De Leconte à Escudé, le Top 5 des bijoux bleus en finale

Le chef d'œuvre absolu. Un moment magique, d'autant plus qu'il était improbable. Retombé au-delà de la 150e place mondiale, Henri Leconte n'a gagné qu'un match en cinq mois et se relève tout juste, y compris au sens propre, d'une hernie discale. Pete Sampras, lui, vient de remporter le Masters, rien que ça. Alors que Guy Forget déprime dans le vestiaire après avoir perdu le premier simple contre Andre Agassi, Riton est déjà survolté. "T'inquiète Guy, je vais mettre une branlée à Sampras", lâche Riton. "Oui, voilà, il va lui mettre une branlée", relance le capitaine Noah, qui ne croit qu'à moitié ce qu'il dit.

De fait, Leconte, offrant au public de Gerland un récital inégalable par sa maestria, va coller une branlée à Sampras, qui ne comprend rien à ce qui lui arrive. "Dès la première balle, je sais qu'il va en prendre une, nous avait-il confié en 2011, pour les 20 ans de son exploit. Je lui ai tout fait. La volée haute de revers que je lui sors... Ce jour-là, j'avais un sentiment d'invincibilité." Surnommé "deux balles dehors, une balle dedans" par McEnroe, Leconte ne rate rien ce jour-là. Il est dans un état second, tout en gérant à merveille l'instant. "Parfois, quand tu es survolté - et ça m'est souvent arrivé -, le truc finit par t'échapper, sans que tu t'en rendes compte. Là, je contrôlais tout, c'est ça qui était fabuleux."

Sans doute parce qu'elle était à l'autre bout du monde, et qu'elle ne portait pas en elle la dramaturgie du dimanche de 1996, cette finale de 2001, bien que plus récente, est souvent mésestimée par rapport à celles de Lyon ou Malmö. Pourtant, la performance de Nicolas Escudé dans le premier simple sur le gazon de la Rod Laver Arena reste une des plus grandes de l'histoire du tennis français en Coupe Davis. Face à lui, Lleyton Hewitt, numéro un mondial, récent vainqueur de l'US Open et du Masters.

Mené une manche à rien puis deux sets à un, le Scud finit par s'imposer en cinq sets à la surprise générale. Peut-être la plus belle victoire de toute sa carrière. Le Palois a joué ce match avec une confiance assez folle compte tenu du calibre de son adversaire et du fait qu'il n'avait quasiment pas gagné un match sur les deux derniers mois de la saison. Mais quand il se sentait bien physiquement, Escudé était capable de tout. Lleyton Hewitt l'a appris à ses dépens dans cette finale...

Le jour le plus long. Cédric Pioline, le leader de cette équipe, aurait pu (dû?) offrir la Coupe Davis à la France lors du quatrième simple, au cours duquel il a mené deux sets à rien puis 5-2 dans la dernière manche contre Tomas Enqvist. Mais Piole finit par perdre. C'est donc Arnaud Boetsch qui doit enfiler sa cape de super-héros. Face à lui, Nicklas Kulti, suppléant d'un Stefan Edberg blessé le vendredi. Transcendé par son public, il sort un très grand match.

"Kulti sortait des coups gagnants incroyables. C’était une rencontre de fous, se souvient Patrice Hagelauer. Ce match a été épique car les deux joueurs étaient perclus de crampes, surtout Arnaud qui jouait sur une jambe." Mené deux sets à un, Boetsch ne va jamais céder. A 4-4 dans le quatrième set, il sauve une balle de break en forme de balle de match, avant de s'imposer au jeu décisif (7-5). Pour la première fois, la Coupe Davis va se jouer au cinquième set du cinquième match. Il sera inoubliable.

Les deux joueurs sont physiquement à la limite de la rupture.

Kulti fait la course en tête. A 7-6, il mène 0-40 sur le service de Boestch. Le voici avec trois balles de match. Trois balles de titre. Trois balles pour changer sa carrière. L'Alsacien va toutes les sauver pour recoller à 7-7. Deux jeux plus tard, il réussit le break. Son deuxième du match seulement. Il lui faudra trois balles de match pour mettre, enfin, un terme à cette journée de folie. Une journée de furieux qui a offert dix sets et 9h13 de tennis. Et un sacré happy end pour l'équipe de France.

Dans la hiérarchie des victoires françaises en Coupe Davis dans l'ère moderne, il y a Lyon 1991 et le reste. Si Henri Leconte a été l'incontestable héros de cette rencontre, rien n'aurait été possible sans Guy Forget. Le grand gaucher connait la meilleure saison de sa carrière en 1991. Il a grimpé jusqu'à la 4e place mondiale (seul Noah a fait mieux depuis la création du classement ATP) et remporté six titres, dont deux Masters 1000 (Cincinnati et Bercy), comme on ne les appelle pas encore. Meurtri par son échec contre Andre Agassi lors du simple inaugural le vendredi, c'est lui qui va apporter le point du titre, le dimanche, face à Pete Sampras, déjà sa victime en finale à Bercy.

Si sa performance ce jour-là n'a pas l'éclat de celle de Leconte 48 heures plus tôt, elle n'en reste pas moins remarquable.

Forget livre un vrai combat, acharné, dont il aura toujours le contrôle, en dépit de la perte du deuxième set. On le voit audacieux et déterminé comme jamais. A 17h46, la balle de match, où il n'a plus qu'à pousser la balle de l'autre côté du filet après un sauvetage improbable de Sampras, sera l'image de sa carrière. "Je la joue comme un benjamin tellement le stress s'empare de moi..., rigole-t-il. Ensuite, je m'écroule, mes jambes ne peuvent plus me porter."

Nicolas Escudé aura vraiment été l'homme de cette finale 2001. Si le point du double glané par Pioline et Santoro le samedi aura pesé lourd, le numéro 2 français va boucler ce week-end comme il l'avait commencé, par une victoire. Cette fois, le contexte est radicalement différent. Face à Hewitt, il fut un challenger magnifique. Mais pour ce match 5, celui du titre, le voilà opposé à Wayne Arthurs, qui doit remplacer au dernier moment Patrick Rafter, blessé. Escudé se retrouve soudain dans la peau du favori, statut moins évident à gérer. Mais il va assumer.

Les deux premiers sets sont tendus et après plus de deux heures de jeu, les deux joueurs sont à égalité un set partout (un tie-break de chaque côté). Mais une fois le break en poche dans le troisième set, le Français prend pour de bon le contrôle de la rencontre et sur un dernier passing de revers, il offre au petit matin en France au tennis tricolore la neuvième Coupe Davis de son histoire. La dernière à ce jour. Une neuvième symphonie qui porte à tout jamais la patte du maestro Escudé.