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Paralympiques 2022 - Scooby-Doo, multi-sports et détermination sans faille : le destin hors-norme d’Oksana Masters

Jean-Baptiste Duluc

Mis à jour 04/03/2022 à 18:21 GMT+1

PARALYMPIQUES DE PEKIN 2022 – Quintuple médaillée et doublement sacrée il y a quatre ans à Pyeongchang, Oksana Masters est l’une des stars des Jeux Paralympiques qui s’ouvriront ce vendredi. Symbole de résilience comme tant d’autres para-athlètes, revenue du bout du monde, l’Américaine se distingue par son incroyable capacité à performer dans tous les sports. Un destin complètement hors norme.

La para-athlète américaine Oksana Masters

Crédit: Getty Images

Le destin est parfois particulièrement retors. Mais ça ne l’empêche pas, même dans ces cas-là, d’être également magique. Comme celui d’Oksana Masters, qui disputera à Pékin ses sixièmes Jeux Paralympiques. Car l’Américaine n’aurait sans doute jamais dû participer à une seule édition. La faute notamment à la malchance. Elle n’a pas choisi de naître en Ukraine, à Khmelnytskyï, quelques années seulement après l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Un accident qui a très probablement causé son handicap.
Oksana Masters est née avec six orteils à chaque pied, cinq doigts palmés à chaque main et pas de pouce. Sa jambe gauche était plus courte de 15cm que sa jambe droite et ses deux jambes manquaient d'os porteurs. Surtout, son genou flottait dans sa jambe gauche en forme de C. Les fées qui n’étaient pas là à sa naissance sont arrivées plus tard selon un destin qui n’est pas sans rappeler celui de l’autre star américaine du monde paralympique, Tatyana McFadden.

Scooby Doo pour apprendre l’anglais

Comme cette dernière, Oksana Masters est née en 1989 dans l’Est de l’Europe (Ukraine pour Masters, la Russie pour sa compatriote). Comme McFadden, elle a été abandonnée à sa naissance par ses parents biologiques et placée dans un orphelinat, où la malnutrition et la maltraitance étaient monnaie courante. Rien alors ne la prédestinait à une trajectoire paralympique. Personne n’aurait alors misé un seul karbovanets sur elle. Mais tout a changé en 1996. Comme Tatyana McFadden, elle a bénéficié d’un coup de main venu du bout du monde, puisqu’elle est adoptée par une Américaine.
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Oksana Masters et sa mère, Gay Masters, lors du Mothers Day 2020

Crédit: Getty Images

Là encore, rien n’a été facile. Il a fallu un long combat de près de deux ans contre le système ukrainien, qui venait juste d’interdire les adoptions de parents étrangers, avant que Gay Masters ne puisse ramener la petite fille de 7 ans et demi chez elle, à Buffalo. Lors de ses premiers mois aux Etats-Unis, Oksana peine à communiquer avec elle : elle n’a aucune notion d’anglais et sa mère ne parle pas l’ukrainien. Heureusement, la petite fille passe ses journées devant des épisodes du dessin animé Scooby Doo à la télévision et apprend très vite à s’exprimer en anglais. Elle s’adapte et surmonte les épreuves, déjà.
Je n’aimais pas l’idée d’un sport destiné aux personnes handicapées
Pourtant la vie s’acharne, cruelle, lorsqu’elle est finalement amputée des deux jambes, à 9 ans puis à 14 ans. Il ne faudra pas longtemps à l’Américaine pour s’habituer à ses prothèses. Mais le sport en compétition semble encore loin, lorsque la famille déménage à Louisville. "Je n’étais pas une athlète avant mes amputations, avouait-elle pour Sports Illustrated en mai 2021. J’ai toujours été une personne très active mais quand j’essayais de faire partie des équipes de volley ou de danse au collège, j’étais un handicap avec mes prothèses. Je n’étais pas assez grande, je ne suis pas du tout coordonnée et je ne sais pas si j’étais vraiment athlétique".
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L'athlète para lympique américaine Oksana Masters et sa collection de médailles

Crédit: Getty Images

Un de ses professeurs finit par parler en 2002 à Oksana du "Louisville Adaptive Rowing program" (NDLR : Programme d’aviron adapté de Louisville pour les personnes en position de handicap), une proposition qui va tout changer. "J’avais compris que le sport était en quelque sorte une thérapie pour elle", racontait sa maman au quotidien américain Courier Journal. Même si la jeune américaine ne veut alors pas en entendre parler. "Je n'aimais pas l'idée d'un sport destiné aux personnes handicapées, déclarait-elle pour le Courier Journal. Je voulais me sentir comme tout le monde." Mais sa mère voit plus loin, la pousse à essayer, la force même. Bien lui en prend.

Le dos, malheureux partenaire dans sa diversification

Ses prédispositions sont évidentes. Sa joie de ramer, sa passion pour la discipline, aussi. Elle ne le sait pas encore mais son destin paralympique est lancé. Dès 2012, dix ans après avoir découvert la discipline, elle file à Londres pour les Jeux Paralympiques, ses tous premiers. A seulement 23 ans, elle décroche la médaille de bronze en deux de couple TA (athlètes n'ayant pas l'usage de leurs jambes) en compagnie de Rob Jones. La première d’une collection qui va s’agrandir. Mais pas en aviron.
Quelques mois plus tard, elle est forcée de dire adieu à l’aviron, en raison d’une blessure au dos. Saleté de destin, mais pas question pour l’Américaine de quitter le sport. Seulement d’en changer. Intéressée par la discipline qu’elle avait regardée à la télévision lors des Jeux de Vancouver en 2010, Oksana Masters découvre en 2013 le ski de fond, qui devient sa nouvelle passion. La réussite est immédiate. Un an plus tard, elle est sélectionnée pour les Jeux de Sotchi et y décroche ses deux premières médailles aux Paralympiques d’hiver, avec le bronze sur le 5km assis et l’argent sur le 12km assis. Mais, là encore, son dos ne lui laisse aucun répit.
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Oksana Masters

Crédit: Getty Images

À nouveau touchée après Sotchi, elle doit faire de la rééducation et se met au handbike (cyclisme à main). Elle ne commence jamais un sport pour rien : ce virage dans cette nouvelle discipline la mènera de nouveau aux Paralympiques. Et si Rio ne sera pas ponctué de la réussite habituelle (4e et 5e), Tokyo se chargera de rétablir la situation quatre ans plus tard, avec des médailles d’or sur la course en ligne et le contre-la-montre. Parce que rien ne résiste bien longtemps à l’Américaine, pour qui l’impossible n’est pas une notion connue.
Ne laissez jamais la société déterminer la notion préconçue de ce qui est possible
Personne n’aurait imaginé que l’on pouvait gagner des médailles dans quatre sports aussi différents. Ou être victorieux aux Paralympiques d’hiver et d'été. Et encore moins les enchaîner à six mois d’intervalle. Mais l’Américaine, devenue plus qu’une athlète depuis sa pub avec Toyota en 2018 et égérie de la ligne de vêtements SKMIS de Kim Kardashian pour les Paralympiques d’hiver, n’a jamais laissé personne définir ses limites.
"A n'importe quelle fille ou garçon : si vous avez l'air différent ou si vous pensez que vous avez l'air différent, ne laissez jamais la société déterminer ce que vous voyez quand vous vous regardez dans le miroir, déclarait Oksana Masters lors du Mothers Day en 2020. Ne laissez jamais la société déterminer la notion préconçue de ce qui est possible. Foncez." C’est ce qu’elle a toujours fait, pour se construire un palmarès et un destin à nuls autres pareils.
Médaillée aux Jeux dans quatre sports différents, quadruple championne paralympique, Oksana Masters rêve d’aller chercher le seul titre qui lui manque encore : en biathlon. Peut-être le sport qui lui correspond le moins, pourtant. "Je ne suis pas du tout une bonne tireuse", a-t-elle confié sur le site des paralympiques. Après tout, ça ne serait pas la première fois qu’elle défie ce qu’on croyait impossible. C’est depuis longtemps son exceptionnelle habitude.
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L'Américaine Oksana Masters sur le pas de tir

Crédit: Getty Images

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