Indian Wells - Daniil Medvedev et la gestion de la pression : "Être numéro 1 m'a appris beaucoup"

Plus une série s'allonge, plus elle s'approche de sa fin. L'adage (à la logique infaillible) est bien connu et Daniil Medvedev ne doit pas l'ignorer, surtout après 18 victoires consécutives. D'ailleurs, l'intéressé l'avait confié après son troisième titre d'affilée à Dubaï : il craignait voir toute cette confiance accumulée s'évaporer s'il venait à perdre tôt à Indian Wells. Vu ses antécédents dans le désert californien – il n'y avait jamais dépassé les huitièmes –, il est vrai qu'il n'avait pas de quoi fanfaronner. Mais s'il s'est souvent plaint de la lenteur du court, le Russe est bien au rendez-vous du dernier carré.

"La confiance fait la différence bien sûr, parce ce ne sont ni mes conditions de jeu ni ma surface préférées, a-t-il confié dans la foulée de sa victoire en quart de finale. Dans la plupart de mes matches, je n'ai pas été dans 'la zone'. Sans un peu de chance et quelques coups incroyables, j'aurais probablement encore perdu ici. Donc je suis vraiment heureux d'être encore dans le tournoi dans ces circonstances et après ces matches fous, de continuer ma série. J'ai hâte de jouer ma demie."

Naturellement, une telle réussite attire les regards. Et si toute l'attention était focalisée sur Novak Djokovic en Australie, puis sur le retour à la compétition de Carlos Alcaraz à Buenos Aires début février, désormais Daniil Medvedev est revenu, lui aussi, au centre du jeu. Tous les observateurs s'attendent à le voir gagner, vu sa dynamique actuelle. Et en l'absence de "Djoko", toute sortie précoce aurait été considérée comme un échec. Ce changement de statut en seulement quelques semaines pourrait être difficile à gérer, et même faire déjouer. Et pourtant...

"J'aime la pression parce qu'elle vient avec les résultats. Quand vous passez des juniors aux professionnels, vous la sentez. Puis quand vous commencez à passer des Futures aux Challengers, vous la sentez encore. Donc à chaque étape de votre vie de joueur, vous avez l'impression que la pression est immense, mais un an plus tard vous réalisez que c'était relatif et que désormais, elle est encore plus grande. Et c'est normal : plus vous essayez d'accomplir des choses – et je ne parle pas uniquement de tennis mais dans la vie tout court –, plus vous ressentez cette pression. Parfois, elle vient de vos proches, de votre famille, d'autres fois des fans, des médias ou autres. Et dans le tennis, mieux vous jouez, plus vous êtes sous pression. Donc c'est super qu'elle revienne pour moi", a-t-il considéré, philosophe.

La pression est un privilège en somme, comme l'a répété à l'envi Billie Jean King, titrant même ainsi l'un de ses ouvrages. Et Daniil Medvedev peut d'autant plus s'approprier le credo qu'il a fait l'expérience de la pression attachée à la place de numéro 1 mondial l'an passé. Le fait d'être au sommet du classement ATP ne l'a pas vraiment perturbé : c'était une conséquence logique et méritée de ses résultats lors des 52 semaines précédentes. Mais le constat est implacable : une fois sur le trône, il n'a jamais pu (ou su ?) jouer son meilleur tennis.

Sa défaite traumatisante en finale de l'Open d'Australie 2022 contre Rafael Nadal en est certainement en grande partie la cause, mais le poids du statut ne peut être écarté. "Est-ce que les autres joueurs essaient de vous battre plus quand vous êtes numéro 1 ? Je ne sais pas, mais je n'espère pas parce que ce serait mieux pour eux qu'ils donnent tout à chaque match, peu importe le classement de leur adversaire, a-t-il encore fait remarquer, sourire en coin. Mais la pression attachée à la place de numéro 1, ce n'est évidemment pas facile parce que vous savez que tout le monde attend beaucoup de vous. Et ça m'a appris beaucoup."

Et Medvedev de développer : "Quand vous êtes 20e mondial et que vous percez, vous aimez être sur les réseaux sociaux, lire les commentaires sur vous, ce que les gens pensent de votre jeu. Et parfois, vous leur répondez même. Mais avec la place de numéro 1 mondial et sa pression, les 'haters' arrivent. Novak (Djokovic) en a beaucoup. Même Roger et Rafa en ont. Et vous vous dites : 'Mais comment c'est possible ? Ils ne devraient pas en avoir.' Et ça m'a donc appris à y prêter moins attention et à me concentrer plus sur mes proches et moi-même. C'est la seule façon de rester honnête avec soi-même et que ça ne devienne pas malsain. Votre coach est la seule personne qui puisse vous dire que vous auriez dû faire les choses différemment."

S'inspirer du "Big 3" pour mieux gérer la pression n'est sûrement pas l'idée la plus incongrue trouvée par le Russe. Ces quinze ou vingt dernières années, le Serbe, le Suisse et l'Espagnol ont créé des monstres et banalisé l'exceptionnel. De leur remarquable permanence au plus haut niveau, il y a forcément des leçons à tirer.

L'une d'entre elles est de se concentrer toujours sur le prochain point ou le prochain match. C'est le meilleur moyen de poursuivre une série, aussi exceptionnelle soit-elle. Medvedev a donc Frances Tiafoe et une 19e victoire en point de mire, et ce ne sont pas quelques projecteurs braqués sur lui qui l'en détourneront.