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Luitz, ou l'histoire d'un invraisemblable retour gagnant

Julien Chesnais

Publié 06/12/2018 à 20:32 GMT+1

Moins d’un an après une grave blessure au genou, Stefan Luitz est l’un des grands favoris samedi pour le géant de Val d’Isère. Dimanche dernier, l’Allemand a réussi un retour aux affaires incroyable en remportant à Beaver Creek la première victoire de sa carrière, pour son géant de reprise. Aux Etats-Unis, l’Allemand a repris le fil de sa progression. Comme si de rien n’était.

Stefan Luitz

Crédit: Imago

Le ski regorge d’exemples de come-backs réussis après une blessure. Dans l’histoire récente, les retours express des Vonn, Hirscher et Svindal viennent vite à l’esprit. On pense aussi à celui de JB Grange, victime d’une rupture du ligament croisé antérieur gauche en décembre 2009, privé de JO à Vancouver, et vainqueur onze mois plus tard de sa course de reprise à Levi.
Pour eux, les blessures n’ont été globalement qu’une parenthèse dans leur boulimie de victoires. Champions ils étaient, champions ils sont restés. Pour Stefan Luitz, c’est un peu différent. La consécration n’est arrivée qu’après.
En début d’hiver dernier, l’Allemand s’affirme comme l’étoile montante du géant. On ne l’a pas vraiment vu venir. Alors qu’il ne compte que quatre podiums en carrière depuis ses débuts en 2011, il en signe deux consécutifs lors des deux premiers géants de l’hiver (3e à Beaver Creek et 2e à Val d’Isère). Il a 25 ans, c’est enfin l’heure de son avènement. Une mutation s’est opérée dans son ski.
"Avant il n’était bon que sur la neige dure, la glace et les parties techniques, décrit Gauthier de Tessières, consultant sur Eurosport. Et puis l’an dernier, quand on l’a vu à Beaver Creek, sur une piste et une neige faciles, on a fait 'oulala, il va vite partout celui-là'. Ça a été la transformation. Je pensais qu’il n’allait pas évoluer. Puis en fait il avait plus de ressources que ce que l’on croyait."
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Stefan Luitz à Beaver Creek en 2018

Crédit: Getty Images

De l’état de grâce au cauchemar d'Alta Badia

Il semble dans la forme de sa vie lorsque se profile le géant d'Alta Badia, le 15 décembre 2017. Par la grâce du tirage au sort, il a les honneurs de lancer la course. Dossard 1. Sur la Gran Risa. La classe. Mais l’état de grâce vire au cauchemar au bout de quelques portes. Son genou droit cède. Rupture du ligament croisé antérieur gauche. Terrible coup d'arrêt. Il met fin à sa saison, et se retrouve privé, comme son compatriote Felix Neureuther, des JO de Pyeongchang. Des Jeux pour lesquels il avait une revanche à prendre, quatre ans après avoir enfourché la dernière porte de la 1re manche à Sotchi, alors qu’il allait signer le 2e temps.
Onze mois et un jour plus tard, il retrouve le circuit en Finlande. Dans son malheur, sa blessure est arrivée assez tôt l’hiver dernier. Il a eu le temps de se réparer avant d’entamer le suivant. Levi est seulement pour lui l’occasion de remettre un dossard sur le dos. Le slalom (comme la vitesse d’ailleurs), ce n’est pas son truc (10e place pour meilleur résultat en coupe du monde). Il ne se qualifie pas pour la seconde manche. Anecdotique. Sa vraie reprise, c’est à Beaver Creek, en géant, sa spécialité.
Aux Etats-Unis, dimanche dernier, sa 1re manche stupéfie tout le monde. Parti avec le dossard 9 - car le règlement protège les skieurs qui se sont blessés, et leur permet de ne pas s’élancer trop loin sur la start-list à leur retour - Stefan Luitz colle 15 centièmes à Marcel Hirscher, à qui le meilleur temps semblait pourtant promis. L’Allemand remporte le premier run à la surprise générale. Comme l’an dernier sur la Birds of prey.

Beaver Creek, l'incroyable retour gagnant

Lorsqu’il s’élance pour la seconde manche, c’est Hirscher qui est encore en tête en bas de la piste. Au 1er inter, l’Allemand lui a repris deux centièmes. Au 2e, ça tient toujours (-0’’11). Mais le troisième intermédiaire vire au rouge. 24 centièmes de retard sur l’Autrichien. La messe semble entendue mais Luitz n’abdique pas. Au prix d’une incroyable fin de course, il reprend quatre dixièmes sur la dernière section et devance Hirscher pour 14 centièmes. Pour son géant de reprise, le voilà vainqueur de la première victoire de sa carrière. Devant une légende vivante. Et au prix d’un retournement de situation invraisemblable. “Revenir après ma blessure et gagner la première course de la saison, c’est incroyable” exultait à chaud Stefan Luitz.
Au final, cette grave blessure (on parle quand même d’une rupture du ligament croisé antérieur, soit en général six mois de convalescence) n’a rien changé à sa destinée. Il a repris son ascension là où il l’avait arrêtée. Ça n’avait rien de simple sur le papier. Mais il a su rendre la chose limpide. Comme un tour de magie. Avec un niveau pareil, Luitz peut de nouveau rêver grand.
"Je crois que Hirscher a trouvé un concurrent pour l’hiver, juge même Gauthier de Tessières. Je ne suis pas hyper-fan de sa technique, mais ça va extrêmement vite. C’est un pur géantiste. Si on regarde Hirscher et Luitz à l’oeil, sans le chrono, on mettrait toujours Hirscher devant. C’est assez dur d’analyser comment il fait pour aller aussi vite. Mais voilà c’est le chrono qui parle. Il y a de la finesse. Il a compris techniquement qu’il n’y a pas vraiment besoin d’avoir des lignes parfaites. Lui, il prend la pente, il profite de chaque mouvement pour accélérer et il ne freine jamais. On hallucine un peu sur le chrono, mais voilà ça fait deux ans qu’il arrive à faire ça."

Val d’Isère arrive, tant mieux pour lui

Leader du classement du petit globe (puisqu’il n’y a eu qu’un géant pour l’instant), Luitz pourrait bien garder la tête à l’issue du séjour à Val d’Isère ce week-end. La Face de Bellevarde est son jardin favori. Avant sa victoire à Beaver Creek, il avait acquis la moitié de ses podiums dans la station française (3 sur 6). C’est ici qu’il a décroché son tout premier, il y a six ans, le 9 décembre 2012, pour ce qui était seulement sa 3e course dans les points. Il avait 20 ans. Et portait le dossard 35. Vingt-cinquième de la 1re manche, il avait effectué une remontée fantastique lors de la seconde (meilleur chrono) en reprenant notamment plus d’une seconde et demie sur le vainqueur, Hirscher.
Samedi, il ne faudra donc pas s’étonner de le voir affoler à nouveau les compteurs. Mais gare au contre-coup, qui peut parfois arriver dans la foulée d’un retour de blessure, même aussi réussi soit-il. "C’est un truc qui peut arriver oui, abonde Gauthier de Tessières. Mais bon c’est un gars qui a maintenant de l’expérience, et il vient de faire le plein de confiance. Val d’Isère c’est la piste où il s’est révélé. Là où il s’exprime en général le mieux. Il fait largement partie du trio favori. S’il y a de la glace, on peut avoir un choc Pinturault-Luitz-Hirscher de folie."
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Stefan Luitz, Alexis Pinturault et Marcel Hirscher sur le podium du géant de Val d'Isère le 9 décembre 2017

Crédit: Getty Images

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