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Le français, pourtant langue officielle du CIO, se retrouve doucement hors Jeux…

Patrick LAFAYETTE

Mis à jour 23/02/2014 à 23:45 GMT+1

Malgré les discours et les bonnes intentions, les faits sont là et ils sont têtus: la langue française est gentiment en train d'être boutée hors de l'Olympe.

Le drapeau français aux JO de Sotchi

Crédit: AFP

Le glissement est palpable. Et pourtant, l’ambition était mesurée : "Maintenir l’usage et la visibilité du français aux J.O.", annonçait un communiqué du Secrétariat Général de la Francophonie. Mais franchement, à Sotchi, la langue de Molière sera quasiment tombée aux oubliettes…
Hélène Carrère d’Encausse, la russophile secrétaire perpétuelle de l’Académie Française, envoyée ici en mission avec le titre de "Grand Témoin de la francophonie", va sans doute en tirer le même constat que nous et le consigner certainement dans son rapport. Une de ses devancières (ce rôle de Grand Témoin existe depuis 1996), la Québécoise Lise Bissonnette, avait pourtant sonné l’alarme, à Turin 2006, en appelant à "une volonté politique forte" pour endiguer "la disparition lente du français aux Jeux".

Une règle qui n’est finalement qu’un vœu pieux : un hommage posthume et lointain à Pierre de Coubertin

Et pourtant, dans les Alpes italiennes, en bordure du Val d’Aoste encore largement francophone, et à portée de TGV de Paris, le français avait eu un joli droit de cité. Tout comme sur pas mal des dernières olympiades : dès que le grand raout sportif quadriennal est organisé dans une contrée anglophone (on l’a remarqué à Salt Lake en 2002 et Londres 2012), là où le français est une des langues nationales (Vancouver 2010) ou bien en pays culturellement très lié à la France (Athènes 2004), il s’en tire même finalement pas mal. Et à Pékin, en 2008, des démarches préalables et des efforts diplomatiques avaient permis de sauver les apparences. Mais en ce mois de février, au long de la quinzaine dans le Caucase, ce fut un peu la bérézina !
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2014 JO Sotchi Cérémonie Entrée France

Crédit: AFP

Il est vrai que c’est difficile quand il y a déjà deux langues si différentes (l’anglais, qui a désormais vocation globalisante, même s’il fut loin d’être valablement partagé par l’ensemble des volontaires et accueillants de Sotchi, et le russe et ses caractères cyrilliques) à gérer, une troisième a beaucoup de difficultés à trouver une place. Certes, l’article 23 de la Charte Olympique stipule que"les langues officielles du Comité International Olympique sont le français et l’anglais", énoncées dans cet ordre. Mais cette règle n’est finalement qu’un vœu pieux, la simple survivance d’un passé révolu, un hommage de plus en plus posthume et lointain à Pierre de Coubertin et sa volonté fondatrice.
Quand Pascal Couchepin, le Conseiller Fédéral suisse espérait récemment "un respect renouvelé de la place du français au sein de l’événement", c’est à un piétinement en règle qu’on a assisté ici : il n’y avait quasiment aucun panneau indicateur en français, les annonces parlées sortaient trop rarement du binôme russe-anglais, la traduction simultanée des interviews et conférences de presse fut loin d’être assurée en toutes circonstances, le site Internet d’informations internes était pratiquement exclusivement rédigé dans la langue de Shakespeare : quand vous cliquiez sur la version française, pourtant proposée en page d’accueil, on vous redirigeait systématiquement ou presque sur… celle en anglais !

Dernier accroc en date, le ski alpin

Il n’y a plus guère qu’aux cérémonies, d’ouverture, de clôture, des fleurs et des médailles qu’on entend quelques mots de français. Vite envolés. Grogner bêtement contre le jargon anglicisant des nouvelles disciplines du… freestyle (terme plus employé, jusqu'au Club France, que "ski acrobatique"), est un semblant de combat d’arrière-garde – qu’a tenu pourtant à mener ici, en distribuant un livret plutôt risible (1), le Ministère de la Culture - sans grand intérêt. Les observateurs et commentateurs, s’ils veulent sauver le français, auraient intérêt à se saisir plutôt du problème par le haut. Le fait que Lausanne la Vaudoise soit un siège non menacé n’est pas une garantie de pérennité.
Dernier accroc en date, le ski alpin. Le seul site, sur les hauteurs de Rosa Khutor, où officiait un speaker français, Christopher Hardy d’Autrans. Las ! Il fut d’abord mis en sourdine pour ses lacunes en… anglais ! Et il termina confiné à de simples phrases laconiques officielles pour s’être trompé en suivant la descente de la future championne olympique du super-G, l’Autrichienne Anna Fenninger : il l’avait prise pour Tina Weirather, du Liechtenstein, pourtant forfait pour cette course. Sur ce coup, la francophonie n’a pas marqué de points…
(1) Franchement, comment substituer a posteriori "planche de neige" à "snowboard", "rampe de neige" à "halfpipe" ou " saut acrobatique sur tremplin de neige" à "big air", comme le suggère cette brochure ?

Trois chiffres pour comprendre

  • 17 – Le nombre de nations appartenant à l’Organisation internationale de la francophonie qui participaient aux Jeux de Sotchi (sur un total de 89). Ces 17 nations rassemblaient 581 des 2855 athlètes engagés.
  • 220 – En millions, le nombre de locuteurs réels et potentiels en français sur la planète. Cela fait classe le français au cinquième rang des langues les plus parlées au monde.
  • 1989 – La date de la première édition des Jeux de la Francophonie, organisés au Maroc. La 7ème édition a eu lieu en septembre dernier à Nice. Elle a réuni 55 délégations, représentant 3 000 athlètes et artistes : sept concours culturels étaient au programme, ainsi que sept sports (athlétisme, basket, football, judo, lutte libre, lutte africaine et tennis de table). La huitième édition aura lieu en Côte d’Ivoire en 2017.
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