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Bilan des Jeux : Rio n'a pas à rougir de ses Jeux, mais...

Laurent Vergne

Mis à jour 22/08/2016 à 19:40 GMT+2

JO RIO 2016 – Chaotique et brouillonne, l'organisation des Jeux de Rio a pourtant été menée à bien sans accroc majeur, loin de la catastrophe annoncée. Vu le contexte, la cité merveilleuse a donné le meilleur d'elle-même. Même si, pour l'immense majorité de ses habitants, restée extérieure aux JO, rien n'aura changé demain.

Athletes' accommodations at the 2016 Rio Olympics Village in Rio de Janeiro, Brazil, on July 23, 2016

Crédit: AFP

Rio de Janeiro s'est réveillée lundi matin sous son ciel le plus piteux de la quinzaine. Crachin, moins de 20 degrés, du jamais vu pendant ces Jeux, et un brouillard épais masquant jusqu'à la barrière montagneuse qui sépare Barra da Tijuca, cœur du QG olympique, du reste de la "Cidade maravilhosa". Comme s'il fallait marquer le coup, afficher son cafard devant la fin de la fête. Après sept années de joie, d'abord, de préparation, de doutes, de colère et finalement quinze jours à accueillir le monde entier, Rio a tourné la page.
Ces Jeux de Rio, on nous les avait annoncés apocalyptiques. Les moustiques devaient tous nous refiler Zika en moins de 48 heures et la criminalité devait amener des milliers de visiteurs à finir dans un coffre de voiture ou, pire, à la morgue. En réalité, de moustiques, nous n'en avons pas vu beaucoup. Le mois d'août est celui où ils sont les moins nombreux ici et vous aviez plus de risques de vous faire bouffer en Camargue qu'à Rio ces deux dernières semaines.

L'apocalypse n'a pas eu lieu

Concernant l'insécurité, elle avait été si bien ancrée dans les têtes qu'un Ryan Lochte s'est cru autorisé à monter un gigantesque bobard pour masquer sa propre bêtise. Il y a eu des cas de vols et d'agression pendant ces Jeux, ou plutôt en marge de ceux-ci. Mais comme il pourrait y en avoir à peu près partout dans une grande métropole quand plusieurs dizaines de milliers de personnes affluent en un même endroit pendant une même période.
Les deux gouvernements, local et fédéral, avaient pris soin de mettre le paquet à ce niveau-là et les militaires de la Força national étaient massivement présents, dans les sites olympiques et même en dehors. Quant à la menace terroriste, qui était montée en régime sur l'échelle des craintes à la fin du mois de juillet, plus personne n'y a pensé une fois le 5 août venu. Au final, l'apocalypse n'a donc pas eu lieu. Et c'était très prévisible. A vrai dire, on nous avait déjà un peu fait le coup il y a deux ans avec la Coupe du monde de foot, et elle ne s'était pas produite non plus.
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La cérémonie d'ouverture des JO de Rio, c'est aussi un dispositif de sécurité XXL dans et autour du Maracana avec les forces spéciales brésiliennes

Crédit: AFP

Reste l'organisation en elle-même. Elle a été très imparfaite et les plus chevronnés de mes confrères m'ont confié que, par des biens des aspects, ces Jeux leur faisaient penser à ceux d'Athènes et, même, ceux d'Atlanta. Ce qui, dans leur bouche, était tout sauf un compliment. Et si le Parc Olympique est apparu comme une véritable réussite, l'éloignement des principales zones de compétition les unes par rapport aux autres a été un problème.

L'organisation en un mot ?

Tout comme, d'ailleurs, la distance (plus de 30 kilomètres) entre Barra da Tijuca, où se trouvaient le Village et le Parc Olympique, et le cœur de Rio, qui ont pu donner l'impression que ces Jeux se tenaient en dehors de la ville. On a aussi vu des bénévoles plein d'entrain et toujours souriants mais parfois bien en peine d'indiquer avec efficacité aux gens où se trouvaient telle ou telle chose. Bref, s'il fallait un mot pour résumer cette organisation, ce serait "brouillonne".
Malgré tout, ces Jeux se sont tenus dans des conditions correctes. Parfois, les choses ont été un peu compliquées. Mais loin de l'enfer évoqué en amont. Juste un "joyeux bordel". Puis il y a la chaleur des Brésiliens et leur sens de l'accueil qui fait passer beaucoup de choses. Même avec leurs difficultés, ils restent formidablement fiers d'avoir ouvert leurs bras. "Il y a beaucoup de colère ici, explique Octavio, la quarantaine, qui tient un "Mini market", une petite épicerie, à Barra Sul, mais c'est très contradictoire. D'un côté, les gens ne voulaient plus des Jeux mais de l'autre, ils ont envie que vous, les étrangers, vous repartiez avec une bonne image. Même ceux qui se foutent des Jeux ne sont pas contents quand ils entendent que c'est mal organisé. Vous savez, nous sommes des gens très fiers et je crois que le peuple est fier de ce que Rio et le Brésil ont montré."
D'ailleurs, un sondage effectué au début de la deuxième semaine des Jeux montrait que pour près de 60% des Brésiliens, ces JO renvoyaient une image positive du Brésil au reste du monde. Les Brésiliens, et plus encore les Cariocas, ont donc eu un rapport ambivalent avec "leurs" Jeux. Les guillemets sont de rigueur car, justement, et c'est sans doute là le plus gros échec de Rio 2016, le peuple n'a jamais pu s'approprier pleinement ces Jeux. Il y a deux ans, malgré des problèmes déjà prégnants, les Brésiliens avaient fait de la Coupe du monde leur Mondial.
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Une belle supportrice du Brésil avant le match contre la Croatie, Coupe du monde 2014

Crédit: Panoramic

Les Jeux de Rio, mais pas ceux des Cariocas

Là, sans doute parce que les dits problèmes ont pris en 26 mois une nouvelle ampleur, ils sont restés largement étrangers à ces Jeux à domicile. Au Parc Olympique, on a surtout vu la classe moyenne, souvent blanche, souvent en famille. Mais pour une large part de la population, ces Jeux étaient financièrement hors d'atteinte. Les sports les plus chers aux Brésiliens (football, volley) ont fait le plein. Les autres, pas vraiment. Et on a souvent, c'est vrai, vu des stades et des salles aux tribunes clairsemées, parfois presque désertées, comme au canoë-kayak. Cela restera un des gros échecs de cette quinzaine : ce furent les Jeux de Rio, mais pas ceux des cariocas.
Dès lundi, Rio est retournée à ses problèmes. Octavio avoue sa crainte de voir la criminalité, mise entre parenthèse depuis trois semaines, exploser à nouveau "maintenant que les militaires vont repartir". Le Brésil va aussi reprendre de plein fouet sa crise institutionnelle. Jeudi, le Sénat ouvrira l'étape finale du procès en destitution de Dilma Rousseff, démise de ses fonctions de présidente au mois de mai.
Comme pour toutes les villes organisatrices, c'est le temps qui dira ce que ces Jeux ont apporté ou pas à Rio de Janeiro. Les habitants ne sont clairement pas optimistes sur ce point mais comme le rappelait un éditorialiste de O Dia, un quotidien de Rio, "la FIFA et le CIO n'ont pas inventé la crise économique et politique du Brésil, et ce n'est pas à cause des Jeux que nous ne pouvons plus payer nos professeurs ou nos policiers mais à cause de nos dirigeants. Le Brésil doit regarder en face ses problèmes et les régler seul".
Plus qu'un coupable, le rendez-vous olympique a été vécu, ici, comme une loupe sur les gigantesques inégalités du pays. Voilà pourquoi les mots de Thomas Bach, le président du CIO, affirmant lors de la cérémonie de clôture que "l'histoire retiendra qu'il y avait un Rio avant et un Rio bien meilleur après les Jeux", vont sans doute laisser bien sceptiques les Cariocas.
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Thomas Bach

Crédit: Eurosport

De notre envoyé spécial à Rio, Laurent Vergne
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