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Andy Murray plaide pour un "Drive to Survive" sur le tennis : "Ce serait bénéfique pour notre sport"

Laurent Vergne

Mis à jour 22/12/2021 à 17:00 GMT+1

L'indéniable succès de la série documentaire de Netflix consacrée à la formule 1, Drive to Survive, ne devrait pas manquer d'interpeller d'autres disciplines. Andy Murray aimerait que le tennis s'en inspire pour dévoiler ses coulisses et faire découvrir ses principaux acteurs. Mais il craint que son sport n'y soit pas prêt.

Andy Murray rêve d'un Drive to Survive version tennis. (Visuel : Quentin Guichard)

Crédit: Eurosport

C'est un paradoxe de notre époque. Jamais nous n'avons vu et consommé autant de sport à la télévision. Mais jamais les sportifs n'ont paru autant éloignés de ceux qui les regardent. Le tennis n'échappe pas à cette règle. Il en est même un des exemples les plus criants. La frontière entre les champions et les médias, qui servent en théorie d'intermédiaire dans le rapport des sportifs au public, est devenue plus étanche que jamais. Le tennis, milieu ultra-verrouillé, donne le strict minimum à ses fans une fois joueurs et joueuses sortis du court.
Le sport aurait pourtant beaucoup à gagner à en montrer davantage. La série de la plateforme Netflix consacrée à la formule 1, Drive to Survive, en est la preuve. En plongeant ses fans au cœur de l'action et dans les coulisses d'une discipline historiquement plutôt chiche quant à ce qu'elle accepte, ce documentaire a modifié l'image de la F1 et attiré un nouveau public, plus jeune, sans brusquer ses aficionados. Drive to Survive a généré un regain d'intérêt pour un sport un peu moribond. La F1 est redevenue à la mode et les audiences ont considérablement augmenté ces deux dernières saisons, en Europe mais surtout aux Etats-Unis. Difficile de ne pas y voir un effet Netflix.
Le cas de Drive to Survive fera-t-il école ? Possible. C'est en tout cas le souhait d'Andy Murray. L'Ecossais aimerait que le tennis s'en inspire pour proposer un contenu approchant. "Je pense que ce serait très bénéfique, pour toutes les parties, les sportifs comme les médias, a confié l'ancien numéro un mondial dans un entretien exclusif accordé à Eurosport en marge de l'exhibition d'Abu Dhabi. Nous devons comprendre que ce serait une bonne chose pour tout le monde. Pour notre sport dans son ensemble."
Je ne pense pas que le tennis soit assez ouvert pour autoriser un accès de ce genre
Le Britannique sait de quoi il parle. Il s'est lui-même impliqué dans ce domaine en collaborant avec Amazon Prime Vidéo pour un documentaire (Andy Murray : Resurfacing) sur son long combat pour revenir à la compétition après son opération de la hanche. Mais cela implique selon lui de se sentir en confiance : "Je connaissais la journaliste qui me filmait. Sinon, je ne l'aurais pas fait. Parce que nous avons passé énormément de temps ensemble et je l'ai laissée avoir accès à mes moments les plus bas et à des choses que je n'aurais en temps normal partagé qu'avec ma famille ou mes amis. Mais parce que j'avais une grande confiance en elle, j'ai été capable de m'ouvrir."
Le résultat ? Gagnant-gagnant. Andy Murray a dévoilé l'homme derrière le sportif, et le public peut le percevoir différemment. Ceux qui ont vu le documentaire, eux, auront mieux appréhendé ce par quoi est passé le double champion olympique. Personne n'a à perdre à afficher ses doutes, ses fragilités, ses efforts et ses espoirs.
Pour autant, l'ATP et/ou la WTA, réputées si frileuses, accepteront-elles de jouer le jeu ? Murray le souhaite. Mais il n'y croit pas beaucoup, à court terme au moins. "Je ne pense pas que le tennis soit assez ouvert pour autoriser un accès de ce genre, regrette-t-il. C'est dommage, parce que c'est génial. Beaucoup de gens ont parlé de Drive to Survive. J'ai moi-même regardé une partie des épisodes. Je n'ai pas tout vu, mais j'ai adoré et, oui, quelque chose de ce genre serait bénéfique pour notre sport."
Et tout le monde partage-t-il l'opinion du Britannique sur le sujet ? Là encore, un préalable indispensable selon lui : "Pour que ça marche, il faut que les gens qui filment aient accès à beaucoup de choses. Tous les joueurs doivent se sentir à l'aise avec ça. S'ils y trouvent un intérêt, peut-être financier, je suis sûr que beaucoup seraient prêts à jouer le jeu. Mais il faut aussi avoir confiance en les gens qui sont derrière le documentaire. Par le passé, certains docs n'étaient pas bons, notamment sur certains sports cos, en football par exemple. Mais si c'est fait avec un respect mutuel et en confiance, je pense que ça pourrait être incroyablement positif."

Drive to Survive est-il duplicable à tous les sports ?

Peter Bayer, Secrétaire général Sport de la FIA, confirme que beaucoup d'autres sports font part de leur intérêt quant à leur propre Drive to Survive. "Le succès a été colossal sur Netflix, confirme-t-il à Eurosport. C'est dû au mélange entre de l'information intéressante et de l'intrigue. Peut-être ont-ils (Netflix) un peu exagéré sur certaines choses, mais je suppose que c'est aussi ce dont les gens avaient envie. C'est un compromis entre réalité, divertissement et sport et c'est ce qui a fait son succès. La F1 est une discipline qui porte en elle de fortes émotions et Netflix a su faire ressortir tout ça en supprimant tous les filtres pour montrer de l'émotion pure et du pur sport."
Pour autant, Peter Bayer reste sceptique sur la possibilité de dupliquer ce format en toutes circonstances. "Peut-on le reproduire ? C'est difficile à mon avis, selon lui. D'abord parce que le concept perdrait en originalité maintenant que ça a été fait et, qui plus est, en F1, vous avez des personnages très particuliers. Cela me parait compliqué de faire un simple copier-coller. Et je connais peu d'organisations capables de dire 'Mettez un micro et suivez-moi toute la journée avec une caméra'."
Alors, un Drive to Survive du tennis, fausse bonne idée ? Peut-être. Mais sur le principe, ce sport, comme d'autres, a besoin de se dévoiler plus qu'il ne le fait aujourd'hui, afin que chacun puisse mieux en appréhender ses ressorts et découvre les hommes et les femmes qui le composent. Dans la série L'Envers du sport, Netflix a d'ailleurs consacré un épisode au tennis, à travers le cas de Mardy Fish. L'Américain y parle du sévère syndrome d'anxiété dont il a souffert et qui l'a dévoré jusqu'à devoir s'éloigner des courts.
Devant ce témoignage, l'empathie avec Fish est totale. Idem avec son grand ami Andy Roddick, qui témoigne lui aussi. Mais on se prend aussi à regretter qu'ils n'aient pas pu se livrer de la même manière beaucoup plus tôt. Tout ne peut pas être dit ou montré. Mais entre cet hypothétique "tout" et le néant d'aujourd'hui, il doit exister un entre-deux. Plutôt que de se demander si son avenir passe par des sets en quatre jeux, le tennis et ses acteurs seraient mieux inspirés d'abattre le mur instauré entre eux et leur public. Andy Murray l'a compris. Puisse-t-il ne pas être le seul.
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