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Grand Prix de Doha - 362,4 km/h : Johann Zarco et les Ducati vont vite, très vite... Trop vite ?

Julien Pereira

Mis à jour 03/04/2021 à 11:39 GMT+2

GP DE DOHA - Une 2e course d'affilée sur le circuit de Losail, c'est une 2e chance pour Johann Zarco et les autres pilotes Ducati d'affoler les compteurs. Lors de la 1re manche, le Français a pulvérisé le record de vitesse en dépassant la barre des 360 km/h. Grisante pour certains, dangereuse pour d'autres, cette course à la puissance a de nouveau soulevé un débat. Qui n'est peut-être pas le bon.

Johann Zarco (Ducati Pramac) - à droite - commence fort la saison 2021

Crédit: Getty Images

Vous l'avez sûrement vu. Sauf si vous avez cligné des yeux. Samedi dernier, juste avant la qualification du premier Grand Prix de la saison, au Qatar, Johann Zarco a été flashé à 362,4 km/h. Avant lui, jamais un pilote de la catégorie reine n'était allé aussi vite lors d'une séance officielle. Le précédent record datait du 1er juin 2019, lorsque Andrea Dovizioso avait fait grimper l'aiguille à 356,7 km/h en séance libre au Mugello. C'était, là aussi, sur une Ducati. Comme le Français. À l'époque, ce petit exploit soulevait déjà plusieurs questions portant sur la dangerosité de telles vitesses et donc, sur la sécurité des pilotes.
Forcément, ces mêmes débats ont refait surface à Losail. Car si la barre a pu être rehaussée de 5 km/h en moins de deux ans, on peut très bien imaginer que les prototypes atteignent ou dépassent, dans un futur proche, le cap des 370 km/h. Ce qui constituerait une marque encore plus symbolique, puisque le record officiel en Formule 1, par exemple, est établi à 369,6 km/h*. Mais tout cela est-il bien raisonnable ?
En conférence de presse, la question a été posée aux principaux acteurs qui, visiblement, ne s'en sont pas plus inquiétés que cela. "Je pense que tout est très sûr, la piste est très large, les pneus fonctionnent bien, a mentionné Maverick Viñales dans des propos rapportés par Motorsport.com. Donc en théorie, il n'y aura pas de problème. Je ne ressens pas cette vitesse en piste. Je me sens comme si j'étais en voiture sur la route. Tout me paraît très lent."
Pour moi, 330 km/h est déjà dangereux, alors 360 km/h... C'est incroyable !
D'autres, comme Jack Miller, en ont ri : "On approche doucement des 400 km/h... Qui sait quand ça va tomber !" Zarco, lui, a apprécié s'offrir ce record "particulier", rappelant également que c'est en manquant le point de freinage, après avoir bénéficié d'une bonne aspiration, qu'il a pu l'établir.
Il n'empêche, lui comme les autres titulaires d'une machine Ducati, les plus puissantes du plateau, devraient encore flirter avec ces hauteurs. Dès ce week-end, puisqu'un deuxième Grand Prix est organisé sur ce même circuit. Mais aussi et surtout au Mugello, fin mai, où la ligne droite permet d'aller encore plus vite. À 362,4 km/h, Zarco parcourait plus de 100 mètres en une seconde. Autre perspective, autre dimension.
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Johann Zarco (à droite) aux côtés de Pecco Bagnaia et Maverick Viñales sur le podium du Grand Prix du Qatar 2021

Crédit: Getty Images

"Je pense que tous les fans de sports mécaniques sont très excités par ces chiffres", glissait Valentino Rossi. À l'époque où il débutait sa carrière en championnat du monde, c'est-à-dire il y a 25 ans presque jour pour jour, les machines de la catégorie reine dépassaient encore difficilement les 310 km/h. "Pour moi, 330 km/h est déjà dangereux, alors 360 km/h... C'est incroyable !"
Faut-il s'inquiéter ? Revoir le règlement technique pour contenir la puissance des prototypes, comme cela a toujours été fait à chaque fois qu'elle a été jugée trop élevée ? "Je ne pense pas, nous souffle Jarno Zaffelli, patron de Dromo Circuit Design, une entreprise qui a modernisé plusieurs tracés de MotoGP et de Formule 1. Pour une raison simple : si vous regardez les statistiques des crashes des pilotes MotoGP sur les dix dernières années, vous constaterez qu'aucun d'eux n'est survenu au-delà des 280 km/h."

Plus dangereux à 200 km/h dans un virage qu'à 350 km/h en ligne droite

Difficile de contredire le dirigeant italien, dont le raisonnement tient debout. Sur un tour, les pilotes ne passent qu'une petite partie du temps à plus de 330 km/h. Et lorsqu'ils atteignent ces hauteurs, c'est-à-dire en bout de ligne droite, ils sont, d'une certaine manière, mis en sécurité par... la vitesse.
"Pour le grand public, ça peut paraître contre-intuitif, ajoute Jarno Zaffelli. Mais il faut bien avoir en tête que la vitesse donne en fait de la stabilité sur une moto." Pour faire grimper le compteur le plus haut possible, mieux vaut effectivement ne faire qu'un avec sa machine et former un angle droit avec la piste.
Mieux, ces vitesses-là sont de mieux en mieux contrôlables et contrôlées. "350, 360 ou 370 km/h, ça ne fait pas une grande différence, précise le patron de l'entreprise qui a participé au design du futur circuit de MotoGP en Hongrie. Aujourd'hui, les prototypes, leurs caractéristiques et leur aérodynamique ont atteint un niveau extraordinaire. Les pilotes peuvent faire chuter cette vitesse de manière extrêmement rapide."
Pour passer de 350 à 100 km/h, moins de cinq secondes suffisent. Et en cas de freinage tardif, ils peuvent encore voir venir. Au moment d'établir son record à Losail, Zarco a perdu son point de repère. Et filé tout droit, parvenant même à rester sur ses roues dans le bac à graviers pour reprendre la piste dans la foulée. "Sur des circuits comme celui-ci ou celui du Mugello, il y a plus de 150 mètres de dégagement", souligne Jarno Zaffelli.

Des circuits rendus obsolètes par le progrès ?

Inutile, donc, de vous accrocher à votre canapé lorsque vous voyez les pilotes rouler plus vite que leur ombre. Les inquiétudes sont ailleurs. "Le problème pourrait plutôt venir de la vitesse de passage des motos en virages, pointe le designer. À ces endroits, les dégagements sont moins grands, notamment en sortie de courbes."
Même s'il a aussi subi un concours de circonstances, Marc Marquez s'est fracturé l'humérus à la suite d'un crash dans un virage, à Jérez. Il y a cinq ans, Luis Salom a perdu la vie lors d'une chute survenue au virage N.12, en pleine séance d'essais de Moto2. La distance entre la piste et les barrières de protection avait notamment été remise en cause.
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Johann Zarco (Ducati Pramac)

Crédit: Getty Images

Reste un autre problème, plus difficilement soluble à l'ère de la toute-puissance et de l'ultra-compétitivité : les collisions entre pilotes. Certains tracés, où les motos atteignent des vitesses bien plus élevées que dans un passé récent, inquiètent. C'est notamment le cas de Phillip Island et de Spielberg, deux circuits où Johann Zarco a d'ailleurs frôlé le drame en percutant Marc Marquez puis Franco Morbidelli aux alentours des 300 km/h.
Sorti de terre il y a une quinzaine d'années et donc bien plus moderne, le tracé de Losail ne soulève pas les mêmes inquiétudes. Ce week-end encore, il faudra encore s'émerveiller devant les puissances diaboliques des Ducati. Sans modération. Et sans cligner des yeux.
*Valtteri Bottas a atteint 37​8 km/h au bout de la ligne droite à Bakou mais le radar de la FIA était 200m avant le point de freinage.
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