Grand Prix d'Italie 2025 | Après l'échange de positions Piastri - Norris, pourquoi McLaren doit revoir ses "papaya rules"
Publié 09/09/2025 à 23:45 GMT+2
McLaren est restée fidèle à sa ligne de conduite. Dimanche, au Grand Prix d'Italie, l'écurie britannique a suivi ses "papaya rules" à la lettre pour rendre à Lando Norris une deuxième place qu'il avait perdue au stand. Mais en agissant de la sorte, elle a non seulement créé un "précédent" mais aussi pris un gros risque pour sa popularité et celle de ses pilotes.
Norris-Piastri, fausse raison et quête illusoire de l'équité parfaite
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Il n'y a pas que l'état français qui aurait bien besoin de "simplification administrative". McLaren, l'écurie du moment en Formule 1, aussi. Depuis qu'elle a amorcé son retour au premier plan, l'équipe britannique a mis en place une sorte de charte morale, dénommée "papaya rules", et dont le but est de fixer des règles pour tout un tas de scenarii possibles et inimaginables, en particulier ceux impliquant ses deux pilotes.
C'est sur cette base que dimanche, au Grand Prix d'Italie, l'écurie "papaye" a décidé d'inverser les positions d'Oscar Piastri et Lando Norris, après la perte, par celui-ci, de la deuxième place en raison d'un arrêt au stand trop long. Sur le papier, l'objectif est d'offrir aux deux pilotes les mêmes chances d'être titré, tout en les autorisant à lutter en piste, et ainsi se démarquer de la plupart des équipes ayant dominé le championnat plus ou moins récemment.
McLaren ne veut pas de deux coqs qui franchissent allègrement les limites, comme l'avaient fait Nico Rosberg et Lewis Hamilton en 2016. Elle ne veut pas, non plus, être l'équipe d'un seul homme, comme l'avait été Red Bull durant son hégémonie. Ainsi est sa vision du sport automobile qui la mènera, selon elle, à marquer profondément le présent et l'avenir.
McLaren a créé un "précédent"
Selon Andrea Stella, le directeur de l’écurie, l'épisode de Monza fut "un autre exemple des valeurs et des principes défendus chez McLaren." À en croire Oscar Piastri, pourtant, la fameuse "charte" n'a pas tout à fait été respectée. C'est ce qu'il a dit, à chaud, à la radio, en révélant que ce cas précis avait déjà été tranché et qu'une erreur au stand faisait "partie de la course". C'est aussi ce qu'il a laissé entendre, plus tiède, en conférence de presse : "Je suis sûr que nous l'examinerons et en discuterons davantage, mais ce n'était pas une situation qui n'avait pas été discutée auparavant", a-t-il assuré.
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On jurerait que Piastri avait raison. Le vainqueur d'un Grand Prix de Formule 1 doit être celui qui est allé le plus vite entre la ligne de départ et celle d'arrivée. Et la durée passée dans la voie des stands, qu'elle ait été allongée par une défaillance d'un outil ou par un mécanicien mal réveillé, en fait intégralement partie.
Cette discipline a beau être celle des détails et des millièmes de seconde, tous les éléments ne peuvent intégralement être contrôlés, et c'est précisément ce qui fait à la fois la grandeur de la F1 et du sport en général. Pour démontrer les failles de la philosophie de McLaren, proposons un raisonnement par l'absurde : si, au prochain Grand Prix, Piastri se retrouvait victime du même problème que Norris à Monza, mais que cela ne lui valait pas la perte d'une seule position, mais de deux ou trois... que ferait l'écurie de Woking ?
C'est notre manière de faire et nous y tenons
La réponse est évidente : absolument rien. Logique. Mais cela créerait une injustice dans un système qui n'a pour seul objectif d'être... "juste". "Chaque situation est différente, a répondu Norris à ce postulat imaginaire. C'est donc assez stupide de supposer ce genre de choses et de dire que nous avons créé un précédent. Nous ne sommes pas idiots [...]. S'il y avait quatre voitures entre Oscar et moi, bien sûr qu'il ne me laisserait pas passer. Je ne pense pas que ce serait correct. Mais dans une situation comme celle que nous avons vécue, où nous pouvons simplement être justes, nous le sommes. Si j'étais rentré à fond et que j'avais heurté tous mes mécaniciens, je ne me serais pas attendu à récupérer ma position. Mais aujourd'hui [dimanche, NDLR], ce n'était pas de mon fait. Ni Oscar ni moi ne voulons gagner ou perdre de cette manière. Mais nous faisons ce que nous pensons être correct en tant qu'équipe, peu importe ce que vous dites et peu importe vos opinions. C'est notre manière de faire et nous y tenons."
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Alors allons plus loin en mettant de côté l'absurde : supposons que ce scénario se reproduise, à l'exact identique, lors du dernier Grand Prix, alors que les deux hommes ne seraient séparés que de quelques points au championnat. Accepteraient-ils d'échanger leurs positions ? "Oui, parce que c'est ce dont nous avons convenu en tant qu'équipe", a certifié Norris à ce sujet. "Yep", a simplement acquiescé Piastri. On a le droit de les croire. On a aussi le droit d'en douter.
L'anti Senna-Prost
Quoiqu'il en soit, c'est précisément pour cette raison que McLaren a créé un "précédent" en agissant de la sorte à Monza. Ce n'est pas nous qui le disons, mais bien Toto Wolff, patron de Mercedes. "Vous fixez un précédent qui est très difficile à effacer, a confié, dans des propos retranscrits par nos confrères de Motorsport, celui qui est bien placé pour connaître le sujet. Et si l'équipe commet une autre erreur et que ce n'est pas un arrêt au stand... est-ce qu'on inverse encore les positions ? Mais en même temps, à cause d'une erreur de l'équipe, faire perdre des points à un pilote qui essaie de revenir n'est pas juste non plus. Donc je pense que nous allons avoir notre réponse sur le fait que c'était la bonne décision ou non vers la fin de la saison, quand la tension montera."
Encore faut-il qu'elle monte. Car en contrôlant tous les faits et gestes de ses deux pilotes, y compris lorsqu'ils bataillent en piste - souvenez-vous lorsque Piastri avait été sermonné après une tentative risquée en Autriche - McLaren touche à ce qui fait l'essence de ce sport : l'imprévu, le spectacle et aussi, il faut bien le dire, la rivalité. C'est franchement dommage pour une écurie dont le prestige a été décuplé par le duel entre Ayrton Senna et Alain Prost.
C'est aussi risqué : en bridant ainsi la lutte pour le titre, McLaren prend le risque de frustrer le grand public, et donc d'être boudée. Ce qui serait, finalement, l'exact inverse de l'objectif visé par les "papaya rules". Pire encore, elle pourrait rendre ses pilotes impopulaires : dimanche, le pauvre Lando Norris, qui n'y était pourtant pour pas grand-chose dans cette affaire, a été conspué par les tifosi à son arrivée sur le podium. Imaginez donc la réaction des fans si l'écurie britannique agissait de la même manière lors d'un Grand Prix décisif pour le titre mondial...
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