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L'œil de Rio : La natation française, ce chef d'œuvre en péril

Laurent Vergne

Mis à jour 11/08/2016 à 11:52 GMT+2

JO RIO 2016 – Drôle d'ambiance au sein de l'équipe de France de natation. Des résultats frustrants et un règlement de compte en famille ont rythmé ces derniers jours. Entre naufrage et déballage. Reste maintenant l'opération sauvetage, qui repose entièrement sur un certain Florent Manaudou. Il entre en scène jeudi soir sur 50 mètres.

Yannick Agnel aux JO de Rio 2016

Crédit: Panoramic

Les Jeux, comme la vie, oscillent entre moments d'intense euphorie et plages de doutes. Voire de déprime. Au lendemain des cinq médailles et des deux titres pour la délégation française, mercredi fut une journée tristounette à Rio. Pas pour tout le monde, me direz-vous. Nos voisins britanniques sont sortis de l'UE mais définitivement entrés dans leurs Jeux après leur "wonderful wednesday" avec du métal dans tous les sens. Tant mieux pour eux. Sous ce temps que le cliché dit britannique, en même temps… Oui, mercredi, on a vu à peu près autant de bleu dans le ciel de Rio que sur les podiums. C'est-à-dire pas du tout.
Si vous voulez un symbole de cette morosité, difficile de faire mieux que la natation française. C'est elle qui a apporté la toute première médaille à la délégation tricolore dans ces Jeux. C'était il y a quatre jours mais cela parait déjà loin. Depuis, plus de médailles, plus vraiment de résultats ni de raisons de sourire. Loin d'Athènes, Pékin et plus encore, Londres, Rio semble lesté d'un petit parfum d'enterrement. Celui d'une époque dorée. Presque trop belle pour être vraie. Un miracle permanent.
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Camille Lacourt aux Jeux Olympiques 2016

Crédit: Panoramic

Manaudou, plus que jamais

En soit, ce n'est pas agréable à vivre, mais la mélancolie a viré à la consternation avec "l'affaire" du relais 4x200m, dont le personnage central, qu'il fut coupable, victime ou les deux, aura été Yannick Agnel. Erreur de communication, de gestion ou autre chose, peu importe au fond. Au-delà des tenants et des aboutissants de cette affaire-ci, c'est surtout ce qu'elle révèle de tensions et de non-dits qui pose problèmes. Ce déballage en public, en plein Jeux Olympiques, est évidemment dommageable, à l'heure où la natation française doit déjà gérer ses problèmes purement sportifs.
C'est dans ce contexte que l'on ne se risquera pas à qualifier d'idéal que Florent Manaudou va entrer en scène jeudi soir avec les séries du 50 mètres nage libre. Le poids qui pèse sur ses épaules aurait de quoi en terrifier plus d'un. Heureusement, les siennes sont larges. Puis ce n'est pas nouveau. En réalité, depuis l'extraordinaire pic londonien, la natation française a amorcé un lent déclin, accentué par la retraite de la regrettée Camille Muffat ou les errances de Yannick Agnel. Seul Manaudou, qui n'a cessé de progresser et d'évoluer au cours de ces quatre années, a permis de boucher des fissures de plus en plus visibles dans les fondations de la maison bleue. Maintenant que l'édifice menace de s'écrouler, voilà qu'on lui demande de le tenir à la force de ses bras.
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Florent Manaudou à l'entraînement à Rio

Crédit: Panoramic

Clairement, le bilan de l'équipe de France de natation (en bassin, puisque, avec l'eau libre, la France dispose d'une autre chance de titre avec Aurélie Müller) dans ces Jeux dépend désormais uniquement de la performance du sprinter sur ce 50 mètres. S'il conserve son titre sur la longueur de bassin, le bilan sera présentable avec, quoi qu'il advienne par ailleurs, une médaille d'or et une d'argent. La seule présence de cet or suffira à valider l'opération sauvetage à Rio.
Car les récentes pages glorieuses ne doivent pas faire oublier d'où vient la natation française. Elle ne peut pas se permettre faire la fine bouche avec deux médailles dont une d'or, elle qui n'avait remporté qu'un titre en 100 ans avant de changer de dimension au XXIe siècle. Manaudou peut apporter à la France son 6e titre olympique en 12 ans. Ce serait à la fois une façon spectaculaire de mettre momentanément la poussière des derniers jours sous le tapis de bain, et de boucler la boucle d'une "génération", au sens large, exceptionnelle. De Manaudou Laure à Athènes à Manaudou Florent à Rio.

Du caviar au régime sec ?

La suite s'apparente un peu à un saut dans le vide. Ils sont rarement sans douleur. La natation tricolore s'apprête à entrer dans la nouvelle Olympiade sans ses derniers géants. Agnel, Lacourt et selon toute vraisemblance Manaudou vont changer de vie. Il est probable que, très vite, un bilan (sept médailles dont cinq en or) comme celui des mondiaux de Kazan, pourtant vieux d'une toute petite année, nous paraissent inatteignable. Il est même possible que celui de Rio, en mode hypothèse haute (deux médailles dont un titre), devienne un objectif maximal.
Faiseuse de miracles et de champions remarquables voire proprement extra-ordinaires pour certains (dans le désordre, les Manaudou, Bernard, Muffat, Agnel, mais aussi Bousquet, Gilot, Lacourt, Stravius…), la natation française nous a distribué du caviar à tour de bras pendant plus d'une décennie. Elle va sans doute nous imposer un nouveau régime. Plus sec. Pour autant, il ne faudra pas moins l'aimer. Au contraire. Il conviendra en revanche lui de donner du temps et surtout d'épargner à ceux qui vont suivre le jeu des comparaisons constantes. Du talent, il y en a encore. Ce qui risque, au moins à court terme, de faire défaut, c'est le champion d'exception. Raison de plus pour savourer les 48 heures prochaines heures. Histoire, aussi, d'oublier les 48 dernières.
De notre envoyé spécial à Rio, Laurent Vergne
Bilan natation France
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