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Masters 1000 Miami - Adrian Mannarino n'est pas moche à voir, il n'a pas un tennis facile

Laurent Vergne

Mis à jour 28/03/2023 à 14:00 GMT+2

Tombeur de Hubert Hurkacz lundi, Adrian Mannarino réussit un superbe parcours à Miami, où il affrontera la nuit prochaine Christopher Eubanks pour une place en quarts de finale. L'occasion de remettre en lumière le gaucher français au jeu si atypique, dont il est le premier à dire qu'il est peu esthétique. Mais tout n'est peut-être pas aussi simpliste.

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"Je déteste vraiment me regarder jouer. Je sais que ce n'est pas le genre de jeu que les gens préfèrent voir à la télévision." Adrian Mannarino en a remis une petite couche dans l'autodénigrement la semaine dernière dans les colonnes de L'Equipe. Ce n'est pas la première fois que le Français entonne ce petit air.
Pas plus tard qu'au mois de septembre dernier, il disait à peu près la même chose : "J'ai tiré un trait sur mes espoirs de pratiquer un beau tennis. Je ne supporte pas de me voir à la télé, je trouve ça horrible, immonde. Mais je préfère jouer comme ça et gagner ma vie plutôt que jouer champagne et perdre chaque semaine en Challenger."
Quoi que l'on pense de l'esthétisme ou de la laideur présumée de son tennis, il a effectivement permis à Adrian Mannarino de faire une belle petite carrière. Cela fait 15 ans qu'il écume le circuit principal, il a remporté deux titres, un sur gazon, un sur dur, disputé neuf autres finales, a joué trois huitièmes de finale en Grand Chelem et, à son sommet, a flirté avec le Top 20 mondial (22e en 2018).
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Adrian Mannarino à 's-Hertogenbosch en 2022

Crédit: Getty Images

Il lui a manqué un coup d'éclat monumental dans un Majeur. Son abandon à Wimbledon en 2021 contre Roger Federer, après avoir mené deux manches à une, l'a peut-être privé de sa victoire la plus prestigieuse. Elle lui aurait permis au passage d'être le dernier adversaire, et le dernier vainqueur de la légende suisse, dont ce serait le dernier tournoi. Cet honneur a échu à Hubert Hurkacz, celui que "Mana" a battu la nuit dernière à Miami pour décrocher un de ses plus beaux succès, sur le fond comme sur la forme. Tout ceci n'en fait certes pas une légende de son sport, ni même du tennis hexagonal, mais il n'a pas à rougir de sa carrière.
Mais au-delà de ces considérations, Adrian Mannarino pose une question qui relève de la subjectivité, presque de l'intime, celui du lien que le spectateur, ou téléspectateur, noue avec tel ou tel joueur. On pourrait disserter des heures sur ce qu'est le "beau jeu". Le relativisme a ses limites et sans doute sera-t-il communément admis que le tennis de Roger Federer était plus léché que celui de John Isner. Mais par définition, puisqu'il était unique, tout le monde ne peut pas jouer comme Federer.
En réalité, dans le tennis moderne, beaucoup de jeux se ressemblent. Bien sûr, chacun y apporte sa propre nuance, sa gestuelle. Fort heureusement, sans quoi le tennis deviendrait un sport d'intelligence artificielle, le mot-clé ici étant "artificielle". C'est en cela qu'un Mannarino fait un peu office d'Ovni.
Est-ce laid, vraiment ? Pour ma très modeste part, j'ai toujours aimé son jeu, et le voir jouer. J'ai toujours aimé ce côté soyeux, plus que brutal. Une certaine délicatesse, presque. Cette petite patte gauche. Ce jeu de contre, capable de s'appuyer sur la vitesse de la balle adverse, un peu comme le ferait un judoka utilisant la force brute supérieure de son adversaire pour mieux le propulser au tapis, comme un piège savamment tendu.
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Adrian Mannarino à Perth en 2023

Crédit: Getty Images

Je comprends parfaitement pourquoi Mannarino dit tout cela, mais sa force, c'est sa différence. Tout ceci manque de style ? Oui, mais, d'une certaine manière, l'absence de style, c'est déjà un style. La vertu de son expression, c'est qu'elle est unique.
On pourrait y accoler une double métaphore cinématographique. L'une féminine, l'autre masculine. Le tennis de Mannarino, c'est un peu Anémone, alias Thérèse de Monsou, dans Le Père Noël est une ordure, dont Pierre Mortez, aka Thierry Lhermitte, dit : "Thérèse n'est pas moche, elle n'a pas un physique facile."
C'est aussi Michel Simon. Cette tronche cabossée, presque improbable. Mais cette gueule-là, il n'en existait pas deux sur les écrans. Ce fut sa chance. Le cinéma ne peut être fait que de minets à la gueule de jeune premier. Il faut des Brad Pitt, et des Michel Simon. En tennis, on a le droit, le devoir même, de se pâmer devant la perfection stylistique d'un Federer. Mais on a aussi le droit d'apprécier un Mannarino.
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