Djokovic voit loin

LES TOP 10 EN 2007

Roger Federer stoppe net les éclats de rire des journalistes : "Je ne plaisante pas : "Novak is a 'Djoke' " (Novak, c'est une blague, ndlr). Nous sommes en 2006 au terme d'un match de play-off de Coupe Davis entre la Suisse et la Serbie. Le N.1 mondial use d'un jeu de mots limpide pour donner son sentiment sur l'immaturité de son adversaire du jour, qui a abusé de la règle concernant l'appel des kinés. Aujourd'hui, l'anecdote fait sourire les observateurs. Novak Djokovic a pris du galon et appris à prendre les règles au sérieux.

Une nécessité pour un joueur de 19 ans qui déclare sans ambages : "Je veux devenir N.1 mondial". Pourquoi pas en effet, tous les éléments sont réunis pour que cet admirateur de Sampras puisse un jour atteindre bien des sommets. En début d'année, Djokovic n'avait pas l'expérience des grands rendez-vous. Après une défaite sèche face à Federer à Melbourne, puis une autre en finale face à Nadal à Indian Wells, il a franchi progressivement mais rapidement les échelons. Il remportera finalement cinq titres de plus cette saison pour monter sur la 3e marche du podium ATP à tout juste 20 ans. Ce qui fait de lui le plus jeune joueur du Top 10.

Passé au travers du tamis de la terre battue et de la tondeuse à gazon de Wimbledon, Novak Djokovic a fait ses preuves. Son arrogance de jeune premier trop talentueux pour douter s'est transformée en joie de vivre. "Nole" est un extraverti qui est aussi insouciant en dehors du court qu'il est ambitieux dessus. Entre deux facéties, il a traversé le printemps comme un futur grand sans mauvaise blague de potache raquette en main. Victoire sur Gasquet à Estoril, histoire de montrer qui est le patron des "Djeuns", puis demi-finale à Roland-Garros et à Wimbledon. Pour finir sur une finale de Grand Chelem sur Roger Federer, l'homme à abattre.

LE MATCH : Finale du MS CANADA
Novak Djokovic (SRB/N.3) bat Roger Federer (SUI/N.1) 7-6 (7/2), 2-6, 7-6 (7/2)

L'exploit est de taille : Novak Djokovic vient de battre Rafael Nadal puis Roger Federer dans le même tournoi. Quand on précise à ce constat exceptionnel (c'est une première) que le Serbe remporte ainsi son second Masters Series après Miami 2007, qu'il a battu le N.1 mondial pour la première fois en cinq rencontres et qu'il avait aussi dominé Andy Roddick, N.3 mondial, en quarts de finale, le seul mot qui vient à l'esprit est : chapeau. Djokovic se souviendra de son sixième titre sur le circuit professionnel comme un moment charnière dans sa carrière.

Il sait désormais qu'il peut se mesurer sans scrupule au duo infernal Federer/Nadal. A 20 ans tout juste Novak Djokovic a toutes les cartes en main. Une statistique permet de le situer : Il est le premier joueur à avoir battu les 3 premières têtes de série dans le même tournoi depuis l'Allemand Boris Becker en 1994 à Stockholm. Certes, Il lui manque encore un peu d'endurance pour espérer briller jusqu'au bout à l'US Open, mais personne ne pourra plus évoquer Federer et Nadal, qui avaient remporté 18 des 21 derniers Masters Series, sans penser à lui.

Après son premier Masters Series glané en avril à Miami : "J'ai toujours essayé de me comparer aux meilleurs, mais là, pour la première fois de ma carrière, je pense que je mérite de faire partie des trois meilleurs joueurs du monde, ma victoire sur Nadal le prouve. Bien sûr, je n'ai pas encore battu Roger Federer mais cela ne saurait tarder."

Après sa victoire sur Federer au Canada : "Wouah ! C'est très impressionnant d'entendre que je fais aussi bien que Becker en battant les trois premiers mondiaux dans un tournoi. Cela a été une semaine incroyable, avec Miami, le meilleur tournoi de ma carrière. Je peux même dire que c'est un meilleur tournoi vu les joueurs que j'ai battus. C'est comme un rêve, surtout de battre Federer en finale. C'est la motivation suprême. Le chemin est encore long pour être N.1 mondial, même si je suis N.3. Je ne peux pas dire que je veux le devenir l'année prochaine ou la suivante."

Après son élimination à Paris-Bercy : "Dès le début du match, je n'arrivais pas bien à me déplacer. Santoro a pris le contrôle. Il ne faisait rien de spécial. Je n'ai pas pu me livrer à 100%, même pas à 30% de mes capacités. Il méritait de gagner. Je n'essaie pas de me trouver des excuses, mais il faut tout de même prendre en considération que j'ai subi une opération après Madrid. On m'a retiré deux dents de sagesse. Je ne m'étais pas entraîné depuis une semaine. Physiquement, je ne suis pas bien du tout."

Roger Federer, après la finale de l'US Open : "Quand je le croise dans un vestiaire, il est toujours très respectueux vis-à-vis de moi. Je sais qu'il délire beaucoup parfois, mais je ne l'ai jamais vu faire personnellement. Je crois que certains joueurs n'étaient pas très contents. D'autres trouvent ça drôle. Mais franchement, si les fans aiment ça, c'est bon pour le tennis. C'est bien d'avoir des joueurs avec une personnalité différente."

Rafael Nadal, à Roland-Garros : "J'ai joué Djokovic à trois reprises cette saison : Indian Wells, Miami et Rome. Il est effectivement très fort... il est n°3 mondial au classement de la Race, ça veut tout dire. Il est jeune, il a un très grand potentiel... donc ma tactique quand je le rencontre sera la même : bien jouer. Être agressif, ok, mais pour pour l'être, il faut bien jouer, tout simplement."

Son objectif avoué est de devenir N.1 mondial. Mais celui-ci se donne le temps d'y arriver. Avec un Roger Federer au top de sa forme et un Rafael Nadal qui lorgne sur la moindre faiblesse du Suisse, la place n'est pas prête de se libérer. S'il a battu ses deux protagonistes au cours de la saison, il devra réitérer cet exploit pour faire sa place. Tout du moins assurer sa troisième place mondiale en commençant l'année tambour battant en Australie.