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Madrid Vintage : Wawrinka-Tsonga 2013, destins croisés au bout de la nuit

Maxime Battistella

Mis à jour 06/05/2020 à 09:06 GMT+2

MADRID VINTAGE – Si Jo-Wilfried Tsonga et Stan Wawrinka ont livré de sacrées batailles à Roland-Garros, leur quart de finale dans le Masters 1000 madrilène en 2013 a constitué un moment de bascule dans leur rivalité. Disputé dans des circonstances exceptionnelles en pleine nuit, il a vu le Suisse s'affirmer mentalement face au Français qui aura pourtant gagné le point du match.

Jo-Wilfried Tsonga contre Stan Wawrinka à Madrid en 2013 - Série Madrid Vintage

Crédit: Eurosport

Après Indian Wells, Miami et Monte-Carlo, revivez tout au long de la semaine les moments forts de l’histoire du tournoi de Madrid, qui aurait dû se tenir du 4 au 10 mai.
"Je ne comprends pas bien ce qui s’est passé dans la tête des organisateurs. Tant pis pour nous." Non, il n’est plus question ici d'une charge contre la terre battue bleue ou d’éventuelles fantasques balles fluorescentes. En 2013, le Masters 1000 de Madrid est bien revenu à l'ocre, une valeur sûre, pour le grand bonheur de Rafael Nadal qui l’emportera d’ailleurs cette année-là. Cette sortie n’est donc pas à attribuer au Majorquin, mais bien à Jo-Wilfried Tsonga qui, comme son adversaire Stan Wawrinka, n’a pu entrer sur le court que sur les coups de 23h25 ce vendredi 10 mai 2013.
La faute à une programmation pas vraiment maîtrisée, prémices ironiques des ratés du nouveau format de la Coupe Davis six ans plus tard dans cette même… Caja Magica. Certes, il convient de se mettre à l’heure espagnole, mais dans les limites du raisonnable. Dernière affiche des quatre quarts de finale du jour, ce Wawrinka-Tsonga paie donc les pots cassés, les trois matches précédents ayant au minimum duré deux heures chacun. Quand les deux hommes débutent leur échauffement après la victoire de Tomas Berdych sur Andy Murray, il n’y a plus âme qui vive (ou presque) dans les tribunes.
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Jo-Wilfried Tsonga en 2013 à Madrid

Crédit: Getty Images

Tsonga dans la peau du favori

Pour aller chercher un supplément d’âme, difficile donc d’enflammer le public espagnol. Et pourtant, après un premier set à sens unique en faveur de Wawrinka, les deux joueurs offriront un spectacle de grande qualité. A l’époque, c’est bien Jo-Wilfried Tsonga qui semble avoir un léger avantage sur le Vaudois. Alors mieux classé que son adversaire (ils sont respectivement 8e et 15e joueurs mondiaux), le Français compte aussi plus de deux fois plus de titres (10 contre 4) à son palmarès sur le circuit ATP. En Grand Chelem, il est même le seul des deux à avoir atteint une finale, lors de l’Open d’Australie 2008.
Surtout, le Manceau domine le bilan de leurs confrontations, il a remporté trois de ses quatre premiers duels face à Wawrinka. Mais leurs affrontements donnent toujours lieu à de sacrées batailles de puncheurs : après avoir été renversé en cinq sets (4-6, 6-7, 7-6, 6-2, 6-3) au 3e tour de Roland-Garros en 2011, Jo avait pris sa revanche, toujours au bout du suspense (6-4, 7-6, 3-6, 3-6, 6-4), en 2012 sur la terre battue parisienne. Et quelques semaines avant ce duel madrilène, il avait encore pris le meilleur sur le Suisse (2-6, 6-3, 6-4) à Monte-Carlo, un nouveau gage de ses progrès constants sur brique pilée.
C’est donc avec une confiance, empreinte d’une certaine méfiance, que Tsonga aborde ce quart de finale. Et comme sur le Rocher, il connaît un retard certain à l’allumage et perd les cinq premiers jeux de la partie. Un faux départ peut-être dû à la longue attente qui a précédé le match ? Peut-être, mais Wawrinka n’a pas été plus épargné que lui par les circonstances. Plus sûrement, le Français a du mal à se faire aux conditions de jeu. Ce n’est pas un hasard si ce quart de finale constitue alors son meilleur résultat sur l’ocre madrilène (il ne fera d’ailleurs jamais mieux).
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Masters Madrid 2013 : Wawrinka poussé dans ses retranchements par Tsonga mais victorieux

Ici, ça vole, parfois la balle va un mètre cinquante plus loin que d'habitude. On a l'impression qu'on a rien dans la raquette
"Je n’avais pas de super sensations au début, je sortais toutes les balles de 50 cm sans exception. Je ne contrôlais vraiment pas. Je n’avais pas encore joué la nuit ici, c’était complètement différent. (…) Ici, la balle est vraiment légère donc même avec ma puissance, ça ne fait pas si mal que ça. Ça vole, parfois la balle va un mètre, un mètre cinquante plus loin que d’habitude. On a l’impression qu’on a rien dans la raquette", confiera-t-il après la partie. Si l’altitude (650 mètres) madrilène favorise plutôt les grands serveurs (vitesse et hauteur du rebond), la puissance brute peut en revanche être contre-productive et moins dévastatrice que sur une terre battue classique.
Et pour cause, Tsonga a à peine le temps de se chauffer que le premier set s’est déjà envolé. Complètement hors du coup et rapidement agressé par un Wawrinka appliqué et redoutable en revers long de ligne, il concède même le break en début de deuxième set (6-2, 3-1). Dépité, le Manceau n’est pourtant pas du genre à lâcher l’affaire. Après avoir enfin trouvé sa distance au retour, il débreake dans la foulée et le match s'équilibre. Tsonga contrôle mieux la diagonale revers et pousse son adversaire au tie-break du deuxième set, l’apogée dramatique du duel.
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Jo-Wilfried Tsonga à Madrid en 2013

Crédit: Getty Images

D'un miracle à la volée, Tsonga enthousiasme Leconte

Wawrinka obtient alors trois balles de match à 6/5, 7/6 et 9/8. Sur la première, il force en coup droit dans le filet, puis il ne peut rien sur la deuxième, un boulet de canon servi au T par Tsonga. Mais à sa troisième opportunité, le Vaudois croit bien tenir le bon bout. Sur une montée en revers chopé du Français, il glisse un passing plongeant de coup droit vicieux qui force Jo à amortir sa volée. Rapidement sur la balle, le Suisse la pousse droit devant lui pour conclure. Tsonga est battu… Du moins c’est ce que l’on pense un instant, avant qu’il ne se détende de tout son long pour exécuter une volée haute de revers désespérée, dos au filet.
Henri Leconte, l’un des rares spectateurs encore présents à cette heure tardive, s’enthousiasme en tribune. "La volée ? C’est un miracle. La balle part, je mets la raquette en tournant le dos au terrain et ça se transforme en passing gagnant... je ne voyais plus rien. A l'image de ce point, j’ai eu le mérite de m’accrocher", confiera même le Manceau à sa sortie du court. Wawrinka n’en croit pas ses yeux, tout est à refaire. Passé à un rien de la victoire, il se crispe, décentre un revers, puis caviarde une volée haute de coup droit : 11 points à 9 Tsonga, un set partout.
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Masters Madrid 2013 : Wawrinka poussé dans ses retranchements par Tsonga mais victorieux

On voit alors bien Jo refaire le coup de Monte-Carlo et il se fait vite menaçant sur le service adverse à 2-1, 0/30 en début de troisième acte. Sur un fil, Wawrinka va flancher, c’est sûr. "C’était vraiment très difficile. J’essayais de rester dans le match mentalement, tout en le mettant au défi physique afin de pouvoir le breaker", expliquera l’intéressé une fois la partie terminée. Mais quelque chose a changé justement chez lui. Depuis sa défaite in extremis 12-10 au cinquième contre Novak Djokovic en huitième de finale de l’Open d’Australie quelques mois plus tôt, le Vaudois a pris peu à peu conscience de son potentiel.

Plus solide dans la tête, Wawrinka sera bientôt "Stanimal"

Titré à Estoril la semaine précédente, Stan reste sur 7 victoires d’affilée sur le circuit, il est en pleine confiance et a tout juste commencé à travailler avec Magnus Norman, son nouveau coach. Plus sûr de lui, il se reprend bien pour égaliser à 2-2. Tsonga, qui sert avec des balles neuves donc plus vives, n'a pas réussi à pousser son avantage et se déconcentre. Il commet trois erreurs en coup droit et une en revers pour offrir le break à son adversaire et ne s’en relèvera pas. Sur un dernier service gagnant adverse, il quittera le court, tête basse à... 1h40 du matin.
"J’ai quelques regrets car j’aurais pu être beaucoup plus constant à un niveau un peu plus haut. J’ai eu trop de hauts et de bas dans ce match", notera-t-il, lucide. Cette défaite frustrante n’empêchera pas le Français d’atteindre pour la première fois les demi-finales de Roland-Garros dans la foulée, s’offrant un autre Suisse, et non des moindres au passage en quart de finale, Roger Federer. Mais cette nuit madrilène marque symboliquement le renversement de tendance dans son rapport de forces face à Wawrinka : il ne le battra plus.
S’il rivalise longtemps à Lille en finale de Coupe Davis en 2014 malgré une blessure au bras, ou en demi-finale toujours du côté de la Porte d’Auteuil en 2015, la balance penchera à chaque fois du côté vaudois. Wawrinka franchira même le cap ultime en Grand Chelem (sacré en Australie, à Roland et Flushing), tandis que Tsonga ne rejouera plus la moindre finale. Comme si l’un avait vu son destin lui échapper, tandis que l’autre s’en était emparé.
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