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Une course de qualification, l'idée vraiment maladroite pour booster la F1

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 06/09/2019 à 14:21 GMT+2

FORMULE 1 2020 - Les autorités de la Formule 1 phosphorent pour donner une nouvelle dynamique à la journée du samedi. L'idée d'une course faisant partir les derniers de la classe devant et les meilleurs derrière est-elle bonne ? Elle cumule plutôt les inconvénients…

Robert Kubica et George Russell (Williams) au Grand Prix de Bahreïn 2019

Crédit: Getty Images

Cyril Abiteboul, directeur d'équipe de Renault, estime déjà qu'il est trop tard pour expérimenter le format en 2020 car les motoristes ne seront pas en mesure de faire face aux nouveaux besoins. Néanmoins, l'idée fait son chemin et c'est bien ça le plus inquiétant. Pourquoi ? Parce qu'elle s'attaque au socle même de la Formule 1, ce qui fait son ADN.
De quoi parle-t-on ? D'instaurer une course à la place de la séance de qualification le samedi après-midi pour déterminer la grille de départ du dimanche. L'idée avait déjà circulé l'an dernier sous la forme d'un nouveau format de week-end comprenant deux courses, une courte et une longue, qui rapporteraient des points. Avec la conséquence notable de se servir du résultat de la première course pour établir la grille inversée du dimanche. La pression était forte mais Ross Brawn avait tenu. Fort de 35 ans d'expérience comme ingénieur en Formule 1, le Britannique devenu directeur sportif de la Formule 1 avait repoussé le concept, arguant qu'une heure et demie était une bonne durée pour une course de Formule 1. Et qu'il seule suffisait pour ne pas en diluer l'intérêt.
Mais voilà, les huit courses insipides qui ont fait patiner le championnat du monde 2019 jusqu'au Grand Prix de France ont été un parfait prétexte à la relance du projet d'une rénovation du format millénaire des Grands Prix. Un brainstorming tout azimut duquel est ressortie cette idée de course du samedi sous une forme déguisée. Et pas sans conséquences. La grille de cette Course 1 serait constituée par inversion du classement du championnat du monde. Samedi, à Monza, George Russell serait en "pole position" devant son coéquipier de Williams, Robert Kubica. Et Lewis Hamilton (Mercedes) dernier. Au terme de cette course d'une heure environ, le classement serait repris tel quel pour former la grille de départ du dimanche.

Quid de l'héritage d'Ayrton Senna ?

Pourquoi serait-ce dommageable ? Parce qu'un changement doit être une correction de quelque chose qui ne fonctionne pas, ou mal. Le principe de séance de qualification en trois parties est-il mauvais ? Il est non seulement bon mais probablement le meilleur jamais créé parmi beaucoup de formats étalés sur deux jours. Cet écrémage met les 20 pilotes en danger dès les premières minutes et les surprises sont régulières, entre mauvais timing d'entrée en piste, stratégies risquées, problèmes techniques… C'est un scenario qui monte en pression pour ne garder que les meilleurs. Comme dans tout concours.
Le pilote contre le chrono est une fabuleuse invention des 500 miles d'Indianapolis qui avait saisi la nécessité d'offrir le droit au plus véloce de partir devant, d'ouvrir la piste en seigneur. Et au meilleur de ses challengers le droit de le contester au plus près. Née en 1915 sur le célèbre speedway, la qualification fut reprise par le Grand Prix de France en 1922 et, dès lors, on comprit en voyant une grille de départ quel pilote avait le plus grand don pour la vitesse pure. Et mesurer son mérite à l'aune de la performance de ses coéquipiers.
Ce principe même a fasciné des générations de pilotes devant des spectateurs admiratifs et Ayrton Senna fut le roi de ces moments portés à une tension incroyable. La Formule 1 doit-elle aujourd'hui se débarrasser de cet objet de fascination ? Ringardiser ces records, ces histoires de pole positions sur laquelle la Formule 1 a construit sa légende ?
Ayrton Senna (McLaren) au Grand Prix de France 1993

Un champion sans pole position ni victoire ?

Ce serait pour le moins étrange de voir cette discipline élitiste récompenser les derniers de la classe d'un premier rang et punir les meilleurs d'une place de cancre en fond de grille. Pour voir quoi au juste pendant de cette course ? Les pilotes les plus lents - leurs voitures en fait, on est d'accord - tasser le peloton d'une façon insupportable, le réduire à l'état de petit train. Et à l'autre bout, Lewis Hamilton incapable de dépasser Valtteri Bottas. Des Red Bull, Ferrari et Mercedes se frayant péniblement un chemin dans le trafic, quel spectacle ! La course 1 n'était finalement qu'une mise en place de la 2, on aurait par conséquent droit au même spectacle le lendemain. Et pour entendre quoi ? Des stars se plaindre d'une surchauffe de leurs pneus et d'une dégradation rapide dans le trafic, les interdisant d'attaquer. N'importe quel manufacturier ne voudrait pas de ça.
Pour pousser cette démonstration par l'absurde, j'imagine déjà le pilote le moins coté du championnat partir en "pole position" de la course de qualification le samedi à Monaco, s'imposer et refaire le coup le dimanche… Le Grand Prix le plus prestigieux du championnat du monde donné au plus modestement véhiculé, l'indispensable révolution qui manquait…
Le Mondial 1982 a été confus, chaotique, dramatique. Il a livré 11 vainqueurs différents en 15 Grands Prix et avec une seule victoire, Keke Rosberg a été considéré comme un champion de circonstances. Ça vous dit un champion sans pole position et un paquet de quatrième ou cinquième places en 2021 ?
La Formule 1 brasse beaucoup d'idées, c'est au moins une preuve de vivacité, et de là certaines s'avèrent antagonistes. Et en l'occurrence, la réduction des coûts, son serpent de mer, ne serait pas la moindre des victimes collatérales de ce nouveau format. Avec 40 tours le samedi au lieu d'un moyenne de 12 aujourd'hui pour l'ensemble des concurrents, sûr qu'il faudrait augmenter le quota de moteurs autorisés par le règlement, et pour chaque équipe le budget des pièces pour reconstruire les bolides fracassés le samedi. Autoriser aussi plus d'infractions au couvre-feu du samedi au dimanche. Avec déjà 22 courses à l'agenda 2020, les mécaniciens ne sont pas au bout de leur peine…
Souhaitez-vous une course avec grille inversée à la place de la qualif en 2020 ?
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