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Le charme discret (mais précieux) du mois de février

Laurent Vergne

Mis à jour 25/02/2019 à 16:58 GMT+1

Radu Albot. Laslo Djere. Felix Auger-Aliassime. Belinda Bencic. Brendan Schnur. Ignacio Londero. Autant de noms que le mois de février, le plus creux du calendrier tennistique sur le papier, a mis en lumière. Avant le retour des tournois blockbusters et des méga-vedettes du circuit, profitons-en.

Montage Radu Albot - Belinda Bencic - Laslo Djere

Crédit: Getty Images

Drôle de mois, février, dans le monde du tennis. Pour un peu, on se demanderait à quoi il sert. Des onze mois du calendrier tennistique (laissons décembre, consacré au repos et/ou à la préparation), il est le seul à ne proposer ni tournoi du Grand Chelem ni Masters 1000. Pour qui n'est pas un dingue absolu de la petite balle jaune, c'est donc le moment idéal pour, tel un Novak Djokovic, s'éloigner un peu, s'offrir une impasse et activer le mode repos avant de s'y remettre à Indian Wells. Tentation compréhensible, mais ce serait dommage. Pour vous, pas pour Djokovic.
C'est justement parce qu'il s'éloigne des hautes sphères du pouvoir, qu'il délaisse les plus grandes scènes et ses plus grandes stars que ce mois de février possède un intérêt propre. Comme au cinéma, on peut admirer les plus grandes vedettes, guetter la sortie de leur prochain film, tout en accordant intérêt et affection aux seconds rôles, voire aux personnages plus discrets encore. Or février, c'est souvent un casting improbable, joyeusement foutraque. On se croirait chez Mocky. Ce n'est pas Hitchcock, Kubrick... ou Bunuel. Mais ça a son charme Mocky, et ça ne ressemble à rien d'autre.
Prenez ces trois dernières semaines. Des retours de vieilles têtes connues et qu'il fait bon revoir. Monfils. Wawrinka. Des découvertes, partielles ou totales. Quatre vainqueurs inédits sur le circuit ATP. Avec des profils et des histoires diverses. Opelka. Londero. Djere. Albot. Une éclosion, celle de Felix Auger-Aliassime. On a vu beaucoup de larmes, aussi. Celles d'un Brayden Schnur par exemple, Canadien de 23 ans, finalistes malheureux et pourtant si heureux à New York il y a huit jours.
La dernière semaine a même été un concentré de ce que février peut offrir de mieux. Quatre histoires à vous faire aimer le tennis. Elles devraient, en tout cas.

Belinda Bencic

Commençons par elle. Une jeune fille prometteuse, dans le Top 10 alors qu'elle était à peine majeure. Puis la galère. Les blessures. Les doutes. Il y a deux mois, la Suissesse gagnait déjà à Dubaï. Un ITF de 100 000 dollars. La semaine dernière, elle a remis ça au même endroit. Mais dans un Premier 5 (un 500, si vous préférez). En sortant quatre joueuses du Top 10. Quatre fois en trois sets. En sauvant six balles de match contre Sabalenka. En revenant de 3-5 au troisième contre Svitolina. Si cette histoire de résilience ne vous chatouille pas le palpitant, je ne peux rien faire pour vous.

Felix Auger-Aliassime

Lui, c'est le prodige. Mot pratique, qui veut à la fois tout et rien dire. Mais c'est celui qui venait à l'esprit si, comme moi, vous l'avez découvert à Roland-Garros, il y a bientôt trois ans, chez les Juniors. Toute la semaine, il m'avait bluffé et malgré sa défaite en finale, il y avait une forme d'évidence : sa maturité physique et tennistique l'inviterait tôt ou tard, plutôt tôt que tard, aux étages supérieurs. Quand il avait 15 ans, personne ne pouvait dire ce que serait sa carrière. C'est toujours aussi difficile aujourd'hui mais la promesse est plus vive que jamais.

Laslo Djere

Le vainqueur de Felix Auger-Aliassime en finale à Rio. Un visage que beaucoup ont découvert cette semaine. Un bon joueur de terre. Un Serbe, avec tout ce que cela implique d'ombre à supporter. Parce que Djokovic. Il y a ce que le joueur accomplit, et ce que l'homme traine derrière lui : la mort de ses deux parents, sa mère il y a sept ans, son père il y a deux mois. Il n'a que 23 ans et leur a dédié sa victoire. Emotion d’autant plus forte qu’elle fut contenue. Rio en aurait chialé. Qui aurait connu l'histoire de Laslo Djere sans cette semaine, ce titre, et ce discours final ?
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Sept ans après sa mère, Djere a perdu son père il y a deux mois : il leur a rendu hommage à Rio

Radu Albot

Peut-être mon histoire préférée. Si, pour vous, le tennis se résume à Nadal, Djokovic ou Federer, ce nom-là ne vous dit probablement rien. Mais, même pour le fan lambda, celui qui suit d'assez près les affaires de ce sport, Albot, c'est le plus souvent, au mieux, un nom qu'on aperçoit dans les tableaux de temps à autre. C'est aussi un type venu de Moldavie, qui s'est mis au tennis à huit ans, à la fin des années 90, parce que son père trouvait ce sport bien sympa à la télé. Un type qui passera le cap de la trentaine cette année et qui, sans être un miséreux du circuit, n'est pas exactement un millionnaire. Son pic de gains en carrière (et de loin), est de 575 000 dollars, l'an dernier.
Dimanche, Albot a décroché son premier titre, au bout d'une finale infernale dans la moiteur floridienne de Delray Beach. 7-6 au troisième contre Dan Evans. Trois balles de match sauvées. En quart, demie et finale, il avait perdu le premier set. Résilience, là encore. Il est fier d'être le premier Moldave titré. J'ai beaucoup aimé son discours dimanche soir. "J'ai eu beaucoup de rêves dans ma carrière, a-t-il dit, avant d'énumérer : intégrer les 500 premiers, puis les 300, puis les 150, puis le Top 100. Maintenant, je suis presque dans les 50 premiers." Des rêves simples, mais pas méprisables. Il prend sa petite part de gloire. Et c'est très bien ainsi. C'est son Grand Chelem à lui. Son Everest.
Le palmarès d'un Radu Albot ou d'un Laslo Djere ne pèse évidemment rien face à ceux d'un Novak Djokovic, d'un Roger Federer ou d'un Rafael Nadal. Il ne s'agit pas de les (sur)vendre pour ce qu'ils ne sont pas, mais de s'y intéresser pour ce qu'ils sont : des joueurs qui triment, pas moins et souvent plus que d'autres, et savent aussi jouer au tennis. Pas trop mal, même. Cette admiration-là nécessite un peu d'efforts, mais elle vaut aussi le détour.
Les prochains mois se chargeront, peut-être, de les ramener dans l'ombre. Encore que ce qu'ils viennent de vivre peur contribuer à les transformer. Mais c'est bon de les voir, tous, prendre un peu la lumière. C'est tout le charme du tennis en février. Ce charme-là est discret, convenons-en. Mais il reste précieux.
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Daniel Evans et Radu Albot après la finale du tournoi de Delray Beach

Crédit: Getty Images

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