Les champions en questions

C'est leur péché mignon. Souvent, trop souvent, les Français démarrent leur tournoi sur la réserve. Dans l'engagement, dans l'intensité, ils n'ont pas été en mesure de répondre à l'enthousiasme magyar mardi soir. "C'est le match qu'on espérait avoir à Bercy et qu'on n'a pas eu", note Claude Onesta, qui redoutait ce type de rencontre. Pour ne pas avoir su se rendre le match facile, l'équipe de France a galéré jusqu'au bout, bien au-delà de ce qu'elle avait imaginé. "On savait que ce premier match allait être dur", assure pourtant Nikola Karabatic.

Mais une fois confronté au problème, le champion olympique et champion du monde est apparu à court de solutions, et de réactions. "On a été un peu trop passif sur leurs enchaînements", concède d'ailleurs Guillaume Gille. En attaque, les Bleus sont également tombés dans une certaine facilité par instants. Michaël Guigou, un habitué des forts pourcentages au tir, a ainsi mis deux ballons sur le poteau, seul devant le gardien hongrois, et n'a marqué aucun but. "On a manqué beaucoup trop de tirs faciles, c'est ça qui nous a un peu tués", a reconnu Karabatic. "On a péché pendant presque 60 minutes dans la finition", conclut Bertrand Gille.

Sans jamais en faire une excuse, ni même la raison de leurs maux du jour, les joueurs français ont stigmatisé l'arbitrage de messieurs Nikolic et Stojkovic, les préposés au sifflet mardi. "Ils ont été agressifs et l'arbitrage n'a pas été conséquent, estime Karabatic, qui n'a pas été ménagé par la défense hongroise. On prenait des deux minutes alors qu'on ne touchait même pas les mecs." Un avis partagé par Guillaume Gille. "Quand on voit pour quoi on a pris des deux minutes, on se dit qu'on a un peu joué un match de Coupe d'Europe à l'extérieur", renchérit l'arrière tricolore.

Une référence directe à la proximité de la frontière hongroise située à peine à 40 kilomètres de Wiener Neustadt, où se tenait le match, dans une salle bien garnie par les supporters hongrois, déchainés. Cela a-t-il pu peser sur le comportement des arbitres? Oui, à écouter les Bleus. Mais ils avaient les moyens de se mettre à l'abri de ce genre d'impondérables, or ils n'ont pas su le faire. Si cela avait été le cas, personne n'aurait parlé de l'arbitrage...

Les matches de préparation avaient soulevé ce problème, même lors des deux nettes victoires à Bercy le week-end dernier face au Brésil et à l'Islande: les Bleus tanguent en défense. Prendre 29 buts face à la Hongrie, ce n'est pas normal. "Ils font un match exceptionnel, ils sont en réussite quasi-maximale, note Claude Onesta. C'est difficile de jouer une équipe qui se met dans l'euphorie." Certes. Mais on notera tout de même que lors du Mondial 2009, jamais ils n'avaient encaissé autant de buts en un seul match. Thierry Omeyer, fraichement auréolé de son titre de meilleur joueur du monde, s'est liquéfié. Le gardien tricolore a sans doute vécu sa pire soirée en sélection, notamment au cours d'une première période qui l'a vu effectuer un seul arrêt. Presque surréaliste. Mais Omeyer n'est pas seul en cause. Le naufrage a été collectif et le portier des Bleus a souvent été livré à lui-même. Paradoxalement, c'est leur défense qui leur a permis de sauver le nul en fin de rencontre, notamment lors d'une dernière minute brûlante. Mais si la défense des Bleus ressemble durant cet Euro à ce qu'elle fut 55 minutes durant contre la Hongrie, le triplé sera hors de portée.

Il y a deux façons de regarder le résultat et le match des Bleus. Certes, ils ont livré leur plus mauvais match depuis longtemps en compétition officielle. Mais en resserrant les boulons dans les cinq dernières minutes, ils ont su éviter la défaite. A charge pour eux maintenant de retenir la leçon. "On aurait dû perdre vu le contexte de la deuxième mi-temps, donc on va dire qu'on a sauvé l'essentiel", juge Onesta. "J'espère que ça va permettre d'ouvrir les yeux à tout le monde sur la nécessité d'un plus grand investissement et d'une meilleure performance collective", prévient Guillaume Gille. Dans les trois jours qui viennent, les champions du monde devront prouver qu'ils sont capables de retrouver leur meilleur niveau, face aux Tchèques mercredi et surtout contre l'Espagne, vendredi. "Il va falloir s'y remettre vite, dans la confiance et dans les performances individuelles, sans s'affoler mais sans tarder", tranche Onesta, dont on imagine que le discours sera musclé mercredi...