Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Ennemi public à New York ? Tout un art !

Laurent Vergne

Mis à jour 01/09/2019 à 19:38 GMT+2

US OPEN – L'ambiance de Flushing Meadows demeure unique en son genre. C'est même là le principal élément qui distingue l'US Open des autres tournois du Grand Chelem. Pris en grippe par le public pour son comportement et ses débordements vendredi soir, Daniil Medvedev a fait son miel de cette hostilité. Être détesté n'est pas toujours un inconvénient. A New York encore moins qu'ailleurs.

Daniil Medvedev.

Crédit: Eurosport

"Cette ville donne l'énergie et elle extrait des joueurs des choses qui ne peuvent pas se produire dans les autres évènements. Des choses parfois bonnes, parfois mauvaises, mais uniques." Ainsi parlait John McEnroe dans le "Podcast Legends" d'Eurosport cette semaine, en évoquant ce qui, pour lui, constituait la principale spécificité de l'US Open par rapport aux autres membres de la fratrie majeure du tennis.
Vendredi soir, lors d'une night session brûlante sur le court Louis-Armstrong, Daniil Medvedev a appréhendé de façon concrète les propos du gaucher américain. De l'énergie, des choses parfois bonnes, parfois mauvaises... Le Russe a mis tout cela dans la balance contre Feliciano Lopez.
Par son comportement (doigt d'honneur, coup de colère après un ramasseur de balle), il s'est mis tout un stade à dos. Et si tous les publics du monde sont susceptibles de devenir excessifs, celui de Flushing Meadows a la particularité d'aimer ça. Il en a presque besoin. Avoir une tête de turc, un "ennemi public" désigné, ça a toujours été son truc.
Ivan Lendl a connu ça. Face aux deux idoles John McEnroe et plus encore Jimmy Connors, originaire de l'Illinois mais chouchou ultime de New York, Lendl a été une cible dans les années 80, la première moitié surtout. Mais il avait su utiliser cet élément en sa faveur, comme il nous l'a expliqué : "J'aimais jouer à New York et j'avais une approche très simple : si des gens me soutiennent, je dois me donner à fond parce que je ne peux pas les laisser tomber. S'ils sont tous contre moi ? Alors je vais jouer encore plus dur pour les faire ch..."
La folie du public de Flushing avec Connors
Il y a des joueurs que le public déstabilise. Et des champions qui s'appuient sur cette énergie descendue des tribunes, quelle que soit sa nature. Même si elle se veut négative à votre égard. La colère s'avère souvent destructrice. Mais, canalisée, remodelée, elle peut devenir une forme créatrice. McEnroe l'a dit cent fois, il avait besoin de se foutre en rogne sur le court pour être meilleur. Vous le siffliez pour ça ? Parfait.
Novak Djokovic, dans un style plus soft, est fait du même bois. L'hostilité lui sied bien. Qu'elle soit collective, comme en finale de Wimbledon contre Roger Federer (ou celle de l'US Open 2015, également face au Suisse), ou individuelle, à l'image de ce spectateur qui lui a suggéré de quitter le tournoi, vendredi soir, lors de sa séance d'entraînement. "Il m'a rendu un grand service", a expliqué après coup le numéro un mondial, dont la détermination se lisait sur le regard sur le Arthur-Ashe deux heures après.
Daniil Medvedev mérite peut-être de s'inscrire dans cette catégorie désormais. Après ses excès du premier set, il a vu chacune de ses fautes directes ou double faute accueillie par des réactions de joie du public du Armstrong. Mais loin de le sortir de son match, ce contexte sulfureux l'a aidé à y rester. "J'ai payé pendant tout le match les incidents du premier set, a-t-il concédé après sa victoire, mais l'ambiance était électrique. Mais j'avais besoin de cette 'mauvaise' énergie et de la transformer en énergie positive et c'est pour ça que j'ai gagné."
Bravache jusqu'au bout dans son comportement, le Russe a répondu aux huées en levant les bras après le match, avant de "remercier" la foule : "C'est votre énergie qui m'a fait gagner. Sachez-le tous, quand vous vous coucherez, que si j'ai gagné, c'est grâce à vous. Plus vous me sifflez, plus vous me donnez de l'énergie pour les prochains matches." Au-delà de la dimension provocatrice, le protégé de Gilles Cervara ne faisait que relater la stricte réalité des évènements tels qu'il venait de les vivre.
Pourquoi le nier, c'est aussi pour cela qu'on aime l'US Open. Longtemps, le Grand Chelem américain s'est démarqué par trois éléments forts de son ADN : les night sessions, le tie-break décisif au 5e set, et une ambiance hors normes, du bruit des avions avec l'aéroport La Guardia à proximité et celui d'un public prompt aux expressions excessives d'amour ou de "haine", avec tous les guillemets que le mot requiert ici.
Aujourd'hui, les sessions de nuit deviennent monnaie courante. L'Australie les a adoptées il y a un bail, Roland-Garros s'apprête à y venir. Quant au tie-break décisif, sous des formes variées, il est en place à Wimbledon et en Australie. Que reste-t-il donc à Flushing ? Sa folie. Celle de l'Australie est douce, bon enfant. Mais New York l'excessive a la folie tumultueuse, enragée. Cela ne sied pas à tout le monde. Il faut l'apprivoiser. "J'ai du apprendre à tomber amoureux de New York pour bien jouer à l'US Open", dit joliment Boris Becker.
Rarement un tournoi aura autant ressemblé à la ville qui l'héberge, même si, paradoxalement, il a davantage les atours de la grouillante Manhattan que du borough du Queens où il se niche. Alors, Flushing peut bien détester Medvedev, il est peut-être devenu un vrai new-yorkais vendredi soir. On ne l'est pas tout à fait tant qu'on n'est pas adoré ou détesté.
picture

Daniil Medvedev

Crédit: Getty Images

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité