Madrid Vintage - 2015, la victoire de la comète Nick Kyrgios contre Roger Federer
ParCyril Morin
Mis à jour 07/05/2020 à 11:31 GMT+2
Le 6 mai 2015, le jeune Nick Kyrgios parvenait à vaincre Roger Federer à Madrid au terme d’un match épique, rempli de points ahurissants de maîtrise technique. Le tout assorti d’une sortie du Suisse envers l’arbitre qui fera réagir. Un teaser magnifique du talent de l’Australien qui ne confirmera pas dans les hauteurs attendues.
Après Indian Wells, Miami et Monte-Carlo, revivez tout au long de la semaine les moments forts de l’histoire du tournoi de Madrid, qui aurai dû se tenir du 4 au 10 mai.
Si l’on devait résumer la carrière de Nick Kyrgios à travers un clip, on aurait beaucoup de mal à sélectionner les séquences adéquates. L’Australien est aussi facétieux que talentueux. Alors, au moment de choisir ses "hotshots", les candidats seraient nombreux. Sûrement plus que les rares titres que l’Aussie a su accrocher à son palmarès (6). Ainsi va la vie tennistique de Kyrgios.
Mais avant de devenir l’irrégulier de service, Kyrgios a été une promesse. L’une des plus belles du circuit. Nanti d’une jolie réputation en Australie, le natif de Canberra signe à Wimbledon en 2014 son acte de naissance. Une deuxième semaine en Grand Chelem à moins de 20 ans mais surtout une victoire de prestige face à Rafael Nadal en 8e de finale. Le tout avec une simple wild-card au départ.
Forcément, le monde du tennis bruisse du nouveau venu, excentrique, talentueux et déjà provocateur. L’année 2015 doit être celle de la confirmation. Son nouveau quart de finale en Majeur, à Melbourne, l’installe un peu plus comme la pépite à polir du circuit. Alors qu’il est attendu de pied ferme sur gazon, eu égard à son style de jeu, c’est pourtant sur terre qu’il s’offre sa première finale en carrière, à Estoril, face à un certain Richard Gasquet.
Duel de virtuoses
Alors 35e mondial, Kyrgios arrive dans la "Caja Magica" le vent dans le dos. Roger Federer, lui, sort bien d’un titre à Istanbul mais a quitté Monte-Carlo dès les 8es de finale après une défaite contre Gaël Monfils. Dans la capitale espagnole, il serait bien inspiré de se rassurer avant Roland-Garros. Mais le duel entre Kyrgios et le "Maestro", déséquilibré sur le papier, va vite tourner au combat épique.
Techniquement, les deux hommes offrent des points ahurissants, entre volées délicates et amorties rétro exceptionnelles. Les deux esthètes ont accordé leur violons. Mais Kyrgios a une arme de destruction massive qu’il saura utiliser à la perfection : un service de feu.
Sa première balle monstrueuse (21 aces, 78% de points gagnés derrière) lui permet de contrôler les débats face au Suisse, étrangement dépassé par la mise en jeu de l’Australien. "Ça a été une performance horrible au retour de service, expliquera-t-il d’ailleurs. Au fur et à mesure que le match progressait, c'est devenu tellement mauvais que je ne pouvais tout simplement pas me placer en bonne position pour les retours, et j'ai eu de la difficulté à trouver mon rythme".
Pourtant, lorsqu’il parvient à boucler le premier set à l’expérience, on pense Federer tranquille pour son entrée en lice. Mais Kyrgios ne retient plus ses coups et pousse encore la tête de série numéro 1 au tie-break dans la deuxième manche. Le début de jeu décisif calamiteux de l’Helvète achève de convaincre le jeune Australien de sa chance dans ce match.
"On a besoin d’un clown pour ce cirque"
C’est d’ailleurs au cours de ce tie-break raté dans les grandes largeurs que Federer lâchera une phrase qui fera parler, encore des années après. En face, Kyrgios a déjà la panoplie du joueur qui exaspère : commentaires après ses coups ratés, destruction de raquette et avertissement de la part de l’arbitre.
Mohamed Lahyani, qui officie ce 6 mai, finira aussi dans le viseur de Federer. Au changement de côté, après une série de jugements qu’il estime en sa défaveur, la star suisse, exaspérée par la tournure des évènements, s'agace : "On a besoin d’un clown pour ce cirque".
Après coup, le numéro deux mondial reviendra sur ses mots : "Il y a eu beaucoup de mauvaises décisions arbitrales, estimera-t-il. J’ai dit ça car la seule chose qu’il manquait, c’était un clown tellement c’était le bazar sur le court". L’Australien, lui, vit parfaitement la situation. Un gros service, encore un, lui permet de recoller à un set partout.
La suite ? Une dernière manche au couteau où les breaks sont inexistants et les points parfois sublimes. A cet égard, le tie-break décisif est un bijou de tension dont on ne se lasse pas. Le Bâlois écartera cinq balles de match. Il en ratera une, également. C’est finalement sur un coup droit mal cadré, symbole d’un Federer pas dans ses baskets, qu’il permet à Kyrgios de s’offrir ce premier duel, sa seule victoire en carrière contre la légende suisse (6-7[1], 7-6[5], 7-6[12], en 2h39).
Annonciateur du goût de Kyrgios pour les grosses affiches
"Pour moi, c’est le plus grand de tous les temps, expliquera le jeune Kyrgios après sa victoire retentissante. Avant le match, je savais que je devais jouer le meilleur match de ma vie mais je n’ai jamais été intimidé". Une caractéristique que le Suisse avait lui-même perçu immédiatement.
"Il aime les gros matches, expliquait alors Federer. Il n’a rien à perdre, ne craint rien et a un super jeu. Il peut tellement s’appuyer sur son service. Cela lui permet de rester dans le match quel que soit son niveau en fond de court". Un pronostic qu’il convient de saluer tant Kyrgios semble être un de ceux que les duels face aux monstres du circuit stimulent. D’ailleurs, au tour d’après, c’est presque dans le silence général qu’il déposera les armes face à John Isner dans un match clairement moins sexy. Cinq ans plus tard, il est l’un des rares à avoir un bilan positif contre Djokovic (2 victoires à 0) et presque équilibré face à Nadal (3 victoires contre 5 défaites).
Voilà ce qu’il reste de la promesse Kyrgios. S’il sait prendre feu sur certaines séquences, l’actuel 40e mondial s’est perdu dans un personnage controversé mais n’a surtout jamais su acquérir la régularité nécessaire pour devenir un joueur majeur du circuit. Un sentiment de gâchis tant les promesses entrevues entre 2014 et 2015 (quarts à Wimbledon et Melbourne) n’auront aucun lendemain (il n’a jamais atteint ce stade en Grand Chelem depuis).
Pour Federer, la suite ne sera pas beaucoup plus réjouissante. Porte d’Auteuil, quelques semaines plus tard, il cédera pour la première fois en Majeur contre son ami Stanislas Wawrinka, en pleine montée en puissance vers le titre. Derrière, on ne reverra plus la star suisse à Roland-Garros avant 2019 et son retour en fanfare. Idem pour le Masters madrilène qui devra attendre quatre ans avant de le voir à nouveau fouler sa terre battue.
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