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Gilles Simon : "En France, on te dit 'Gagne ton Grand Chelem et tu pourras l'ouvrir après'"

Laurent Vergne

Mis à jour 02/11/2020 à 13:16 GMT+1

GRAND ENTRETIEN - Dans son livre "Ce sport qui rend fou", Gilles Simon dresse un constat sans filtre du tennis français, et de son incapacité à produire un successeur à Yannick Noah chez les hommes en Grand Chelem. Tout le monde en prend pour son grade. Le Niçois dénonce surtout le cadre trop étriqué de la formation à la française et un environnement pesant pour ses principaux joueurs.

Gilles Simon en août 2019, à Montréal

Crédit: Getty Images

Dans votre livre, vous êtes très critique envers le fonctionnement du tennis français, notamment dans la formation, à travers ce que vous appelez "la quête du joueur ultime", où l'on enferme les joueurs dans un cadre précis. Comme si on voulait faire du prêt-à-porter là où il faudrait du sur-mesure pour chacun...
G.S. : Oui, c'est ce que je dénonce en partie dans le livre. Le cadre, ça doit être un outil. Un moyen. Mais quand le cadre devient une idéologie, c'est très dangereux. C'est ce que j'essaie d'expliquer. Sur le papier, on a un truc qui est censé fonctionner. Ce fameux cadre. Et on fonce dedans. Sauf que, pour certains, ça ne marche pas, alors que des choses qui n'étaient pas là sur le papier marchent.
Ce problème est-il ancré dès l'enfance ?
G.S. : Je vais vous donner un exemple. Un entraîneur veut apprendre à faire un coup droit à dix enfants. Il a en tête une idée très précise du geste qu'il veut voir. Mais les dix enfants vont tous faire un geste différent. Bien sûr, il y a des points de passage obligés. Dans la technique, certaines choses sont impératives dans l'apprentissage. Certaines sont justes, d'autres pas. Mais au sein de cette justesse, il y a une telle variété de gestes, de mouvements, de préparations, etc. qu'au final, il n'y a pas deux coups droits qui se ressemblent. C'est incroyable vu le nombre de joueurs. Et ce que je dis sur le coup droit, vous pouvez le transposer à tous les coups, au physique, au mental. Donc, oui, il faut un cadre, mais il est trop strict aujourd'hui. A l'intérieur de ce cadre, on doit pouvoir bouger, être plus libre. Ce n'est pas le cas.
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Gilles Simon - Marseille 2020

Crédit: Getty Images

Le joueur qui incarne ce cadre, dans la formation française, c'est Roger Federer. Vous parlez même du "mythe Federer". C'est le titre d'un de vos chapitres et on vous sent un peu agacé par rapport à ça. Vous écrivez "il n'est pas l'alpha et l'omega du tennis". Federer serait-il le symbole de nos maux ?
G.S. : Federer a porté ce sport toutes ces dernières années. Avant, il était le plus grand parce qu'il avait tous les records. Même quand ses records commencent à tomber, les gens disent "oui mais c'est quand même lui le plus grand." Mais moi, je suis dans une autre logique, celle du tennis français, et j'essaie de comprendre pourquoi on n'y arrive pas.
Et c'est en partie à cause de Federer ?
G.S. : Pour être clair, je n'ai jamais dit que c'était lui le problème. A aucun moment. Federer, c'est le joueur qui a fait le plus de bien au tennis. Je l'ai écrit. Malheureusement, mais malheureusement pour nous, pas pour lui, il correspond à ce que nous avons défini comme le joueur ultime et au cadre idéal et idéologique que j'évoque. C'est en ce sens que je dis que ça nous ferait presque du bien que ses records tombent, pour qu'un gamin puisse dire "moi, je me sens plus proche de Novak ou de Rafa et je veux jouer comme eux."
Mais les problèmes du tennis français sont plus anciens que cet idéal Federer, vous le dites vous-même...
G.S. : C'est ça qui est terrible. On avait mis en place ce fameux moule dans lequel on veut faire entrer tout le monde, où on dit aux gamins "il faut être comme ci et jouer comme ça". Un idéal, une utopie. Et il se trouve qu'un joueur vient valider ce modèle, idéologiquement. Et il le valide puissance mille. Donc l'existence de Federer vient prouver que ce cadre de base n'est pas faux. Sauf qu'il est terriblement limité et limitant car personne ou presque ne peut entrer dedans. N'est pas Federer qui veut. Il n'y en a qu'un comme lui. D'ailleurs, qui d'autre essaie de jouer comme Federer aujourd'hui ? Peut-être un Shapovalov, qui essaie d'avancer autant que lui. Mais chez nous, on explique que tout le monde doit suivre cette voie.
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Roger Federer et Gilles Simon

Crédit: Getty Images

Le mieux serait l'ennemi du bien, en quelque sorte...
G.S. : Pourquoi vouloir absolument former le prochain Federer ? Parce qu'il est beau à voir ? Parce qu'il a la classe ? OK, mais moi je m'intéresse à la performance, je me fous du marketing. Si tu as un gamin, et qu'il n'a pas du tout le jeu de Federer, il faut le faire progresser quand même. Et qui sait, peut-être qu'il pourra gagner un Grand Chelem sans jouer comme Federer. D'autres y arrivent bien... Certains gamins ont ça. Un Jo (Tsonga), tu lui dis d'avancer, il le fait. Tu n'avais pas besoin de lui dire d'avancer de toute façon. Mais un Gaël (Monfils), si tu lui dis "pour être fort, il faut que tu joues comme Roger", ça ne marche pas. Si Gaël fait ça, il est 100e mondial. Parce que ce n'est pas son jeu, sa personnalité, sa façon d'être bien et fort. C'est ce que j'essaie d'expliquer dans le livre. Il faut plus de souplesse dans ce fameux cadre.
Le paradoxe, c'est que si on prend votre génération, vous, Tsonga, Gasquet et Monfils présentez des profils radicalement différents. Pourtant, vous avez percé au très haut niveau, vous avez tous figuré entre la 5e et la 7e place mondiale. On peut y voir une certaine forme d'optimisme, non ?
G.S. : Oui, sauf que nous n'avons pas gagné de tournois du Grand Chelem.
Et ça, c'est à cause de ce fameux cadre ?
G.S. : Il y a le cadre, et il y a l'environnement, le discours, dont je parle aussi beaucoup dans le livre. Il explique en partie la différence entre les deux, trois premiers et le 5e ou le 6e. Quand Jo est en demi-finale ou en finale de Grand Chelem en ayant battu un Federer, un Nadal ou un Djokovic, la différence entre celui qui va au bout et celui qui perd en demie, n'est pas une question de niveau de tennis pur. Oui, il est un peu moins fort. Quand il y a vingt Grands Chelems en face et zéro de l'autre, il y a une différence. Mais ce n'est pas elle qui suffit à tout expliquer.
La toute-puissance du "Big 3" est pourtant un argument souvent avancé pour "défendre" votre génération quant à son incapacité d'aller au bout en Grand Chelem...
G.S. : Des joueurs français capables de gagner un Grand Chelem, depuis trente, quarante ou cinquante ans, il y en a eu. Et on en a gagné un seul. Alors, on nous dit, Federer, Nadal, Djoko, c'est beaucoup plus fort. OK. Et Cilic ? Une victoire et deux autres finales en Grand Chelem. C'est beaucoup plus fort Cilic ? On n'a pas eu des Cilic chez nous ? Cilic, ce serait le meilleur palmarès du tennis français, et de loin.
Et selon vous, le problème vient de l'environnement global du tennis français ?
G.S. : Cilic, il avait la conviction qu'il pouvait gagner un Grand Chelem. Il avait ça en lui. Mais pour faire les choses avec conviction, il faut être en accord avec soi-même à 100% au moment de chaque décision, de chaque frappe. Il y a, chez nous, un décalage permanent entre ce qu'on ressent profondément au fond de nous, cette conviction, et ce qu'on peut nous dire, nous suggérer, ou ce qu'on peut entendre. Et ça va des instances fédérales aux médias, les gens dans les clubs, nos parents quand on était gosses. C'est très large. Mais ce décalage existe. Et on en revient aussi au cadre. Moi, je ressens que, pour gagner un Grand Chelem, je dois faire ça et ça. Ah oui mais on m'a toujours dit qu'il fallait faire comme ci et pas comme ça. Et tout ça finit par peser.
Vous pointez également l'ambiguïté, dans la façon dont vous, joueurs français, pouvaient être perçus, entre l'ambition et l'arrogance. Afficher l'une, c'est être taxé de l'autre...
G.S. : C'est un problème culturel, sociétal. Le rapport à l'échec ou à la réussite, en France, n'est pas le même que ce qu'il peut être aux Etats-Unis ou dans d'autres pays du monde. Chez nous, tu as l'impression que pour avoir le droit de dire "je veux gagner un Grand Chelem", il faudrait déjà l'avoir gagné. C'est le serpent qui se mord la queue. La contradiction, c'est que, si tu veux gagner un Grand Chelem, il faut vraiment en avoir la conviction profonde, être sûr que tu as ça en toi. Ce n'est pas possible sinon. Or si tu as cette conviction, pourquoi ne pas avoir le droit de le dire ? Si tu n'oses pas le dire, c'est que tu as un frein. Et chez nous, parce qu'on sait qu'on va en prendre plein la gueule, on a une réticence à afficher ça. Alors on tombe dans la langue de bois.
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Gasquet, Mahut, Tsonga, Simon à côté de Clément - Coupe Davis 2015

Crédit: AFP

Vous évoquez les médias. Ils en prennent aussi pour leur grade dans votre livre. La langue de bois dont vous parlez, ce sont les médias qui l'imposent ?
G.S. : Tout le monde se protège. Même Nadal, à Roland-Garros, s'il joue le 800e mondial, il ne va pas arriver en disant "je vais l'éclater". Il a gagné 13 fois Roland, on n'a jamais vu un joueur aussi dominant sur une surface dans l'histoire du tennis, et même lui sait qu'il ne peut pas se permettre de dire "je suis confiant, je ne me vois pas perdre contre le 800e ici". Si lui ne peut pas le faire, on comprend vite que c'est impossible pour tout le monde. Donc on est dans une espèce de jeu où il ne faut surtout pas afficher son ambition. Le paradoxe, un de plus, c'est que vous, médias, nous dites : "Ces confs, ça ne sert à rien, les joueurs ne font que de la langue de bois."
Certains ont pourtant osé le faire parfois. Avant l'Open d'Australie 2012, alors qu'il est 5e mondial, Tsonga affirmait par exemple dans une interview qu'il se fixait pour objectif de devenir numéro un. Au fond, c'est le contraire qui aurait été anormal...
G.S. : Oui ! C'est ça qui est dingue. Sauf que, quand il le dit, il se fait fracasser. Aux Etats-Unis, un mec, en entendant ça, lui aurait dit "fabuleux, je te donne tant pour te sponsoriser, je crois en toi." Chez nous, il a le boulard. Gagne ton Grand Chelem et tu pourras l'ouvrir après. Mais est-ce que je peux gagner si je n'ai même pas le droit de simplement énoncer le fait que j'ai envie de gagner un Grand Chelem ? Encore une fois, en France, la victoire n'est autorisée que quand elle a déjà eu lieu. Au fond, la question que je me pose c'est : quand il en prend plein la gueule parce qu'il a osé dire qu'il voyait grand, quel est l'impact sur un Jo quand il retourne en demi-finale d'un Grand Chelem et qu'il s'approche de cet objectif ? Est-ce qu'il y pense, est-ce que ça le freine, même un peu, même inconsciemment ?
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Monfils, Gasquet, Tsonga et Simon. (Quentin Guichard)

Crédit: Eurosport

Mais est-ce vraiment un problème franco-français ?
G.S. : Disons que nous, on nous met beaucoup de choses dans la tête. Ça vaut pour une demie ou une finale en Grand Chelem. Mais aussi ton premier match en Coupe Davis. Ta première finale sur le circuit. Il y a un paquet de verrous à faire sauter, peut-être plus qu'ailleurs. Alors que personne ne se demande jamais ce que ressent le joueur. Quand tu grandis avec l'idée que, pour ton premier match, ta première finale, tes débuts en Coupe Davis, tu auras peur, quand tu es confronté à l'évènement, devine ce qu'il se passe : tu as peur. Or le gros souci, c'est que cette peur, on nous explique aussi dès l'enfance que c'est très mal de la ressentir. En gros, on a un double message : tu vas avoir peur, mais il ne faut surtout pas avoir peur !
D'autant que la peur, le stress, sont des sentiments normaux dans une carrière. La capacité ou non de la dompter est déterminante. Si on prend la finale du dernier US Open, Thiem et Zverev sont tétanisés à tour de rôle. Pourtant, ils ne sont pas Français...
G.S. : Oui, il est normal d'avoir peur. C'est juste normal. Tout le monde a peur un moment ou un autre. Même Federer, Djokovic et Nadal. Mais parce que, depuis dix-quinze ans, ils sont capables de jouer à des niveaux hallucinants dans des moments d'extrême-tension, on a l'impression que c'est normal. On a fini par partir du principe que c'était une normalité. Or, la normalité, c'est d'avoir peur, comme Thiem et Zverev à l'US. On a tous peur. J'en ai parlé pas plus tard que la semaine dernière avec Félix Auger-Aliassime, parce qu'il se pose beaucoup de questions.
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Lui aussi fait face à cette peur ?
G.S. : Il est jeune, il a battu des records de précocité depuis deux-trois ans alors on pense qu'il n'a peur de rien. Mais il a peur de tout. Il est comme tout le monde. Et pourtant, il est fort, Félix. Mais il se pose plein de questions. Alors je lui dis "vas-y, pose-les-toi, et réponds-y". Nous, malheureusement, quand on était jeunes et qu'on disait "j'ai peur", on nous répondait "t'es un mouilleur, tu n'y arriveras jamais." C'était ça la réponse. Alors tu ne dis rien. Tu gardes ça en toi. Et si tu ne peux jamais affronter ce problème, tu ne travailles pas dessus et tu seras en décalage constant.
La peur, c'est la poussière qu'on met sous le tapis pour ne pas la voir, en quelque sorte...
G.S. : C'est ça. Je veux juste encourager les gens, au sens large, les entraîneurs, les parents, à en parler. Votre gamin, votre joueur, quand il a peur, au lieu de considérer que c'est un raté, dites-vous juste que c'est normal. Tout va bien. Il faut juste travailler dessus. Alors évidemment s'il a peur de tout, ça devient un problème. Mais c'est normal d'avancer vite sur certaines choses et de bloquer sur d'autres. Si la seule réponse c'est "il bloque, il est nul, il n'y arrivera jamais", vous pouvez être sûr qu'il n'y arrivera jamais. Vous aurez raison.
Vous évoquez justement dans le livre le cas de Stan Wawrinka qui, après sa victoire à l'US Open en 2016, avait parlé de la peur qu'il avait ressenti le jour même, jusqu'à en être malade. Pourtant, il avait déjà gagné deux Grands Chelems...
G.S. : Stan, c'est un très bon exemple. C'est un très grand joueur. Il a gagné trois tournois du Grand Chelem sur trois surfaces différentes. Mais il a des trous. Il va faire des premiers tours, des non-matches parfois. Puis quand il joue bien, il est capable de jouer à un niveau hallucinant, jusqu'à battre les trois monstres. Mais il a un côté beaucoup plus humain. Qu'il puisse dire que cinq minutes avant d'affronter Djokovic en finale de l'US Open, il pleurait dans le vestiaire mais qu'il a réussi à dominer sa peur, ça fait du bien. Il aurait très bien pu dire ce qu'il voulait après sa victoire. Rien ne l'obligeait à se livrer là-dessus. Il aurait pu dire "je savais que j'allais le fracasser". Cette sincérité est précieuse.
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Stan Wawrinka, vainqueur de l'US Open 2016

Crédit: AFP

Vous soulevez beaucoup de débats. L'étape logique après la réflexion, c'est l'action. Tout le monde est persuadé que vous feriez un excellent consultant ou un très bon coach. Mais c'est presque un programme politique vous esquissez ici. Vous allez finir président de la FFT ?
G.S. : Alors, président de fédé, sûrement pas. Moi, je ne fais pas de politique. Je fais du terrain. Je veux agir. C'est pour ça que je mets aussi une grosse limite au rôle de consultant. Là, on n'est plus dans l'action. Quand on est consultant, on passe dans le commentaire, éventuellement l'explication et la pédagogie pour les gens, mais on n'est plus du tout dans l'action. Il y a une grosse déconnexion. Pour la plupart, ils ont oublié comment ils étaient sur un terrain. Peut-être qu'à force de commenter Novak, Rafa et Roger toute la journée, pour eux, c'est devenu la norme et qu'en-dessous, les autres sont nuls. Mais ils ont oublié ce qu'ils faisaient sur un court. Ils étaient loin de jouer comme Novak, Roger ou Rafa. Eux non plus ne les ont pas gagnés, les Grands Chelems. Donc non, consultant, ce ne serait pas mon premier choix non plus.
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Vous allez donc entraîner ?
G.S. : J'adore mon sport. Le tennis, le haut niveau. Ce qui m'a fait de plus en plus mal, année après année, c'est de voir les jeunes arriver dans le même discours. J'ai écrit ce livre parce que, tous les deux ou trois ans, je voyais des jeunes se pointer à Roland et tomber dans les mêmes pièges, parce qu'ils sont enfermés dans ce système. Ils perdent un temps colossal. Au début, je me disais "je suis joueur aussi, je vais les laisser galérer, je n'ai aucun intérêt à les aider pour qu'ils me battent". Mais à mon âge... Je veux toujours gagner quand je joue mais j'ai besoin d'autre chose. Peut-être que je m'attendris aussi, je ne sais pas (rires). Alors j'ai envie d'aider.
Vous avez manifestement envie d'être dans la transmission. Mais plutôt au haut niveau, ou en allant à la base, puisque le problème se situe là ?
G.S. : Aujourd'hui, je parle beaucoup avec quelqu'un comme Ugo Humbert, par exemple. Je discute avec Félix, comme je le disais. Mais j'aime bien aussi être à Roland. Là, on voit plein de jeunes qui jouent bien. Je ne pense pas que le problème soit à 10, 12 ans. A cet âge-là, ils n'arrivent pas toujours à répondre à ces questions-là. Mais il y a un travail à faire quand on arrive à 14, 16 ans. Le titre du livre, "Ce sport qui rend fou", je ne l'ai pas choisi par hasard. Tout le monde ressent ça. On devient tous dingues sur un court. Je vois des vieux qui s'insultent dans les clubs, des gamins qui pètent des raquettes, des pros, pareil. A tout âge, ce sport rend dingue. Parce qu'il est dur, qu'on rate beaucoup, qu'on doute beaucoup. Le mythe du joueur qui ne rate rien, qui n'a pas d'état d'âme, il faut l'oublier, ça n'existe pas.
Etes-vous quand même optimiste sur la capacité du tennis français à s'affranchir de ce mal ? Votre livre ne respire pas l'optimisme...
G.S. : Mon livre ne respire pas l'optimisme, non. Ce qui pourrait faire sauter un verrou, c'est qu'un Français gagne un Grand Chelem. Mais si ça arrive, le discours que tiendra ce joueur sera très, très important. Quelle histoire il va nous servir ? Est-ce qu'il cassera le mythe du joueur qui n'a peur de rien, comme Stan a pu le faire, ou est-ce qu'il va nous dire : "j'ai été un guerrier, je n'ai jamais douté, je savais que j'allais gagner, blablabla", auquel cas il continuera d'entretenir la légende. Et tous les jeunes qui feront face au doute derrière penseront que ce doute est anormal. Celui qui gagne raconte ce qu'il veut. Et quand la victoire est rare, comme chez nous, le jour où elle arrivera, ces paroles auront une grande importance.
Gilles Simon - Ce sport qui rend fou - Editions Flammarion
Gilles Simon - Ce sport qui rend fou
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