Gasquet, Tsonga: apprendre

Richard Gasquet produisait son meilleur tennis avant son match face à James Blake, Jo-Wilfried Tsonga menait 5-2 dans la dernière manche face à Rafael Nadal. Et pourtant, les deux meilleurs joueurs Français du moment ont perdu, mercredi à Indian Wells, loupant du même coup une rencontre au sommet en quart de finale. Cette déception ne doit pourtant pas tourner au mélodrame. Les limites affichées par les deux joueurs sont désormais nettement identifiables et il est probable, sans faire preuve d'un optimisme excessif, qu'ils les repoussent prochainement. Richard Gasquet est victime d'angoisses complexes que son talent seul ne résoudra pas, mais qu'il pourra dominer avec le temps et plus de maturité. Jo-Wilfried Tsonga manque lui simplement d'expérience du plus haut niveau.

N.8 mondial, accueilli à Shanghai comme un grand maître en novembre dernier, demi-finaliste du Grand Chelem qui consacre les joueurs les plus doués de chaque génération, Richard Gasquet traîne encore sa peine de joueur en devenir. C'est un paradoxe parmi d'autres qui mine les fondements de la carrière, déjà époustouflante, de ce jeune homme de 21 ans. A Indian Wells, on a pu entendre les mêmes mots qui lui avait permis de décrire le désastre de son deuxième tour à Roland-Garros l'année dernière : "Très, très mauvais ! Mon attitude. Mon tennis. Cela m'arrive parfois de lâcher dans la tête. Il commence à me rentrer dedans et je panique. Je me sens mal sur le court". En bref, donc : la panique.

L'adolescence de Richard Gasquet a été court-circuitée par son passage au professionnalisme. Lui qui prenait tant de plaisir à jouer au tennis, a compris qu'il devait maintenant en faire un métier. Une décision qui n'a pas été facilitée par ses résultats sur le circuit. Quand d'autres joueurs, moins talentueux que lui, surfent sur les victoires et commencent à bâtir leur carrière, le Biterrois a douté de lui-même. Dans un contexte défavorable (pression médiatique, attente du public et des proches), il a réussi auprès d'Eric Deblicker à repartir de l'avant et construire une carrière. Cela prend du temps et cela n'exclut pas des moments difficiles comme celui vécu en Californie. Pour Gasquet, il devient plus difficile d'apprécier le tennis comme un jeu. Quand d'autres éléments extérieurs, extra-sportifs ou pas, s'immiscent, les failles apparaissent. Cela n'exclut pas non plus des exploits grandioses.

Jo-Wilfried Tsonga n'a pas ses états d'âmes. Sa lutte permanente contre son hernie discale, la remise en question d'un début de carrière prometteur, lui ont forgé un physique et un mental à toute épreuve. Jo a le recul de ceux qui ont souffert dans leur chair et l'ambition des jeunes premiers. Vice-Champion du monde juniors en 2003, il a repris sa route là où il l'avait laissé en 2004, sans faire de complexe: "Je suis déçu car je ne gagne pas mais je sais que je fais partie des meilleurs." Depuis Melbourne, il a prouvé qu'il avait le niveau pour atteindre son objectif de la saison : atteindre le top 10. Son tennis est généreux aux dépens des choix tactiques. On peut imaginer qu'il accepte des compromis à l'avenir. Sachant qu'il n'a encore jamais rencontré Roger Federer et qu'il ne jouait face à Nadal que son dixième match contre un top 10, on peut penser que son apprentissage est loin d'être terminé.

A moins d'un mois de la rencontre de Coupe Davis Etats-Unis-France, ces deux défaites ne devraient pas alerter le capitaine Guy Forget. Il aura tout le loisir d'entourer et d'aider Gasquet, son actuel N.1, qui se pose moins de question dans l'ambiance Coupe Davis. Et la victoire de Tsonga sur Mathieu à Indian Wells clarifie un peu la hiérarchie hexagonale sur dur. Si l'avenir proche du tennis français passe obligatoirement par Gasquet et Tsonga, la prochaine question sera celle de savoir lequel assumerait plus spontanément le statut de leader ?

>Qui sera le futur leader français fin 2008 ?
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