Phelps, foot, Ile Maurice, bal de promo: Voici Chad Le Clos

Comme beaucoup de nageurs de sa génération, Chad Le Clos a grandi avec Michael Phelps pour idole. Il a débuté la natation à 10 ans, en 2002, au moment où Phelps a émergé comme le maitre absolu de la natation mondiale. Dans son cas, la proximité fut renforcée par le fait que sa spécialité, le papillon, était survolée par le nageur de Baltimore. "Je me souviens des Jeux d'Athènes, en 2004. J'avais 12 ans, et Phelps était mon héros, presque mon dieu", explique le Sud-Africain. Mais au-delà de l'idole, Phelps lui a servi d'inspiration, de modèle en tant que nageur. "J'ai beaucoup appris de lui, explique-t-il. A Pékin, je l'ai observé. Notamment ses coulées et ses virages. Il était le meilleur dans ce domaine et j'essaie de m'inspirer de lui. Le voir détruire tout le monde à Pékin avec ses coulées m'a fait mesurer à quel point c'était déterminant." Forcément, en accédant au plus haut niveau, la confrontation avec l'idole allait s'imposer… 

Certains tuent le père. Le Clos, lui, a fait chuter son idole, son héros. "Avec mon père, on appelle ça le destin", dit-il. A Londres, l'an dernier, il s'est imposé en finale du 200 mètres papillon en devançant Michael Phelps de… cinq centièmes de seconde. Un moment forcément unique pour lui. Pour le titre olympique, évidemment, le tout premier de sa carrière. Mais aussi parce qu'il l'a conquis devant le maitre incontesté de la discipline. Phelps avait été champion olympique en 2004 et 2008 et champion du monde en 2001, 2003, 2007, 2009 et 2011. Seul le titre mondial en 2005 lui avait échappé, et pour cause, l'Américain ayant fait l'impasse sur cette distance à Montréal. Mais il était invaincu en grand championnat sur 200 pap depuis plus de dix ans quand Chad Le Clos l'a dominé à Londres. "Je me souviens du dernier virage, raconte-t-il à propos de la finale des J.O., avant les 50 derniers mètres. Je me suis tourné vers lui, je l'ai vu, et je me suis dit que c'était complètement dingue d'être à côté de Michael, là, en finale olympique. Je ne pourrais jamais décrire ce que j'ai ressenti dans les derniers instants, en nageant à côté de lui."

On ignore si Chad Le Clos est d'une nature particulièrement superstitieuse. Mais si c'est le cas, le 31 juillet va sans aucun doute devenir sa date fétiche. L'an passé, c'est en effet le 31 juillet qu'il est devenu champion olympique en remportant le 200m papillon à Londres. Or c'est très exactement à la même date, un an après, jour pour jour, qu'il a conquis son tout premier titre mondial, toujours sur 200m papillon, pas plus tard que mercredi à Barcelone. "Je vais peut-être demander à ce que la finale du 200 papillon soit toujours organisée à cette date", a-t-il souri après sa victoire en Catalogne.

Comme beaucoup de sportifs de très haut niveau, Le Clos est un athlète complet. Il a ainsi très longtemps hésité entre la natation et le football. Plutôt doué pour le ballon rond, ailier gauche de formation, il a même été jusqu'en équipe d'Afrique du Sud chez les juniors, avant d'opter de façon définitive pour les bassins. "Il a fallu que je choisisse et la natation était plus importante. Puis je n'étais pas si bon au foot", assure-t-il. Sans doute veut-il dire "en comparaison" avec son niveau en natation. Toujours est-il qu'il voue au foot une véritable passion. Son truc, c'est la Premier League. Manchester United, dont il est fan depuis que son père lui a offert un maillot, celui de Beckham, quand il était gamin. Mais il n'est pas sectaire. La preuve, au mois de juin, Manchester City est venu effectuer un stage en Afrique du Sud. Plusieurs joueurs de City, dont Gael Clichy et Sergio Aguero, ont alors tenu à poser avec lui pour ramener une photo-souvenir. Et Chad de s'étonner d'être ainsi admiré par ceux que lui admire par-dessus tout, les footballeurs.

Si Chad Le Clos s'est fait un nom dans les bassins en 2012 avec son titre olympique et sa victoire sur Phelps, il s'est presque fait voler la vedette par… son propre père. Le soir de son sacre, alors qu'il s'apprête à monter sur le podium avec Phelps à ses côtés, Chad ignore que son paternel est en direct sur la BBC, interrogé par la journaliste Clare Balding. L'interview va faire date. Papa Le Clos fait un tel show qu'il va figurer par la suite dans tous les best of des Jeux en Grande-Bretagne comme en Afrique du Sud. Volubile, ému, il pleure et il crie. "C'est comme si je venais de mourir et que j'arrivais au paradis", dit-il notamment. Un sacré moment de télévision. Le lendemain, la presse anglaise parle presque autant de Bert Le Clos que de Chad. En un an, Bertie a tourné deux pubs en Afrique du Sud et, pour plaisanter, il se dit "plus célèbre" que son fils au pays. "Récemment, nous sommes allés à l'Ile Maurice avec ma femme et il y avait une vingtaine de couples britanniques à l'hôtel avec nous. Je vous jure que tous sont venus me voir en disant 'vous êtes le gars de la télé, celui qui a fait l'interview avec Clare Balding'. C'est dingue." Richard Branson, le patron milliardaire de Virgin, lui a même fait floquer un T-Shirt "Plus célèbre que mon fils". "Cette interview, raconte Bert le Clos, je l'ai regardée des dizaines de fois et je pleure à chaque fois. Je suis tellement fier de mon fils".

Le nom complet de Chad Le Cos est Chad Guy Bertrand Le Clos. Une consonance francophone qui trouve son origine dans les racines de sa famille. Les Le Clos et les Ducray (du côté maternel) sont en effet des Mauriciens. Sa famille vécut à l'Ile Maurice jusqu'à ce que ses grands-parents ne s'installent en Afrique du Sud dans les années 70. "Mon père ne parlait d'ailleurs pas un mot d'anglais quand ils sont arrivés en Afrique du Sud", explique Chad Le Clos. Les deuxième et troisième prénoms de Chad, Guy et Bertrand, sont ceux de son grand-père et de son père. Bert, en effet, n'est autre que le diminutif de Bertrand, moins pratique à l'usage anglophone que "Bert". Mais si ce dernier vient encore régulièrement à l'Ile Maurice, Chad lui, n'y a passé du temps que durant sa plus petite enfance. Il avoue d'ailleurs ne pas maitriser, du tout, la langue de Molière.

C'est peu dire que Chad Le Clos est devenu une star en Afrique du Sud. Ses performances sportives (il a été désigné sportif sud-africain de l'année fin 2012) y sont évidemment pour beaucoup, mais sa nature, sa personnalité, jouent aussi beaucoup. Simple, naturel, spontané, il sait se faire aimer. L'exemple du "Matric Dance" est probablement le plus parlant. Pour résumer, le "Matric Dance", terme spécifiquement utilisé en Afrique du Sud, est un peu l'équivalent du "Prom night" américain, sorte de bal de fin de promo au lycée. Un évènement ultra-important pour les jeunes filles. Bref. L'an dernier, 15.000 personnes sont à l'aéroport de Johannesburg pour accueillir Le Clos. Dans la foule, une certaine Melanie Olhaus, 17 ans. Elle brandit au-dessus de sa tête une pancarte avec l'inscription "Chad, will you be my Matric Dance date?" En gros, elle lui demande d'être son cavalier. Pas contrariant, le Chad s'approche, et lui dit qu'il est OK. "C'est quand?" "Le 29 septembre." "OK, si je suis dispo, je viens avec toi." Pari tenu, un mois et demi plus tard, costume Pierre Cardin sur le dos, l'ami Chad transforme Melanie Olhaus en "princesse" selon ses propres termes et l'emmène à son bal. Il ne l'a ensuite quittée qu'à deux heures du matin pour filer à Dubaï, où le boulot l'attendait. Mais vraiment, si vous avez quelque chose à demander à Chad Le Clos, n'hésitez pas. Ça se tente.