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Antoine Dénériaz : "Val Gardena, c'était mon jardin, je me sentais invincible"

François-Xavier Rallet

Mis à jour 14/12/2018 à 09:52 GMT+1

COUPE DU MONDE – Antoine Dénériaz a remporté à deux reprises la descente de Val Gardena. Sur la Saslong, le Français, qui nous a accordé un long entretien, s’est imposé en 2002 et 2003. Depuis, aucun Tricolore n’est parvenu à l’imiter.

Antoine Dénériaz

Crédit: Getty Images

"A Val Gardena, personne ne peut battre Antoine Dénériaz." La phrase d’Hermann Maier produit son effet et fait sourire le principal intéressé. Elle rend assurément fier le champion olympique 2006 de descente, mais le skieur de Morillon ne vous le dira pas. Ce week-end, la station des Dolomites accueille un super-G et une descente. Les spécialistes tricolores de la vitesse tenteront d’accrocher un premier podium cet hiver, voire la victoire. Comme leur illustre aîné à son époque. Antoine Dénériaz est d’ailleurs le dernier Français en date à s’être imposé sur la mythique Saslong. C’était en 2003, il y a 15 ans déjà. Mais "Tonio" n’a rien oublié de ce jour-là…
Antoine Dénériaz et Val Gardena sont deux noms indissociables. Pourquoi aimiez-vous autant cette piste de la Saslong ?
Antoine Dénériaz : C’est une piste qui m’allait bien. Une piste vallonnée avec des parties techniques et de glisse. Elle correspondait bien à ce que je savais faire. J’étais plutôt bon glisseur avec un bon toucher de neige. La Saslong n’est pas une piste plate. Il y a beaucoup de mouvements de terrain et il faut savoir travailler ces parties-là. Et ça, je savais très bien le faire.
Vous avez gagné deux fois de suite à Val Gardena, en 2002 et 2003. Aviez-vous le sentiment d’être invincible quand vous arriviez là-bas ?
A. D. : Je ne l’ai gagnée que deux fois mais en 2003, c’est vrai que j’ai eu cette impression-là. Lors de ma seconde victoire, je gagne avec plus de huit dixièmes d’avance [89 centièmes sur Michael Walchhofer, NDLR]. Ce jour-là, rien ne pouvait m’arriver. C’était un peu le même sentiment qu’aux Jeux Olympiques de Turin à vrai dire. J’étais chez moi, dans mon jardin.
La seconde victoire à Val Gardena m'a beaucoup servi à Turin
Ces deux courses ont finalement de nombreux points communs : vous signez le meilleur temps du dernier entraînement, vous partez donc avec le dossard 30 et vous devancez Michael Walchhofer à l’arrivée…
A. D. : C’est ça… Pour être honnête, cette seconde victoire à Val Gardena m’a beaucoup servi aux Jeux de Turin. J’étais dans les mêmes conditions. Les sensations au départ étaient les mêmes. C’est facile de le dire après mais je ne me voyais pas perdre ces deux courses. Aux JO, la veille de la descente, je me suis répété que j’avais fait le même coup à Val Gardena et que ça avait marché. Donc il n’y avait pas de raison que ça ne fonctionne pas à Turin.
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Antoine Dénériaz lors de la descente de Val Gardena en 2003

Crédit: AFP

En 2017, vous êtes retourné à Val Gardena qui fêtait les 50 ans de son histoire. Quelles ont été les émotions de revenir dans les Dolomites ?
A. D. : C’est vrai que ça faisait quelques années que je n’y étais pas allé. C’était sympa. Plein de souvenirs sont remontés à la surface. Et puis, c’était super de retrouver d’autres anciens qui étaient invités : les Suisses Peter Müller et Pirmin Zurbriggen, par exemple. Quand j’étais petit, c’était mes idoles. J’avais leurs posters sur les murs de ma chambre. D’être invité comme ancien vainqueur à côté d’eux, c’était un grand moment.
Le premier long plat me permettait souvent de faire des écarts
Imaginons… Vous êtes dans la cabane et vous poussez sur les bâtons pour un nouveau départ. Pouvez-vous nous décrire ce qu’il y a après ?
A. D. : Il y a une cinquantaine de mètres assez plats après le départ. Il faut pousser très fort et prendre un maximum de vitesse. Après un enchaînement pied gauche-pied droit, on rentre dans une partie très raide, un peu en dévers. C’est un premier point clé car il y a une longue courbe vers la droite comme une compression et un dôme sur lequel on peut décoller. Il faut y prendre un maximum de vitesse car derrière on rentre sur un très long pied gauche qui amène sur un saut. C’est l’entrée du premier grand plat de Val Gardena : on est à 20 secondes de course. Ce long plat, avec quelques parties en dévers et quelques virages, dure 40 secondes environ. Cette partie me permettait souvent de faire des écarts.
Puis c’est le départ du super-G…
A. D. : Exactement. Juste après une légère rupture avec un petit saut arrivent deux longues courbes. Puis le "S" de l’entrée de la forêt, une partie assez technique. Il y a un saut à la sortie du "S" qui amène sur le plat d’une dizaine de secondes juste avant le saut du Camel. Le Camel, c’est trois bosses. On saute d’une bosse à l’autre. Parfois, on s’envole sur 80m et il ne faut pas se rater car si on ne va pas assez loin, on peut s’éclater sur la dernière bosse. On est assez haut aussi, jusqu’à cinq six mètres au-dessus du sol. Ensuite, on est 130km/h dans une partie plutôt plate mais ça tape car il y a des vaguelettes. Suivent deux longues courbes avant un grand pied gauche.
Et là, c’est le mythique Ciaslat…
A. D. : C’est un autre passage déterminant. On arrive assez vite sur un pied gauche compliqué à gérer. Si on se plante là, on souffre sur les mouvements de terrain qui composent le Ciaslat. Notre vitesse à cet endroit-là ? On a ralenti, on doit être à environ 100km/h. La difficulté c’est de rentrer bien en ligne et à l’heure car si on est à contretemps, les 20 secondes qui suivent sont catastrophiques pour le chrono. Là, on est à 1’20" de course et on entre à nouveau dans la forêt. La dernière partie est assez longue et assez plate. Jusqu’au schuss d’arrivée, il faut relâcher les skis. On est dans un dévers, donc la difficulté, c’est de doser entre avoir de l’accroche et relâcher les skis pour glisser le plus vite possible vers le saut d’arrivée et l’arrivée.
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Antoine Dénériaz lors de la descente de Val Gardena en 2002

Crédit: Getty Images

On a l’impression que vous l’avez descendue hier cette Saslong. Vous n’avez rien oublié…
A. D. : (Rires) En fait, je l’ai tellement faite que je la connais par cœur. Mais ça vaut quasiment pour toutes les autres descentes. On n’oublie rien. Ou pas grand-chose.
Depuis votre époque, la Saslong a un peu évolué. Est-elle plus facile aujourd’hui ?
A.D. : Les anciens diront toujours aux générations actuelles que c’était plus difficile avant (rires). Mais c’est vrai que la piste s’est élargie à certains endroits. Déjà, quand je courais, l’organisation l’avait élargie juste après le départ. Car il y avait eu l’accident de Jean-Luc Crétier. En 1998, juste après sa victoire aux JO, il était tombé sur la gauche, dans la terre gelée et les cailloux. Après ça, ils avaient fait des modifications. Ils ont aussi élargi le "S" dans la forêt, avant le plat du Camel.
En 2007, vous avez annoncé mettre fin à votre carrière. Cette annonce est intervenue juste avant Val Gardena. Vous ne souhaitiez pas revenir une dernière fois pour y faire vos adieux ?
A. D. : Mais j’y suis allé… à pied (rires). En touriste. J’avais été invité à m’y rendre mais j’avais arrêté pour d’autres raisons. Et si l’annonce a été faite une semaine avant Val Gardena, ma décision était prise depuis Beaver Creek. Val Gardena ou pas, je n’avais plus la force d’y aller.
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Antoine Dénériaz, vainqueur de la descente de Val Gardena en 2002

Crédit: Getty Images

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