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Championne à l'image contrastée, Sharapova manquera-t-elle vraiment au tennis ?

Maxime Battistella

Mis à jour 27/02/2020 à 14:04 GMT+1

L'annonce de la retraite de Maria Sharapova à 32 ans, mercredi, est l'occasion de se pencher sur la personnalité de la championne russe. Au fil de sa carrière, elle est devenue incontestablement l'une des plus grandes stars du tennis féminin tout en restant dans sa bulle. Entre fascination et répulsion, son image en a été quelque peu brouillée.

Maria Sharapova à Melbourne en 2020

Crédit: Getty Images

Quand la nouvelle est tombée, les hommages n’ont pas tardé à pleuvoir. De Billie Jean King à Novak Djokovic, en passant par Martina Navratilova ou Magnus Norman, ils ont été nombreux mercredi à saluer, sur les réseaux sociaux ou derrière les micros, la carrière de Maria Sharapova et à louer le caractère de championne qui lui a permis notamment de décrocher cinq titres en Grand Chelem, et ce sur toutes les surfaces. Mais très peu – à quelques rares exceptions près comme l’Italien Riccardo Piatti qui l’a accompagnée sur les courts ces derniers mois – se sont hasardés à complimenter la personne derrière la joueuse.
Au fur et à mesure des années passées sur le circuit, la néo-retraitée a construit une réputation de championne aussi redoutable sur les courts qu’inaccessible en dehors. A moins qu’elle n’ait été d'abord victime de son éducation. Sous la coupe de son père Yuri Sharapov, son caractère a été forgé très tôt au sein de l’académie de tennis Bolletieri en Floride par laquelle sont passés nombre de grands noms du tennis mondial comme Andre Agassi, Jim Courier ou Monica Seles. "Je l’ai connue quand j’étais plus jeune à l'académie justement. Avec son père, elle venait un peu de nulle part. Elle passait des heures et des heures sur le court, ils l’ont programmée pour qu’elle devienne une joueuse aussi forte. Et quand elle a explosé à 17 ans, on pouvait imaginer qu’elle allait gagner d’autres titres", témoigne notre consultant et ex-joueur Paul-Henri Mathieu qui l’y a côtoyée.
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Un caractère forgé par une formation stakhanoviste

Dans sa bulle, seul comptait le tennis pour la petite Sharapova. Quand on fait le bilan chiffré de sa carrière – la Russe a été numéro 1 mondiale, a gagné 36 titres dont cinq Majeurs –, difficile de remettre en cause la méthode, mais son extrémisme n’a peut-être pas eu que des effets positifs sur la Russe. "Un souvenir m’a marqué : elle était droitière et son père avait décidé qu’elle allait jouer au tennis de la main gauche pendant six mois pour rééquilibrer son corps. Donc pendant six mois, elle avait interdiction de toucher la raquette de la main droite. Elle était programmée pour devenir professionnelle, c’était assez dingue. Elle s’entraînait à l’académie, et le soir, ils étaient dans un resort un peu à l’écart, et ils retournaient sur le court. Plus tard, c’est devenu une joueuse assez fragile physiquement. Est-ce lié au fait qu’elle a été trop sollicitée quand elle était jeune ? Peut-être, on ne le saura jamais", se rappelle encore Paul-Henri Mathieu.
Belle et talentueuse, Sharapova a très vite attiré sur elle les projecteurs, prenant en quelque sorte la succession d’une autre Russe ultra-médiatisée, Anna Kournikova. A ceci près que contrairement à son aînée, elle n'a jamais laissé cette autre vie prendre le pas sur le tennis. Une telle réussite aussi bien sportivement que dans les affaires – elle a rapidement gagné plus d’argent grâce à ses contrats publicitaires que par ses performances pourtant excellentes sur les courts – a inévitablement entraîné quelques jalousies sur le circuit. Championne respectée, elle n’a jamais rien fait pour se faire aimer. "Tout était cloisonné autour d’elle par son agent, que je connais parce qu’elle l’avait déjà quand elle était chez Bolletieri. Par rapport à ce qu’elle représentait sur le circuit, elle aurait pu être un peu plus abordable. Elle avait un côté un peu intouchable", estime notre consultant.
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Elle est peut-être très gentille dans la vie, mais ce n'est pas ce qu'elle dégageait
Sur ce plan, le contraste avec d’autres stars du jeu, comme ses homologues masculins Roger Federer ou Rafael Nadal, est saisissant. Il ne s’agit pas ici d’un jugement de valeur mais d’un constat : si son agent Tony Godsick et sa femme Mirka ont verrouillé son entourage, le Suisse est toujours considéré comme un chambreur invétéré et très à l’écoute de ses collègues sur les courts d’entraînement. Quant à l’Espagnol, difficile de trouver quelqu’un pour dire du mal de lui, tant il a été loué pour son humilité et sa bienveillance, aussi bien envers les bénévoles que les grands pontes du jeu, tout au long de sa carrière.
En ce qui concerne Sharapova, les louanges se limitent généralement à ses accomplissements. Pour le reste, c’est pour le moins mitigé, tant elle semblait vivre dans une tour d’ivoire. A ce sujet, Paul-Henri Mathieu a une autre anecdote assez révélatrice. "Nous n’étions pas de la même génération à l’académie, elle était plus jeune, mais nous y avons passé quand même trois ans ensemble. Ce n’est pas pour ça que, quand on s’est retrouvés sur le circuit, elle me disait bonjour… Mais est-ce qu’elle est comme ça ou est-ce que c’est de la timidité, de l’arrogance ? Est-ce que c’est son côté russe ? Si ça se trouve, dans la vie, elle est très gentille, mais ce n’est pas ce qu’elle dégageait."
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Maria Sharapova (RUS) grunts on a forehand to Pauline Parmentier (FRA)

Crédit: Getty Images

Décriée par ses consoeurs, son contrôle positif n'a rien arrangé

Dans les colonnes de L’Equipe ce jeudi, le Français Jérôme Bianchi, qui a été le kiné de la Russe pendant cinq ans et a donc partagé des moments privilégiés avec elle, semble confirmer cette théorie d’une personne aux deux visages. "Elle cache complètement son jeu. Elle adore rigoler, elle plaisante énormément, elle est taquine, elle adore la bouffe et elle aime vivre", note-t-il. Toujours est-il que Sharapova a toujours voulu tout contrôler pendant sa carrière et s’est éloignée de ses collègues sur le circuit. Tant et si bien qu’après avoir été contrôlée positive au meldonium lors de l’Open d’Australie 2016, elle a elle-même annoncé la nouvelle.
"Elle a été très affectée, c’est sûr. Elle ne s’y attendait pas du tout. Elle a réussi à l’accepter et elle a été courageuse parce qu’elle s’est relancée sur le circuit alors qu’elle savait qu’elle allait être jugée, critiquée. Elle aurait pu s’arrêter au moment de sa suspension", fait remarquer Paul-Henri Mathieu. Et à juste titre. Lors de son retour à la compétition grâce à une wild-card à Stuttgart en avril 2017, Sharapova n’avait pas été épargnée par Angelique Kerber qui avait considéré que "des joueuses allemandes auraient eu besoin d’invitations". Kristina Mladenovic, qui avait d’ailleurs battu la Russe en Allemagne, ne disait pas autre chose au moment où une autre éventuelle wild-card était dans les tuyaux. "Roland-Garros brillera tout autant sans Sharapova", avait-elle alors jugé.
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Une star majeure au charisme rare malgré tout

Son abandon l’an dernier au 1er tour de Wimbledon face à Pauline Parmentier alors qu’elle était menée 5-0 dans le troisième set, comme pour empêcher son adversaire de profiter de sa victoire sur le court, est finalement à l’image des relations qu’elle aura entretenues avec ses concurrentes : inexistantes et distantes. Et pourtant, il serait très hasardeux de penser que Sharapova ne manquera pas au circuit.
A chacun de ses matches, la Russe attirait les foules, un luxe dans un tennis féminin qui souffre du manque de stars identifiables pour le grand public. Il suffit pour s'en convaincre de constater à quel point son dernier duel avec Serena Williams au 1er tour de l'US Open 2019 avait fasciné. Pourtant très dominée ce soir-là (6-1, 6-1) et plus généralement dans sa rivalité avec l'Américaine, elle s’était imposée comme l’une des deux géantes du circuit, bien aidée il est vrai par son côté glamour. "C’était quand même une joueuse ultra-charismatique. Quand quelqu’un de ce calibre s’en va, forcément il y a un vide qui se crée, jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par une joueuse qui aura plus ou moins le même caractère…", conclut Paul-Henri Mathieu.
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