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"Il fallait Alonso N.1"

Eurosport
ParEurosport

Publié 23/10/2007 à 09:45 GMT+2

Le quadruple champion du monde Alain Prost estime que la rivalité Alonso/Hamilton et l'affaire d'espionnage ont conduit McLaren à l'échec. Et que Fernando Alonso aurait très probablement été champion 2007 avec un statut de leader.

Kimi Räikkönen succédait cette année à Michael Schumacher chez Ferrari et il a rempli sa mission en remportant le titre. C'est une intrégration réussie. Très vite, il avait d'ailleurs marqué son territoire par rapport à l'Allemand...
Alain Prost : Quand un pilote, même comme Schumacher, part d'une équipe et qu'un pilote comme Räikkönen arrive, les conseils de l'ancien ne servent pour être franc pas à grand-chose, quel qu'il soit. Je pense que l'intégration de Räikkönen n'a pas été facile du tout, pour deux raisons. Premièrement pour une question de personnalité et de caractère : il n'est pas très expansif. Deuxièmement par la présence d'un équipier Brésilien déjà vainqueur en grands prix avec Ferrari, et donc fatalement un peu plus proche de l'équipe, de par son côté plus latin. On l'a vu : Kimi s'est intégré petit à petit, en étant par moments légèrement décevant par rapport à Massa, mais néanmoins toujours là, avec un esprit positif. Schumacher avait aussi cette vraie qualité de ne jamais critiquer l'équipe.
Räikkönen a commencé à dire que la voiture lui convenait mieux vers le troisième ou quatrième grand prix de la saison. Avez-vous vu un léger changement dans sa façon de piloter ?
A.P. : Je suis assez réservé sur les règlements de la F1, même s'ils vont changer prochainement, mais pour voir la caractéristique d'un pilote au volant de ces voitures modernes, je peux vous garantir qu'il faut être pervers ou très imaginatif ! (rires) On le voyait avant, plus maintenant. Avec les aides au pilotage, on a l'impression que tous les pilotes conduisent pareil. Mais ça devrait changer l'an prochain (ndlr : abolition de l'anti patinage et d'assistances au pilotage). Je dois être honnête : même en regardant bien Räikkönen, je ne vois pas une grande différence avec les autres, car les F1 se conduisent avec l'accélérateur. Même avec beaucoup de sous-virage, les pilotes peuvent continuer d'accélérer sans risques de tête-à-queue. Tout étant sous contrôle, les styles se sont banalisés.
Räikkönen a dit dimanche qu'il préférait la F1 depuis qu'il est chez Ferrari. Ça vous a surpris ?
A.P. : Oui un peu, car il était aussi chouchouté chez McLaren. Et puis, je ne voudrais pas que McLaren devienne la cible. D'anciens pilotes disent ça mais je ne voudrais pas que cette équipe devienne le bouc émissaire, même si j'y ai vécu une année 1989 épouvantable. Je ne trouve pas ça "fair", pas honnête, parce que ça ne correspond pas à la réalité. Pour en revenir au cas de Räikkönen, je comprends qu'il puisse se sentir mieux chez Ferrari, mais il faut avoir un peu de pudeur : Kimi n'était pas si mal chez McLaren.
McLaren ne s'est-elle pas laissée griser par le talent de Hamilton ? On a l'impression qu'il avait un peu carte blanche au GP de Chine, par exemple...
A.P. : Oui, il y a de ça. Ils ont trop calqué sa course sur celle d'Alonso à Shanghai. En fait, ils l'ont très mal géré car ils regardaient vraiment trop Alonso ; ils ne voulaient pas le faire stopper trop tôt par rapport à lui. Pour gagner un championnat du monde, il faut un ensemble de choses. Ils les ont toutes eues jusqu'à il y a peu, et ils ont gâché leur fin de saison. Mais tous ces problèmes humains et les démêlés avec la FIA (ndlr : l'affaire d'espionnage) ont empêché toute sérénité et conduit à l'impossibilité de faire les choses correctement. A un moment, ils ont agi de façon un peu moins rationnelle.
Dans les derniers tours, Räikkönen menait. Si Hamilton s'était retrouvé 6e, pensez-vous que Dennis aurait appelé Alonso (alors 4e) pour lui demander de rétrograder de deux rangs afin de faire passer le titre Pilotes de Ferrari à McLaren ?
A.P. : Le cas aurait pu se poser, effectivement, et une telle demande ne m'aurait pas paru incongrue étant donné l'enjeu, avec les sommes incroyables derrière. Les gens auraient pu s'en offusquer mais il faut bien se rendre compte qu'il y a deux voitures par équipe. Autrement, ça signifie qu'il faudrait des équipes à une seule voiture. Et puis, autour de ça il y a toujours la manière de le faire, le contexte. Mais dans le cas présent, je suis persuadé que Ron n'aurait jamais fait cette demande à Alonso. Il aurait préféré perdre le titre plutôt que de lui demander ça. Je connais Ron. Il ne l'aurait pas demandé.
Cet échec de McLaren laisse les Anglais sans titres mondiaux depuis 1998 (Constructeurs) ou 1999 (Pilotes). Ne sont-ils pas en train de perdre la suprématie qu'ils ont longtemps eue sur ce sport ?
A.P. : Je le disais déjà en 1997, au rachat de Ligier : la technologie de la Formule 1 n'est pas en Angleterre. Les Anglais sont des artisans, avec l'expérience de la course et cela a toujours été pour eux une force énorme. Aujourd'hui, c'est de la pure technologie : il faut des moyens, de la passion, mais aussi l'appuis de grandes entreprises. Les grands constructeurs font le championnat et tout ce qu'il y a autour, et un peu moins ces artisans, ces équipes anglaises.
Alonso a rejoint vos propos précédant le Grand Prix du Brésil en disant que McLaren aurait dû nommer un numéro 1 et un numéro 2 pour 2007.
A.P. : Je ne suis pas un inconditionnel de ce schéma. Simplement, je pense que dans des équipes de pointe comme McLaren et Ferrari, c'est beaucoup plus facile de gagner un championnat avec un N.1 et un N.2. Mais je ne dis pas que c'est obligatoire, car le coté sportif passe alors au second plan. Finalement, peut-être que la première -et seule- erreur de Ron Dennis a été de ne pas avoir établi de N.1 et de N.2, dès lors qu'il intégrait un jeune aux dents longues capable de déstabiliser l'équipe. Avec le recul, s'il avait nommé Alonso N.1 et Hamilton N.2 l'hiver dernier, personne n'aurait crié au scandale et Alonso aurait été champion cette année ; sachant que Hamilton avait tout le temps de l'être. A mon avis, Ferrari n'aurait jamais été championne du monde s'ils n'avaient pas établi un N.1 et un N.2 lors des deux premières années difficiles avec Schumacher (1996 et 97). La bulle Ferrari aurait éclaté, avec les quatre-cinq personnes clés qui la composaient. D'ailleurs, ce fût très proche d'être le cas.
Alonso a dit qu'il avait amené à lui seul une bonne demi-seconde chez McLaren, l'hiver dernier. Renault sort d'une saison difficile, mais son retour s'accompagnerait de sa connaissance des Bridgestone acquise chez McLaren...
A.P. : Le pilote n'amène aucune information, ou alors très très minime. La question des pneus que vous abordez est plus de la compétence des techniciens et des ingénieurs. L'apport du pilote dans tout cela relève du fantasme. Il peut connaître certaines choses mais tout le monde a aujourd'hui les mêmes pneus, et des infos assez précises sur les gommes.
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