Schumi: une image écornée

Au cours de sa jeune carrière, sans doute Fernando Alonso n'avait-il jamais appris le résultat d'une qualification aussi tard un samedi. A 23 heures, il apprenait qu'il avait bien décroché la 12e pole de sa carrière, 8 heures auparavant, même si sur les feuilles de temps estampillées FIA; le nom de Michael Schumacher y avait d'abord été inscrit. Le pilote allemand est rétrogradé par le collège des commissaires: pour sa manoeuvre surprenante, douteuse, condamnée par l'ensemble des observateurs et réprimandée par le Collège des Commissaires. Alonso allait donc emmener le peloton dans les rues de Monaco.

Le champion du monde en titre n'a pas laissé l'ombre d'une chance à ses rivaux. Il a contrôlé la course de bout en bout, malgré des poursuivants nommés Raikkonen et Webber, habiles dans les rues étroites de Monaco, puis malheureux de devoir rentrer au stand à pied; laissant leur monoplace fumante, en bord de piste. Ce premier succès d'Alonso en Principauté, lui permet donc de prendre ces distances sur Raikkonen et de reléguer M.Schumacher, son dauphin, à 21 points.

Si Alonso n'a pas raflé la mise, il s'est offert une victoire prestigieuse, sur le Rocher -celle dont rêve tous les pilotes- et a confirmé le potentiel et la supériorité de sa monoplace. "Chaque course devient de plus en plus importante et j'ai pris un petit avantage comptable sur Michael, qui marque tout de même cinq points. Ce fut une course fantastique et indescriptible sur le plan de l'émotion," souriait le natif d'Oviedo, les traits marqués par l'effort qu'exige le serpentin monégasque. Avec deux poles et deux succès consécutifs (Barcelone, Monaco) Alonso a pris un avantage psychologique certain sur ces rivaux. Raikkonen ne semble plus en mesure de venir jouer les trouble-fêtes, en raison d'une voiture franchement peu compétitive.

Mais l'arithmétique a ses raisons que la course automobile ignore parfois... Onze épreuves restent à disputer: les 21 points d'avance d'Alonso ne sont pas une assurance tous risques, mais offrent au champion espagnol un joker, en cas d'imprévu. Renault force le respect et la marche en avant de l'écurie dirigée par Flavio Briatore, sur les traces de 2005. A Monaco, le champion du monde en titre a marqué des points, mais pas seulement sur le plan comptable.

Face à ce qu'il faut bien appeler "l'affaire Schumacher", le champion du monde en titre a su conserver son sang-froid, notamment en conférence de presse, préférant garder sa concentration intacte, plutôt que de se lancer dans d'interminables et stériles déclarations. Alonso se savait plus rapide que Schumacher sur la piste et sans porter le moindre jugement, son opinion était faite sur la manoeuvre de son rival.Pour Michael Schumacher, Monaco 2006 demeurera, sur son brillant palmarès, une éraflure que le temps ne saura complètement effacer: comme à Adélaïde (1994) ou Jerez (1997), le septuple champion du monde a commis une erreur. Qui n'en commet pas! On regrette simplement que Schumacher n'avoue jamais ses faux pas. Faute avouée....

Les explications fournies par le pilote allemand, à l'issue de son freinage manqué à la Rascasse ont surpris les journalistes et indigné les pilotes. Les récriminations ont été unanimes.

Mais que s'est-il donc passé dans la tête de Schumacher, samedi 27 mai, vers 15h15? Son palmarès est incomparable et son talent n'est plus à démontrer. Sa cinquième place hier, malgré un départ des stands est bien une preuve supplémentaire que le pilote reste un as du volant. Schumacher a-t-il déjà craqué face à la domination de Renault. Pas impossible. Il est pourtant le premier à assurer que la saison est longue et que Ferrari dispose de toutes ses chances pour jouer le titre jusqu'en octobre prochain. Samedi, plus que de compromettre ses chances pour le titre mondial, Schumacher s'est attiré les foudres de ses pairs et plongé le public dans l'incompréhension Poursuivra-t-il sa carrière? Pas impossible. Son futur contrat est prêt. Chez Ferrari. Ailleurs? Difficile d'imaginer une nouvelle association Briatore/Schumacher, chez Renault. Inutile aujourd'hui de se perdre en conjectures. Le Formula One Circus est tout aussi imprévisible que Michael Schumacher, dans le virage de la Rascasse.

A Monaco, Schumi a écorné son image celle d'un homme jugé -à tort- froid, distant et hautain. Cette image risque pourtant d'être définitivement figée. Et sur papier ...glacé !