Affaire Karabatic : "La justice s'est emballée"

Sylvain PIGNOL : Effectivement, beaucoup de choses ont été dites sur cette affaire. Certaines informations étaient parcellaires, d'autres contradictoires. L'idée n'est pas d'apporter quelque chose "de plus" mais de raconter cette histoire qui sort vraiment de l'ordinaire. En remettant dans l'ordre toutes les informations qui sont sorties en même temps.

S.P. : L'idée de ce livre est d'abord de raconter avec un minimum de recul cette affaire des paris suspects, qui a été une tempête sur le handball. Et pour comprendre pourquoi elle a eu cet impact, il m'a semblé nécessaire d'écrire également la première biographie de Nikola Karabatic, dont le parcours extraordinaire explique en grande partie le déchaînement dont il a été la cible. L'idée n'était pas de prendre partie pour lui. Mais d'exposer les différents faits pour que le lecteur puisse en tirer les conclusions qu'il souhaite.

S.P. : Cette affaire est encore concernée par une instruction judiciaire. Nous savions, avec mon éditeur, que nous ne pourrions pas avoir les témoignages de tous les protagonistes de ce dossier. Nous ne pouvions pas nous permettre de présenter un ouvrage inéquitable dans lequel le joueur s'exprimerait et pas la justice, ou inversement. L'idée était vraiment de raconter cette histoire depuis le match Cesson - Montpellier du mois de mai jusqu'à maintenant, de donner aux personnes qui souhaiteraient en savoir plus sur le sujet un récit exhaustif et parfois critique de la manière dont se sont déroulées les choses.

S.P. : Je me garderai bien d'émettre un jugement sur cette question puisque c'est la Ligue Nationale de Handball qui doit trancher. Les joueurs qui ont misé risquent au maximum 6 matches de suspension. Et Luka Karabatic, qui a reconnu avoir parié, a déjà été sanctionné en quelque sorte puisqu'il a été licencié du MAHB. Quant à Nikola Karabatic, il n'a jamais avoué avoir parié et jusqu'à présent, aucun élément de preuve ne montre qu'il l'a fait. On ne peut pas sanctionner un joueur sur de simples suspicions.

S.P. : Je vous répondrais par une question : s'il n'avait pas été aussi connu, l'affaire aurait-elle eu un tel retentissement ? Ce qui l'a "sauvé", c'est que rien ne prouve aujourd'hui qu'il a misé sur ce match. Il a quand même payé les pots cassés puisqu'il a perdu un sponsor personnel (Brother, qui était aussi à Montpellier) et son image a été écornée

S.P. : Lorsqu'on écrit un livre sur un sujet aussi sensible, on est conscient que l'on s'expose à la critique. Reste à savoir de qui elle vient et pourquoi, si elle est argumentée. Il me semble que le livre est très bien documenté et les lecteurs pourront le constater. Je n'ai pas écrit cet ouvrage uniquement pour les initiés mais aussi pour les personnes qui s'intéressaient au handball à travers la figure de Nikola Karabatic et qui souhaiteraient approfondir leurs connaissances de l'affaire.  

S.P. : Si on écoute les critiques, ce n'est jamais le bon moment pour publier un livre sur une affaire polémique. Si l'affaire avait éclaté au printemps et que le livre était paru à l'été, on m'aurait sans doute accusé de vouloir profiter des JO pour vendre le livre. Je pense que c'était justement le bon moment, alors que l'affaire est encore dans l'actualité, pour apporter des réponses aux questions que se posent beaucoup de Français.

S.P. : C'est bien pour des soupçons de match truqué qu'ils ont été mis en examen. Mais jusqu'à présent, la justice n'a présenté que des éléments peu probants sur la possibilité d'un arrangement pour que Montpellier perde à la mi-temps ce jour-là. La conférence de presse du procureur de Montpellier au lendemain des arrestations était d'ailleurs un grand moment de commentaires sportifs et non pas de démonstration de l'existence d'un "pacte de corruption", comme il l'avait dit ce jour-là.

S.P. : J'ai du mal à comprendre l'idée qu'on doive être "légitime" pour parler d'un fait d'actualité. Je suis journaliste professionnel et l'idée était de raconter cette histoire qui est sortie de la rubrique sport pour devenir un fait de société. Mon pedigree est peut-être même un avantage pour prendre du recul sur ce sujet, au contraire de certains journalistes ou bloggers sportifs qui vivent et dorment avec le handball.

S.P. : Ça a sans doute à voir avec le fait qu'il est le meilleur handballeur de l'histoire du sport français. Il avait déjà tout gagné à 25 ans et il est devenu une idole pour le grand public. Peut-être a-t-on mis trop d'espoirs en lui, surtout en le comparant par effet miroir aux "sales gosses" footballeurs. La justice s'est emballée en arrêtant notamment les joueurs le 30 septembre, à la vue de tous les médias sans mesurer la portée que cela aurait dans l'opinion publique.

S.P. : Vous posez vous la même question quand des chaînes d'info, des journaux, des radios ou des sites internet en parlent ? C'est bien parce qu'il s'agit d'un évènement d'actualité qu'il mérite d'être traité en profondeur, à la fois à travers une biographie (la première) et un récit détaillé du déroulement de ce tremblement de terre pour le handball français.

S.P. : Effectivement, la relation entre les deux hommes s'est beaucoup détériorée depuis que cette affaire a éclaté. Il y avait même un prémisse en fin de saison dernière avec un accrochage sévère entre les deux hommes. D'ailleurs, la Gazette de Montpellier (hebdomadaire de la région) indique aujourd'hui que Nikola Karabatic songe sérieusement à quitter l'Hérault et que Patrice Canayer serait prêt à le laisser partir. L'entraîneur montpelliérain a été visiblement très déçu de cette affaire qui menaçait tout ce qu'il avait construit en dix-sept ans de travail.

S.P. : Effectivement, Nikola Karabatic semble être déjà revenu à son meilleur niveau. Début novembre, après un mois sans jouer, il a été excellent avec l'équipe de France et dès qu'il a remis la tunique de Montpellier, il a vraiment été très performant. Est-ce qu'il va sortir encore plus fort de cette affaire ? On aura sans doute une première réponse lors du Mondial 2013 en janvier.

S.P. : traitement, elle est simple : Luka Karabatic a avoué avoir parié, ce qui a constitué une entorse à son contrat de travail avec Montpellier. Nikola Karabatic, lui, nie en bloc et le club de Montpellier ne peut s'appuyer sur aucune preuve pour l'instant qui montre qu'il a parié. Economiquement, le MAHB n'a aucun intérêt à licencier un joueur qui peut lui rapporter une belle indemnité de transfert au cas où il partirait.

S.P. : Effectivement, le handball français qui vivait sur un petit nuage depuis quatre ans a été touché. L'image positive qu'il suscitait dans l'opinion publique a été écornée mais peut-être que cette histoire, par son côté sulfureux, va faire que les gens vont s'intéresser encore plus aux prestations des joueurs. De toute manière, si l'équipe de France remporte le Championnat du monde, cela aiderait à tout oublier...