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"Ex-chouineur", "tête de mule", "pêcheur" : les descendeurs Clarey, Bailet, Allègre, Giezendanner... vus par leur coach

François-Xavier Rallet

Mis à jour 26/11/2021 à 14:44 GMT+1

COUPE DU MONDE LAKE LOUISE – Ancien spécialiste de vitesse, Yannick Bertrand est désormais coach en équipe de France. Avant la reprise de la saison à Lake Louise ce week-end, "Bambou" nous présente les membres qui composent le groupe A : Johan Clarey, Matthieu Bailet, Maxence Muzaton, Nils Allègre et Blaise Giezendanner. Avec ses mots, sa sincérité, ses petites anecdotes sur chacun. Et son humour.

Les descendeurs français : Clarey, Giezendanner, Bailet, Muzaton, Allègre

Crédit: Eurosport

Johan Clarey, "le chouineur qui s’est endurci"

"Avec Yo, on a débuté ensemble il y a une éternité maintenant. Aujourd’hui, lui skie toujours, et moi, je l’entraîne. C’est le plus ancien du groupe. Il est fort, endurant, coordonné. Sa motivation, son physique hors-norme et sa lucidité m’impressionnent. Quand il ne skie pas bien, il le sait et tourne vite la page. Et quand il est bon, il le sait aussi.
Ce qui a changé depuis ses débuts, c’est qu’il a appris à ne plus… chouiner. Plus jeune, on l’appelait « Hiiin-hin » (il imite le bruit d’un enfant qui pleure). Lors d’un stage commando dans les Pyrénées en 2003 ou 2004, une séance de combat rapproché est organisée avec des légionnaires. Les coaches nous demandent de nous mettre face à face avec un militaire de notre taille. Yo hérite d’un grand d’origine russe. Et il se fait… défoncer la tête (il rit).
Les autres militaires avaient compris qu’on était sportif et qu’on n’était pas là pour se faire mal. Le légionnaire russe, lui, a pris à la lettre les consignes de frapper Yo. Et il a frappé Yo. Du coup, il a jeté les gants et est parti sur le côté en pleurnichant dans sa barbe. On a tous rigolé, lui a pris une soufflante par le chef de l’époque (Mauro Cornaz) puis il est revenu. Après ça, on l’a appelé la "chouineuse". Dans nos bouches, ce n’était ni méchant ni moqueur. Mais ça, c’est fini. Avec l’âge, il s’est endurci.
Le premier souvenir que j’ai de lui ? Lors d’un championnat de France junior de slalom à Morzine en 1999-2000. C’était la première année des tout petits skis. Lui avait été super bon sur une piste du Pleynet bien pourrie et il avait été champion de France de slalom. C’est la première fois où je me suis dit : ‘Ce mec-là skie pas mal…’ Son principal défaut ? Il est exaspérant car il est parfait. S’énerver contre lui, c’est impossible.
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Feuz prive Clarey d'un bonheur immense : le résumé d'une descente magique

Blaise Giezendanner, "meilleur en Super-G qu’au golf"

Blaise, c’est le beau gosse qui s’exprime mille fois mieux en Super-G qu’en descente. Une journée où il est en feu, il peut jouer devant. Ce n’est pas un casse-cou mais il fait des reconnaissances ultra-justes et a une faculté d’adaptation étonnante. Et en Super-G, ça paie. Il a parfois ce côté "je suis jeune, je fais ce que je veux, je m’en fiche" mais finalement, quand tu comptes le nombre de manches d’entraînement qu’il fait dans l’année, c’est sûrement lui qui en fait le plus. C’est un travailleur et ce n’est pas ce qu’on voit quand on l’aborde la première fois.
Ça serait bien qu’il retrouve la glisse qu’il avait il y a quelques années, ça pourrait l’aider en descente car il est un peu en galère (dans cette discipline). Quand on pense "Super-G et Blaise", on pense évidemment à Pyeongchang et à sa 4e place aux Jeux (en 2018). C’était magnifique. J’ai un souvenir très précis de ce jour-là car j’étais posté à un passage dont j’ai oublié le nom, dans une sortie de virage en aveugle. Les premiers dossards s’étaient fait avoir. J’avais fait remonter des infos et il avait été super bon sur ce passage. J’étais persuadé qu’il allait faire la médaille et j’étais loin d’imaginer que ce soit Beat (Feuz) qui le sorte du podium. D’autant qu’il s’en foutait du Super-G. D’ailleurs, il s’en fout toujours un peu, non ? (rires)
J’ai un dernier message à faire passer à Blaise d’ailleurs. On joue au golf tous les deux. Il a toujours l’impression qu’il va pouvoir me battre mais ‘Blaise, tu n’y arriveras jamais...’ Il n’a pas assez de temps pour s’entraîner contrairement à moi.

Maxence Muzaton, "aussi tête de mule que bête de course"

‘Mumu’, c’est un homme discret. Un de ses rares défauts ? En musique, il connaît tous les trucs récents, les rappeurs qui chantent dans des tuyaux (l’Auto-Tune). Avec Blaise (Giezendanner), ils font mine de ne pas aimer mais ils connaissent ça par cœur.
Sinon, ‘Mumu’, c’est une bête de course. Ce n’est pas le plus doué, pas la plus grande gueule. En revanche, quand il faut mettre la poignée dans l’angle, il nous impressionne souvent. Comme en 2019-2020, où il a fini 11e mondial en descente. Dans cette discipline, il incarne la détermination. Il peut ne pas sentir une course, un virage, et le jour J, réussir à se transcender et à passer là où il n’avait pas envie d’aller.
C’est un skieur qui a eu beaucoup de pépins dans le passé et avec les douleurs qu’il a à droite, à gauche, c’est une machine qui est longue à se mettre en route. Il met quatre jours à s’échauffer. A Lake Louise, on lui a dit qu’on attaquait l’entraînement à 7h du matin comme ça, il est prêt à midi pour la douzième manche (rires).
C’est une bonne tête de mule parfois. Un exemple ? Il y a quelques années, quand les skis à rayons de 35m sont arrivés, il a décidé qu’il ne voulait plus en faire à l’entraînement. Il préférait s’entraîner en slalom car à l’époque, il y avait encore des combinés et ça reste un bon slalomeur. Cette année, il a refait du géant et s’est aperçu que ça lui faisait un bien fou.
Et puis, ‘Mumu’, c’est cette image, cette figure folle, ce 180 degrés aux derniers Mondiaux à Cortina. Il est passé par toutes les émotions ce jour-là en descente. Quand il est revenu à l’hôtel, on lui a pratiquement dit que le ligament croisé était cassé… Et puis il a fait des tests et ce n’était pas le cas. Après, sa figure, c’est une ‘merveille’. A coup sûr une médaille d’or en slopestyle aux JO…
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Incroyable image : Maxence Muzaton décolle à 180° avant de retomber sur ses skis

Nils Allègre, "le gentil pêcheur altruiste et fan de Renaud"

Travailleur à la technique impeccable qui a besoin d’être écouté et chouchouté, voilà ma description de Nils. Il aime bien qu’on lui montre de l’affection. Il en a besoin pour avoir confiance. C’est un vrai gentil, un tendre, qui fait attention aux autres. Si on doit se battre pour monter dans une voiture, lui laissera sa place et ira à pied.
Souvenez-vous de son discours à chaud après le Super-G des Mondiaux en février dernier (NDLR : Allègre avait raté sa course et s’était montré très déçu en zone mixte estimant ‘avoir volé la place de quelqu’un’). Il était au fond de la gamelle, et on a mis deux heures à lui faire comprendre qu’il avait le droit d’être énervé contre lui, contre nous, contre qui il voulait mais qu’il n’avait rien usurpé du tout, qu’il n’avait pris la place de personne. C’est tout Nils, ça. Et puis en descente, il avait très bien réagi trois jours plus tard. C’est une bête. Quand il se lâche, il est vraiment fort.
Et puis, c’est un amoureux de la nature. Il se prend pour un pêcheur, mais il n’a jamais rien attrapé (il rit). Il a mis Nico (Raffort) dans son délire, ils se font des sorties pêche à deux, mais ils ne ramènent jamais rien. La vérité, c’est qu’ils les remettent à l’eau quand ils en attrapent. Mais on les charrie quand même. Ils sont extrêmement drôles.
Nils adore le chanteur Renaud aussi. Peu de gens le savent, mais il a écrit une phrase d’une chanson de Renaud sous l’élastique de son masque pour se motiver. On ne peut pas la voir et le fait qu’il la cache montre qu’il n’assume pas trop (rires). Mais c’est le plus grand fan du chanteur sur terre. Il se vante d’avoir plus de 600 chansons de son idole, il a des t-shirts, il est incollable.

Matthieu Bailet, "le pur-sang à dompter mais pas trop"

Il fait souvent chambre à part car il a un fonctionnement de… cinglé ! Mais dans le bon sens du terme. Il se lève très tôt pour s’étirer, s’échauffer. Avec ses horaires un peu décalés, il est toujours un peu dans son monde. Il fait ce qu’il a à faire, il essaye de faire attention, mais si ça dérange les autres, ce n’est pas grave.
C’est une bête physique. Sa qualité première, c’est ‘d’envoyer du steak’. Un pur-sang qui doit se dompter mais pas trop… C’est le plus jeune du groupe (25 ans) qui ne respecte pas la hiérarchie mais, là-encore, dans le bon sens du terme. Il a du respect pour tout le monde mais s’il faut passer par-dessus, il passera par-dessus. Ça ne le limite pas. Comme dans toute vie de groupe, quand on vit ensemble 160 jours par an, ça se branche parfois mais il n’y a jamais eu de clash ni de bagarre. Et puis, il a grandi, il a mis de l’eau dans son vin. Je trouve qu’il se bonifie en prenant de l’expérience. Ça se passe super bien mais ce n’était pas facile au début.
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Bailet s'est fait un nom : revivez le premier podium de sa carrière

Matthieu, c’est un solitaire. Mais il cultive ça et ça lui va très bien. Ce n’est pas un jeu ou une façon de faire, il est comme ça. Mais c’est bien, ça met un coup de pied dans ce monde de Bisounours. L’hiver dernier, il a obtenu son premier podium (à Saalbach). Tout le monde est resté pour le célébrer. Et ça veut bien dire une chose : c’est un chiant, mais il est apprécié. Ça l’a touché je pense, mais si tout le monde s’était barré, il aurait fait son truc seul. Et s’en serait servi pour se motiver encore plus car il est très fort mentalement.
Le premier souvenir que j’ai de Matthieu remonte aux finales de St-Moritz en 2016. Quelques jours plus tôt, il devient champion du monde juniors de Super-G et peut donc participer aux finales. Il vient avec nous et à l’entraînement, il tend les lignes mais pas comme il faut. Avec les coaches et Erik (Seletto) notamment, on le prend entre quatre yeux et on lui dit toute la matinée qu’il doit changer de tactique, que ça ne va pas. Durant la course, il ne change rien, joue sa tête de mule et assume jusqu’au bout. Et finalement, il est sorti. Du Bailet dans le texte."
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Bailet : "Lake Louise, c’est mon premier départ en descente… avec les skis de David Poisson"

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