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Dans un monde parfait, Paris 2024 aurait dû commencer à Sotchi...

Patrick LAFAYETTE

Mis à jour 15/02/2014 à 21:23 GMT+1

A Sotchi, la France est venue pour décrocher des médailles. Elle aurait pu et dû profiter de la quinzaine pour faire la promotion d'une prochaine candidature olympique.

Sotchi 2014 Lamy Chappuis Masseglia

Crédit: AFP

Valérie Fourneyron, la ministre des Sports (entre autres), et Denis Masseglia, président du Comité Olympique français, n’avaient pas "Paris 2024" en bandoulière en arrivant à Sotchi, leur badge est resté dans la poche… On en est encore, il est vrai à "l’étude d’opportunité", qui durera dix mois et occupera quatorze groupes de travail, complétée d’une autre dite "de faisabilité" dont une quinzième commission se chargera. En espérant que ce ne seront pas autant de comités Théodule, qui déboucheront sur du flou.
Mais, honnêtement, les choses ne sont pas (encore) trop mal engagées. La présence bleu-blanc-rouge, ici sur zone, n’est pas négligeable. La volonté semble évidente. Reste que la France part de loin. De très loin… "Notre image à l’international n’est pas bonne", déplore Tony Estanguet, le triple champion olympique qui a rejoint, parmi les membres du CIO, ses glorieux aînés Jean-Claude Killy et Guy Drut. C’est pour cela que Bernard Lapasset, président de l’International Rugby Board, et récemment porté, par Denis Masseglia et les siens, à la tête d’une structure destinée à pallier les carences des candidatures précédentes et ratées, le CFSI (Comité français du sport international), a fait une apparition remarquée sur les bords de la mer Noire : "Il y a du boulot, concède-t-il. Mais nous ne devons pas nous décourager. Au contraire, il faut se montrer conquérant." On peut simplement regretter qu’il soit reparti si tôt… Et la ministre aussi… Tenir la quinzaine, continuer à rencontrer les décideurs, à s’imprégner de l’ambiance et à montrer de l’intérêt et de la curiosité pour toutes les épreuves, tous les sites, toutes les manifestations n’aurait pas été un luxe.
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Thomas Bach CIO President

Crédit: AFP

L'exemple de PyeongChang

Edgar Grospiron, autre ancien valeureux olympien, consultant de France Télévisions sur ces Jeux, en convient. Et sa parole doit être doublement écoutée : il porte à la fois le képi d’ancien pompier de service, quand il fallut remettre la candidature d’Annecy 2018 sur les rails, et la casquette de la commission de coordination des Jeux de PyeongChang, en Corée, où ils auront finalement lieu et où il est l’un des yeux du CIO. "Le débrief de l’échec annecien est clair, confie le médaillé d’or 1992 de ski de bosses. Les hauts dirigeants nous voient, nous les Français, comme à l’affût des opportunités, pas dans un vrai partenariat constant avec eux. Paris, ce doit être un sujet, une ambition, la date importe peu. Il n’est pas certain que les planètes seront alignées pour 2024, mais ce n’est pas grave. Si c’est un galop d’essai, il pourra se transformer en victoire en 2028. Il faut manifester sa présence, sa fidélité…"
Son propos a le mérite de la clarté. Et l’exemple de PyeongChang le conforte, dont la victoire est intervenue après deux échecs consécutifs. "Du coup, leur dossier tenait de mieux en mieux la route, ils sont revenus plus forts à chaque fois, avec des infrastructures qui se sont construites petit à petit, explique-t-il. Il n’y a plus qu’une patinoire, une piste de bob, un grand stade et quelques hôtels à construire…"
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Pyeongchang Winter Olympics

Crédit: AFP

Il est rejoint dans son analyse par Antoine Goetschy, l’ancien DTN du canoë-kayak national devenu responsable, au CIO, de la coordination et des relations avec les villes candidates et hôtes des Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ), réservés aux athlètes en herbe, âgés de 14 à 18 ans. Preuve que les Français ne sont pas si absents des instances mondiales. Entre deux visites des sites de compétition avec les représentants de Lillehammer (JOJ d’hiver 2016) et Buenos Aires (JOJ d’été 2018), il s’est montré direct : "Les instances françaises doivent sortir des anciennes croyances et des a priori : ce n’est pas parce qu’on se positionne sur des Jeux de la Jeunesse ou des Jeux d’Hiver que l’on obère ses chances pour des Jeux d’Eté… Au contraire ! C’est en se manifestant, en contribuant à la dynamique, en portant ses valeurs qu’on s’attire les sympathies du CIO. La France apparaît comme une belle nation sportive, c’est incontestable, ses résultats plaident pour elle. Mais, en termes d’influence, elle vit un peu sur ses acquis. Avant de recevoir les Jeux, il faut donner au mouvement olympique…"
Reste que la France est un pays où la démocratie fait foi et loi et ce n’est pas forcément ce que le CIO préfère dans les faits... Elle a ses échéances électorales et celle des municipales bloque toute initiative parisienne jusqu’au lendemain du deuxième tour, le 30 mars. Les contraintes budgétaires sont évidemment un frein, au moment où les grands événements planétaires se donnent aux pays émergents ou pétroliers pour trouver l’argent nécessaire à remplir leur imposant cahier des charges. L’opinion y est entendue et les oppositions, écologiques ou idéologiques, sont fortes et à considérer. "Dans tous les cas, avant toute décision, il faudra prendre le pouls de la nation", prévient Lapasset.
Et puis 2024 sera une date vers laquelle toutes les ambitions convergent. Les Etats-Unis, qui n’ont "rien" accueilli depuis Salt Lake 2002, l’Italie, la Turquie, le Qatar et l’Afrique du Sud se sont déjà positionnés. On n’est plus dans la simple alternance Europe-Amérique qui prévalait jusque dans les années soixante. Les places sont chères. Et la France n’a pas - encore ? - tous les moyens. Se placer pour 2024 et viser 2028 semble la stratégie la plus réaliste. S’il n’y a pas de retard à l’allumage…

Trois chiffres pour comprendre

5 – La France a accueilli cinq fois les Jeux Olympiques : deux fois ceux d’été, à Paris en 1900 et 1924, et trois fois d’hiver, à Chamonix en 1924, Grenoble en 1968 et Albertville en 1992.
6 – Six villes françaises, depuis la Seconde Guerre mondiale, ont été candidates malheureuses à l’organisation des Jeux : Lyon (1968), Paris (1992, 2008 et 2012), Lille (2004) pour ceux d’été ; Annecy (2018) à ceux d’hiver.
7 – Parmi les grandes instances sportives internationales, quatre sont actuellement présidées par des Français : l’UEFA (Michel Platini) ; l’International Rugby Board (Bernard Lapasset) ; la Fédération internationale automobile (Jean Todt) ; la Fédération internationale de basket association (Yvan Mainini). A ces quatre présidents, il faut également ajouter l’influence des trois membres français du CIO : Jean-Claude Killy, Guy Drut et Tony Estanguet.
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