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Madrid Vintage : Nadal-Djokovic 2009 ou les prémices de l’ère des mutants

Maxime Battistella

Mis à jour 04/05/2020 à 20:16 GMT+2

MADRID VINTAGE - Pour donner de l’âme et un relief à une rivalité, certains matches comptent plus que d’autres. Dans la capitale espagnole voici onze ans, pour la première édition de ce Masters 1000 terrien, Rafael Nadal et Novak Djokovic ont forgé la leur au cours d’une demi-finale titanesque. A la clé, une victoire en trompe-l’œil pour l’un et un rendez-vous pris par l’autre.

Novak Djokovic contre Rafael Nadal en 2009 à Madrid - Série Madrid Vintage

Crédit: Eurosport

Après Indian Wells, Miami et Monte-Carlo, revivez tout au long de la semaine les moments forts de l’histoire du tournoi de Madrid, qui aurai dû se tenir du 4 au 10 mai.
C’est l’acte fondateur de ce qui allait devenir la rivalité principale des années 2010. Au moment de se retrouver en demi-finale dans une Caja Magica flambant neuve, théâtre du tout nouveau Masters 1000 de Madrid sur terre battue - le tournoi existait sur dur indoor depuis 2002 et se jouait à l’automne - Rafael Nadal et Novak Djokovic ne se doutaient pas qu’ils allaient lui donner le plus beau baptême qui soit. Le samedi 16 mai 2009, l’Espagnol et le Serbe ont livré une bataille si féroce qu’il leur a fallu 4h02 pour se départager (3-6, 7-6(5), 7-6(9)), un record pour un match au meilleur des trois sets (avec tie-break dans le troisième).
Avant ce désormais fameux combat, les deux hommes se connaissaient déjà fort bien puisqu’ils avaient déjà joué à 17 reprises l’un contre l’autre. Mais le moins que l’on puisse, c’est que la balance était déséquilibrée entre eux : le "Taureau de Manacor" dominait largement le bilan des face-à-face 13-4 et restait même sur quatre victoires d’affilée. Onze ans plus tard, le "Djoker" a pris les commandes dans leur histoire commune (29-26) et, s’il a véritablement entamé sa folle remontée en 2011, c’est sans aucun doute bien sur la terre battue madrilène deux ans plus tôt qu’un déclic s’est produit.
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Rafael Nadal à Madrid en 2009

Crédit: Getty Images

Nadal-Djokovic, la rengaine du printemps 2009

Car au printemps 2009, Djokovic prend la place de Roger Federer comme adversaire principal sur ocre. A Monte-Carlo, il est ainsi devenu le premier joueur depuis le Suisse en 2006 à oser prendre un set à l’indétrônable Rafa en finale. Puis à Rome, il se permet même de renverser Federer dans le dernier carré (4-6, 6-3, 6-3), avant de tomber encore sur un os nommé... Nadal. Bien installé depuis presque deux ans sans discontinuer sur la troisième marche du podium derrière les deux géants, il veut aller plus haut.
Mais c’est bien son adversaire espagnol qui tient fermement les rênes du circuit. Le début de saison de Nadal est d’ailleurs presque parfait avec quatre titres en Australie, à Indian Wells, Monte-Carlo et Rome. Numéro 1 mondial depuis l’été 2008, il est plus qu’à la hauteur de ce nouveau statut et aborde cette demi-finale madrilène avec une confiance au zénith. De quoi manger tout cru devant son public un Djokovic probablement marqué par ses défaites des précédentes semaines. Et pourtant, un silence respectueux s’installe d’abord dans la Caja Magica.
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Novak Djokovic à Madrid en 2009

Crédit: Getty Images

Vu la situation, je me débrouillais très bien sur le court. Rafa avait le soutien de 15 000 personnes
A la fois subjugué par le niveau de Djokovic et interloqué par la tension qui habite son héros, le public madrilène assiste à un début de match à sens unique. Mais pas vraiment à celui auquel il s’attendait. D’une affreuse double faute - il a frappé sa seconde balle avec le cadre de sa raquette - Nadal offre un break d’entrée à son adversaire qui n’en demandait pas tant. Le Serbe prend vite confiance et asphyxie le Majorquin grâce à sa longueur de balle. Chaque jeu de service est un combat pour le numéro 1 mondial qui finit par concéder le premier set 6-3 en 50 minutes, mais le score aurait pu (dû ?) être plus sévère.
Tactiquement, Djokovic maîtrise totalement les événements. Grâce à sa capacité à changer de direction facilement à l’échange, il fait voyager son adversaire d’un bout à l’autre du court. Planté sur sa ligne, il distribue, son revers à deux mains, prenant régulièrement l’ascendant dans la diagonale face au célèbre coup droit-lasso de Nadal. Surtout, le contexte hostile et les rugissements du public à chaque point marqué par son adversaire ne semblent pas l’affecter. "C’était un des meilleurs matches de ma carrière à l’époque, surtout sur cette surface. Vu la situation, je me débrouillais très bien sur le court. Rafa avait le soutien de 15000 personnes", se remémorera-t-il deux ans plus tard avant de prendre sa revanche, cette fois en finale.
Dominé, Nadal s’accroche comme il peut dans le deuxième acte. Il écarte une nouvelle occasion de break à 1-1, puis deux autres à 4-4 et une dernière à 5-5 grâce à l’efficacité… de sa première balle. Pas son arme la plus évidente à l’époque a priori (très haut pourcentage de 76 %). "Je me battais sur chaque point et mon service m’a aidé un petit peu, sur ce match, ce qui est toujours important. Je pense que j’ai terminé la partie bien mieux que je ne l’avais commencée", estimera-t-il avec le recul.

Nadal vacille en coulisses mais résiste sur le court

Dans sa bulle jusqu’alors, Djokovic, qui n’a pu remettre la balle en jeu sur ses trois dernières opportunités, commence à rire jaune et exprime pour la première fois sa frustration à l’égard du public. Il parvient néanmoins à se reconcentrer pour écarter une balle de set sur son service à 6-5 contre lui, la toute première opportunité de Nadal à la relance. Plus agressif dos au mur, l’Espagnol prend sa chance dans le jeu décisif, réalisant le mini-break sur une attaque légèrement décentrée qui prend la ligne. Il tient son avantage jusqu’au bout pour remettre les compteurs à zéro (3-6, 7-6). Un petit hold-up.
Cette fois, c’est sûr, le "Taureau de Manacor" a repris son destin en main et s’apprête à bouter cet insolent qui a bien cru le faire tomber devant son public. C’est du moins ce que l’on est en droit de penser. Mais quelque chose ne tourne pas rond chez Nadal ce samedi, et il concède le premier break de l’ultime manche (3-6, 7-6, 1-3) en commettant au passage une nouvelle affreuse double faute. "C’était un match riche en émotions. Pour le public, c’était fantastique. Mais je n’étais pas très content de ma façon de jouer, je pense que je ne traversais pas le meilleur moment de ma carrière, parce que j’avais des soucis aux genoux et de gros problèmes personnels", confiera l’intéressé en 2011.
Le Majorquin vit alors très mal la séparation de ses parents Sebastian Nadal et Ana Maria Parera après quasiment 30 ans de mariage. "Ils étaient l’une des fondations de ma vie et ce pilier s’était effondré. J’étais déprimé, je manquais d’enthousiasme", note-t-il d’ailleurs dans son autobiographie. Le si solide nouveau numéro 1 mondial commence ainsi à vaciller en coulisses. Plus totalement centré sur le tennis, ses angoisses perturbent peu à peu sa vie d’athlète et ses genoux en font les frais. Mais sur le court, Nadal reste un formidable compétiteur et, acculé, il trouve les ressources pour refaire son break de retard dans la foulée.
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Novak Djokovic à Madrid en 2009

Crédit: Getty Images

Djokovic si près, si loin

La bataille tactique devient de plus en plus physique. Et à ce jeu-là, l’Espagnol reste alors celui qui donne le plus de garanties. Moins menaçant à la relance, Djokovic se concentre davantage sur son service et les conditions de jeu en altitude, plus rapides et avec un rebond plus haut, lui permettent de bénéficier d'un certain nombre de points gratuits. Embarqués dans un nouveau tie-break, cette fois décisif, les deux hommes ne veulent rien lâcher. A trois reprises (6/5, 7/6 et 9/8 dans le jeu décisif), le Serbe passe à un point de l’exploit. D’abord en position de force à l’échange, il voit Nadal écarter les deux premières balles de match après des rallyes monumentaux de 20 frappes conclus par deux coups droits gagnants.
Sur la troisième, Nadal frappe un service gagnant. Et finalement, à 10/9, sur sa deuxième occasion de conclure, le Majorquin anticipe du bon côté sur un revers croisé de son adversaire et le déborde en coup droit long de ligne. Après plus de quatre heures de lutte, il peut s’effondrer sur la terre battue madrilène, comme s’il avait gagné le tournoi. Pour Djokovic en revanche, le coup est rude. "Maintenant, c’est un bon souvenir avec le recul. Mais sur le moment, ça a été difficile de me remettre de cette défaite. Je n’avais jamais été aussi près de battre Rafa sur sa surface préférée", rappellera-t-il. Et pour cause, il s’inclinera dès le 3e tour de Roland-Garros une quinzaine de jours plus tard.
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Rafael Nadal à Madrid en 2009

Crédit: Getty Images

Un victoire miraculeuse aux lourdes conséquences

Mais le "Djoker" ne sera pas le seul à payer les pots cassés. Le lendemain, Nadal, fatigué, s’inclinera nettement (6-4, 6-4) face à Federer en finale, l’une de ses deux seules défaites sur ocre face à son rival suisse. Et il connaîtra sa première défaite, retentissante, du côté de la Porte d’Auteuil face au Suédois Robin Soderling en 8e de finale, laissant ainsi le champ libre au Bâlois. Ses genoux endoloris le priveront même du gazon du All England Club et il devra céder sa place sur le trône à Federer, auteur dans le même temps d’un fabuleux doublé Roland-Garros/Wimbledon accompli l’année précédente par… Nadal lui-même.
Onze ans plus tard, l’intensité de cette demi-finale apparaît comme une sorte de bascule dans le parcours des deux protagonistes. S’il lui faudra se chercher encore un an, après une courte expérience - infructueuse - avec Todd Martin comme coach au début de la saison 2010, Djokovic s’est bien prouvé ce jour-là qu’il pouvait être bien plus que le troisième homme derrière l’infernal duo Nadal-Federer. Le plafond de verre éclatera finalement en 2011, saison historique pour le Serbe et son "cosmic tennis". Sur toutes les surfaces, il dominera Nadal pour sept succès consécutifs jusqu’à leur finale de mutants à Melbourne en 2012. Mais il avait trouvé les clés tactiques bien avant, le jour d'un choc monstrueux dans la Caja Magica.
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