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Silverstone en sens inverse ? "Ça paraît fou" mais pas impossible selon Stéphane Clair

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 04/05/2020 à 15:04 GMT+2

SAISON 2020 - Alors que le promoteur de la Formule 1 met la dernière main au nouveau calendrier 2020, Silverstone proposait il y a un mois de courir sur le circuit en sens inverse. Un défi pour le moins inédit, surprenant. Excitant, énorme mais réalisable selon Stéphane Clair, le directeur général du circuit Paul-Ricard au Castellet.

Valtteri Bottas (Mercedes) au Grand Prix de Grande-Bretagne 2018

Crédit: Getty Images

On a d'abord cru à une blague, mais on était le lendemain du 1er avril. Dans son offre de service pour réinventer le calendrier de la Formule 1 2020 en pleine pandémie de coronavirus et litanie de reports et annulations, Stuart Pringle proposait un "double header" anglais au cœur de l'été. Un traditionnel Grand Prix de Grande Bretagne le 19 juillet, et un second opus une semaine plus tard, toujours sur le circuit de Silverstone, dans son sens inverse de roulage historique…
On n'aurait pas pris Stuart Pringle au sérieux s'il n'était le directeur général du circuit du Northamptonshire. La proposition posait de multiples questions et il y avait de quoi s'arrêter dessus. S'attarder sur les problématiques qu'elle soulevait pour finalement mieux faire apparaître l'invisible, ces standards, impératifs innombrables auxquels un responsable de circuit doit se conformer pour obtenir le label "Grade 1" auprès de la Fédération internationale de l'automobile.

Une heure pour tout savoir

Doux rêve, idée saugrenue ? Pas tant que ça et même intéressant selon Stéphane Clair. "C'est une excellente idée de faire tourner les voitures dans l'autre sens, mais c'est quelque chose de très compliqué, nous avertit le directeur général du circuit Paul-Ricard, au Castellet. "Très peu de circuits ont réussi à modifier leur tracé pour que ce soit acceptable en matière de sécurité dans les deux sens. Je n'ai qu'un exemple en tête : le pôle mécanique d'Alès, en France, qui a obtenu une homologation dans les deux sens. Mais dans un seul en compétition. Cela a nécessité d'importants travaux. Quand on crée un circuit, on ne le pense que dans un sens, en prévoyant des dégagements spécifiques. Si on doit le prendre à l'envers, tous les intérieurs de virages deviennent des extérieurs - et inversement - et certains dégagements ne fonctionnent plus." Bref, un circuit vu à l'envers devient immédiatement un véritable danger potentiel pour pilotes et commissaires de piste, et c'est une nécessité d'en traiter les causes sous peine de sanction grave.
Pour éviter donc l'impression de déjà-vu d'une semaine à l'autre, le louable projet de Silverstone 1 & 2 devrait donc passer son examen fédéral pour voir le jour. Ce dont Stuart Pringle se montrait tout à fait conscient, au moment de son annonce. Cela consisterait en quoi ? "Mener la même démarche que dans le sens original du circuit : proposer une homologation nationale puis internationale", explique son homologue du Grand Prix de France.
Sebastian Vettel (Ferrari) au Grand Prix de Grande Bretagne 2019
Pour ce faire, le travail débuterait devant un écran d'ordinateur. "La FIA a un outil permettant de faire tourner virtuellement des monoplaces de Formule 1 sur un circuit qui lui donne des vitesses de passage prévisibles à la corde des virages et, de là, détermine les faisceaux de sorties de piste potentielles, avec les vitesses d'impact sur d'éventuels rails, obstacles qui pourraient se créer. On voit alors très vite - en une heure tout au plus - les endroits où il y a des travaux à faire. Dès lors, soit on a de la place pour aménager de grands dégagements, soit on n'en a pas et il faut ajouter des dispositifs de sécurité. Ce qui induit un coût très important si ça relève de gros travaux de génie civil ; de l'ordre de plusieurs centaines de milliers d'euros."

Quand une bordure devient un tremplin

Deux voire trois mois pour configurer le circuit, ça parait juste mais "c'est possible, si tout le monde le veut, assure Stéphane Clair. Les dispositifs de sécurité sont onéreux mais pas compliqués en termes de délais. Si c'est juste pour une course, on peut même louer le matériel."
Concrètement, l'enjeu le plus sensible d'une adaptation est le cas d'une ligne droite bordée de murs, terminée par une épingle. La zone de freinage est sécurisée dans son prolongement par une aire spacieuse de dégagement. Dans l'autre sens, le pilote arrive sur un mur… L'autre principal grand danger ? Une bordure d'entrée haute qui se transforme en tremplin si elle fait office de sortie... "Si c'est haut à l'intérieur, il faudra le rabaisser. Mais c'est envisageable : il existe des bordures amovibles, que l'on pourrait ajouter où enlever selon le besoin dans la semaine."
Tout ça, les officiels l'expérimentent régulièrement. "En voiture de sécurité, on aime bien tourner dans le sens inverse, reprend Stéphane Clair. Parfois, on rentre à l'envers lorsque la course est terminée. Là, c'est un tout autre circuit. Au Paul-Ricard, à certains endroits, il faudrait un dégagement où on a un mur d'enceinte, un talus. Ça devient quelque chose d'impossible. Au bout de la ligne droite du Mistral, où il n'y a pas de dégagement possible. Idem au virage de Sainte-Beaume, coincé entre un aéroport d'un côté, un mur de l'autre."
Fernando Alonso (McLaren) au Grand Prix de Grande-Bretagne 2017

"Changer tous les feux, retourner toute la signalisation"

"En revanche, Silverstone est l'un des circuit où ça semble le plus imaginable : il faut être à plat, avec de grandes lignes droites, des virages plutôt rapides, des dégagements suffisants. C'est le cas", poursuit Stéphane Clair. Et par chance, les miroirs des exaltantes séquences de Copse et Becketts-Magotts-Chapel paraissent aussi prometteurs à l'envers.
Cependant, le défi ne consisterait pas seulement à reconfigurer la piste pour les pilotes, car elle est aussi l'outil de travail principal du directeur de course, des commissaires, des secouristes sans parler des télévisions. D'où la faire démarrer par exemple ? Pas de la grille de départ actuelle, même retournée. Sauf à offrir au coup d'envoi un run plus court qu'au Belgique. Mais là encore, rien d'infaisable. "L'actuel dernier virage est proche de la grille, il faudrait sans doute la déplacer, mais ça peut se faire dans la semaine, assure Stéphane Clair. Créer et modifier une ligne d'arrivée se fait facilement, une ligne de départ aussi. Les transpondeurs se renversent également sans problème sur la grille. En Formule 1, on a tout à disposition pour changer rapidement une boucle magnétique dans le sol, repositionner un récepteur télémétrique."
C'est terrible, mais il faut penser à tout et la liste des modifications semble interminable… "Si on change le sens de rotation d'une semaine à l'autre, il faudra changer tous les feux, retourner toute la signalisation, changer le positionnement les postes de commissaires car le danger ne viendra pas forcément du même endroit, souligne le patron du circuit provençal. S'ils sont protégés dans un sens, ils peuvent être exposer directement dans l'autre. Il faut aussi se poser la question des sifflets, ces murs entre-ouverts qui permettent la sortie rapide d'un véhicule d'intervention."

"Ce serait une révolution"

Mais quand on y songe, prendre la piste signifie d'abord sortir des stands, puis y rentrer à un moment. "Rentrer par la sortie de la pitlane, c'est ce qu'ont évoqué en premier les pilotes, se rappelle Stéphane Clair. Ça c'est une vraie question, et je ne sais pas si c'est réaliste. Mais on peut trouver des solutions si on investit de l'argent et qu'on a du temps."
Lewis Hamilton (Mercedes) au Grand Prix de Grande Bretagne 2019
Dans la même veine, il faudrait inverser les boxes. Ecurie championne du monde en titre, Mercedes préempte à chaque Grand Prix son garage, et ses rivales s'alignent ensuite : les Gris établissent leur QG en début ou en fin de pitlane, selon l'avantage estimé d'une arrivée au stand directe ou d'un départ direct. La stratégie peut en dépendre. Du coup, le dimanche soir de la première course il faudrait organiser un grand déménagement. Et changer la position des camions des équipes garés à la sortie des stands, dans le paddock. Pas simple.
Est-ce qu'à travers cette simple idée Le Castellet serait tenté d'en faire autant un jour ? Non, premièrement pour une raison technique et deuxièmement parce que le Paul-Ricard est par nature une circuit modulable. "On est capable de proposer plus de 240 combinaisons de tracés différents, rappelle son directeur. On pourrait donc varier le circuit d'une course à l'autre, et spécialement à huis-clos car on n'aurait pas à déplacer les spectateurs. Car s'ils peuvent être idéalement placés dans un sens, c'est moins certains dans l'autre. Mais en l'occurrence, on n'aurait pas à créer des tribunes supplémentaires." Malheureusement, la question ne se posera pas cette année.
A Silverstone donc d'aller plus loin dans sa démarche, ou pas. "Quand je vois comment ils ont adapté le circuit pour la moto, je me dis que c'est jouable, estime Stéphane Clair. Faire ça pour une fois, ça paraît fou, mais si c'est pour recréer de l'intérêt pour ce circuit, alterner selon les années pour le Grand Prix de Grande Bretagne, pourquoi pas. En tout cas, ce serait une révolution."
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