'an dernier, emboitait le pas de l'ex-pilote Haas en taxant le halo d'"horrible", et maintenait que les pilotes "devaient accepter une part de danger", Sergio Pérez craignait les conséquences des accidents en soulignant que sortir de la monoplace demanderait cinq secondes de plus, ce qui le mettait "mal à l'aise". Effectivement, Nico Hülkenberg a été face à l'impossibilité de sortir de sa Force India retournée en fin de saison à Abou Dabi. Mais sa supplique - "Je suis coincé comme une vache" - n'avait pas remis en question la validité de l'ensemble de sécurité.
Et comme quoi on peut se tromper lourdement, Romain Grosjean avait en son temps lui aussi essayé de discréditer le Halo. "J'ai dit que c'était un triste jour pour la F1, avait déclaré le Français en juillet 2017, lors de l'annonce de l'obligation d'installer le bouclier pour 2018. C'est quelque chose qui ne me plaît pas et dont je ne vois pas l'intérêt. Presque toutes les équipes étaient contre, les fans sont contre, les pilotes ont majoritairement dit non, et pourtant il sera bien là la saison prochaine."
"Je pense que le halo peut créer des problèmes que l'on n'avait pas et être utile dans très peu de cas", avait ajouté le pilote Haas, alors président de l'association des pilotes (GPDA), et en la qualité interlocuteur privilégié de la FIA. Il craignait une altération de la vision, notamment pour voir les feux au départ, mais ça ne s'est jamais vérifié. "Le Halo paraît vraiment efficace pour nous éviter d'être touché par un pneu qui se détacherait, mais il pose aussi beaucoup de questions, au contraire des dernières évolutions apportées en F1".
On sait ce qu'il en est advenu. Il était contre le halo jusqu'à lui devoir la vie lors de son accident au Grand Prix de Bahreïn, fin 2020. Depuis, le halo n'est plus un sujet de débat et c'est heureux.
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