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L'œil de Rio : Tout l'Olympe en une journée

Laurent Vergne

Mis à jour 13/08/2016 à 08:53 GMT+2

JO RIO 2016 – Laurent Vergne, notre envoyé spécial, revient sur la folle journée de vendredi, qui a vu la délégation française récolter six médailles, trois en or et trois en argent. Entre joies immenses et frustrations tout aussi grandes.

Riner et Andeol

Crédit: ACB Liga

C'est curieux, quand même, les Jeux. Cette extraordinaire machine à rêve vous entraîne dans des sentiments extrêmes et contradictoires d'un jour à l'autre. Parfois même d'une heure à l'autre. Prenez la journée de vendredi. Si on vous avait dit, au réveil, que la France irait se coucher avec six médailles supplémentaires, trois en or et trois en argent, vous auriez sauté au plafond. Mais il y a les chiffres, bruts, et le ressenti. Ceux d'entre vous qui ont suivi cette journée (et cette nuit) d'un bout à l'autre sont probablement allés se coucher avec une pointe de regret.
La folle journée des Bleus aux JO de Rio
Trois titres et trois deuxièmes places, à l'échelle du sport français, c'est un vendredi titanesque. Arriver à faire la fine bouche après, c'est bien le signe que cette journée a été assez extraordinaire. Mais c'est un sentiment très humain. L'attente ne se contrôle pas toujours. Et quand elle n'est pas comblée, il y a manque. Un peu comme si on vous annonçait pendant dix secondes que vous alliez sûrement gagner un million d'euros pour que, au bout du compte, on vous dise qu'il n'y en a que 10 000 dans la cagnotte. C'est formidable, mais vous aurez besoin d'un peu de recul pour le mesurer. Sur le coup, vous tirerez la tronche.
Je le comprends aisément, mon ressenti n'est pas différent. La délégation tricolore est passée à quelques touches et un centième d'un quintuplé tout bonnement historique et il aurait été si bon que cette douce euphorie se prolonge jusqu'au bout de la nuit. Mais ce serait trop simple. Ah, si Florent Manaudou avait nagé un centième plus vite. Putain de centième, comme l'a tweeté Yannick Agnel. Comme une désagréable arête en travers de la gorge. Ah, si les fleurettistes n'avaient pas laissé filer entre leurs lames cette finale par équipes qu'ils ont longtemps et, en prime, largement menée. Oui, c'est imparable. Avec ces deux "si", la France aurait raflé cinq médailles d'or. Elle n'en a donc eu "que" trois. Vous voulez que je vous dise ? On s'en fout.

La formule toute faite mais parfaite de Manaudou

Evidemment, je suis navré pour Flo Manaudou, qui rate d'un cheveu l'occasion d'écrire une vraie belle page d'histoire. Mais, d'une part, sur 50m, les écarts sont souvent par définition minimes et son argent n'a rien de déshonorant. Oui, il était favori. Oui, il a nagé un poil moins vite qu'en demie et l'a payé. Mais non, il n'est pas passé au travers.
Navré, je le suis plus encore pour Erwann Le Péchoux et les autres. Alors, oui, ce huitième relais a été fatal et l'équipe de France a gentiment donné l'impression de bouffer la feuille. Mais souvenez-vous d'où revient l'escrime tricolore. Et particulièrement le fleuret, dont l'équipe avait quitté Londres à deux doigts de se mettre sur la gueule. Du fond de la cave, ils reviennent, les fleurettistes. Ils ne peuvent pas se retrouver directement au sommet de l'Empire State Building. Laissez-leur remonter quelques étages. D'où ils sont après cette journée, la vue est déjà belle.
picture

Florent Manaudou

Crédit: AFP

Puis, surtout, il faut de tout pour faire les Jeux. C'est parce que la cruauté n'est jamais très loin, et c'est cruel de perdre un titre olympique de presque rien, parce que ce presque rien change absolument tout, qu'elle permet de goûter au mieux les joies qu'elle veut bien offrir. "C'est la beauté et la cruauté des Jeux", a résumé Florent Manaudou. Cela peut sembler une formule toute faite, mais elle est parfaite. Et quand elle vient de vous péter à la figure, il faut être capable de la supporter comme l'a fait "Petit frère" avec une certaine classe vendredi soir.

Les glorieuses certitudes et incertitudes du sport sous la même coupole

Heureusement, tout ne se passe pas toujours comme prévu. Il y a des Manaudou qui échouent et des Andéol qui triomphent. C'est cette cruauté-là qui permet d'apprécier à sa juste valeur ce bonheur-ci. Il y avait d'ailleurs quelque chose de magique à voir réunis dans la gloire Teddy Riner et Emilie Andéol, tant il est difficile d'imaginer deux personnages et deux trajectoires plus différents.
L'un est au sommet depuis ses 18 ans. Il connait sa force, sa valeur, et maitrise tous les éléments et ses émotions en permanence. L'autre en ignore tout et se laisse volontiers ronger par le doute. L'un a tout gagné, tout le temps (ou presque) et partout. L'autre a ramé, dans les mêmes proportions. L'un est une star du judo, et même au-delà. Tout le monde le connait, au moins de nom. L'autre, jusqu'à vendredi matin, était inconnue d'une immense majorité de gens. Dans ces Jeux, l'un était attendu comme rarement un champion l'aura été, l'autre parait sortie de nulle part. Même elle ne croyait pas à son sacre...
Mais voilà, à dix minutes d'intervalle, ils ont pourtant fait résonner la Marseillaise dans l'Arena Carioca 2, les glorieuses certitudes et incertitudes du sport se trouvant alors réunis sous une même coupole. C'était ça, ce vendredi. De la joie, de la cruauté, de l'or, de l'argent, des destins tout tracés et d'autres qui vous prennent par surprise. Tout l'Olympe en une journée.
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