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Federer aperçoit presque son ami Norman

Laurent Vergne

Mis à jour 24/01/2018 à 18:07 GMT+1

OPEN D'AUSTRALIE – Roger Federer est le dernier rempart à l'afflux de surprises qui inonde Melbourne depuis dix jours. Au vu plateau du dernier carré, le Suisse, qualifié pour les demi-finales sans avoir perdu le moindre set, apparait plus que jamais comme le grand favori pour le titre.

Roger Federer

Crédit: Getty Images

Dans cette quinzaine cul par-dessus tête, où les ténors tombent comme des mouches sur le néon d'un bar-tabac, Roger Federer doit se sentir un peu dans la peau du dernier des Mohicans. Exit tous les anciens vainqueurs du tournoi, Djokovic, Nadal, Wawrinka. Tous, sauf lui. Exit les demi-finalistes de 2017, Nadal, Wawrinka, Dimitrov. Tous, sauf lui. Pas sûr qu'il ait vraiment aimé ça, d'ailleurs. Mais au cœur de la tempête australe, alors que tous sont passés par-dessus bord, Federer se tient toujours droit à l'avant du navire.
Dans ce contexte un peu spécial, on se disait que, peut-être, lui aussi, allait passer à la moulinette. Il l'a avoué à demi-mots, lui-même s'est retrouvé impacté par cette déforestation aussi massive que brutale des séquoias du circuit. Après sa victoire contre Tomas Berdych en quarts de finale, Federer a confié avoir été très nerveux en rentrant sur le court. Il avait "un mauvais pressentiment", selon ses propres mots. Comme s'il craignait de passer lui aussi sous la guillotine de Melbourne. Cela explique sans doute en grande partie le scénario du début de match.

Federer prend ce qu'il trouve sur sa route

Du coup, c'est vrai, il y a eu l'ombre d'un doute. Allez, une ombrelle. Federer a connu une petite alerte face à Berdych. Secoué d'entrée, mené 3-0, puis 5-3, contraint de sauver deux balles de set, le Suisse aurait pu, sinon se retrouver en danger, en tout cas s'embarquer dans un quart de finale potentiellement compliqué. Mais parce que Federer est Federer, et peut-être plus encore parce que Berdych est Berdych, ce premier set a tourné in extremis à l'avantage du plus illustre des deux champions. Et ce quart de finale a perdu tout intérêt. Tant mieux pour lui. Tant pis pour nous.
Federer est donc en demi-finale, pour la 14e fois sur les quinze dernières éditions. A 36 ans bien tassés. Sans avoir perdu un set. Presque en se promenant, à l'exception de cette première manche contre Berdych. Paradoxalement, je ne l'ai pourtant pas trouvé impérial dans ce tournoi. Oui, son tableau a été pour le moins ouvert. Et, sur le papier, il l'est encore plus au prochain tour, où il retrouvera un joueur hors du Top 50, ce qui n'est pas commun en demi-finale. Jusqu'ici, ses deux principaux adversaires, Gasquet et Berdych, ont été deux de ses victimes préférées sur le circuit.
Mais ce n'est pas de sa faute si Del Potro a été éparpillé par Berdych. Si Goffin a eu un coup de chaud contre Benneteau. Si Thiem a été mis K.O. par Sandgren. Si Djokovic a le coude qui siffle, et Wawrinka le genou en charpie. Federer prend ce qu'il trouve sur sa route et, pour l'instant, le prend bien. Les choses auraient logiquement dû se corser à partir de maintenant, mais l'hécatombe a été tellement généralisée que le statut de favori du Bâlois apparait plus imposant que jamais.

Un parfum de Wimbledon 2017

Federer se retrouve dans une configuration comparable à celle de Wimbledon l'été dernier, avec Marin Cilic comme principal client pour le titre, mais dans la partie opposée du tableau, et deux novices à ce niveau. A Londres, il n'y avait qu'un débutant (Sam Querrey) plus Berdych, mais le tableau a quelque chose d'approchant. Pour le titre, il nous reste le choix entre trois options :
  • L'évidence. Le tenant du titre et grand favori.
  • Une demi-surprise. Marin Cilic a déjà gagné un Majeur mais n'avait pas bien joué en Australie depuis des lustres et il était davantage un outsider qu'un candidat principal au titre.
  • La révolution. Car une victoire de Hyeon Chung ou Kyle Edmund s'ancrerait instantanément parmi les plus colossales surprises de toute l'histoire du Grand Chelem. Rien de moins.
Roger Federer s'impose donc comme le dernier rempart d'une logique bien fissurée depuis dix jours. De ses trois derniers rivaux, Kyle Edmund parait le moins à même de le priver de son 20e sacre en Grand Chelem. Ce n'est pas impossible, bien sûr, et on a vu ma foi bien des choses extravagantes dans l'histoire du tennis, mais si telle devait être l'affiche dimanche, le Suisse partirait favori comme il ne l'a peut-être jamais été avant une finale majeure. Ce qui veut dire beaucoup puisque ce serait sa trentième.
Cela nous laisse avec Hyeon Chung et Marin Cilic. Chung, d'abord, son prochain adversaire. Il y a deux manières de voir les choses : Federer joue un puceau dans ce type de joutes, même pas dans le Top 50 à l'ATP. Ou alors, il part dans l'inconnu. Il l'a avoué, il ne connait pas grand-chose du Sud-Coréen et d'une certaine manière, c'est moins sécurisant pour lui que de se trouver face à un Berdych. Il savait ce que le Tchèque lui proposerait, et surtout ce qu'il ne lui proposerait pas. Avec Chung, ce sera différent. Ce qui ne signifie pas forcément plus ou moins compliqué.

L'inconnue Chung

Une défaite de Federer serait un choc, sans aucun doute. Mais trop de paramètres nous sont inconnus d'un des côtés du filet. Comment Chung va-t-il gérer le contexte, hors normes pour lui ? Oui, il a déjà battu Zverev et Djokovic mais, pardon pour la Lapalissade, une demi-finale de Grand Chelem, ce n'est pas un troisième tour ou un huitième. Relâchement total ou stress absolu, tout est envisageable. La vérité c'est que ni vous, ni moi, ni eux n'avons la réponse à cette question. Or une bonne partie du déroulement de cette demi-finale en dépend.
S'il devait retrouver Marin Cilic en finale, il serait en terre nettement moins inconnue. Mais quel Cilic ? Celui, tonitruant, de leur demi-finale de l'US Open 2014 ? Celui, dominateur mais incapable de conclure, de leur quart de finale de Wimbledon en 2016 ? Oui celui, totalement impuissant, de la finale de Wimbledon 2017 ? A voir. Ce qui est certain, c'est que Federer n'a perdu qu'une seule fois contre lui. Ce n'est pas un mauvais point de repère.
Roger Federer n'a pas encore gagné ce 20e Majeur. Il n'est ni infaillible ni invincible et personne, pas même lui, n'est à l'abri d'un ultime chamboulement de l'histoire. Si cet Open d'Australie décide jusqu'au bout de foutre par terre toutes les statues, il y passera comme les autres. Mais il parait quand même raisonnable de considérer qu'il tient là une gigantesque opportunité d'atteindre cette barre mythique. "Norman, c'est un bon ami à moi", a rigolé Federer sur le court au micro de Jim Courier. Norman, c'est Norman Brookes, le trophée de l'Australian, en référence au grand champion australien du début du XXe siècle. A deux matches et quatre jours de revoir son pote, Federer peut être serein. Il aperçoit déjà Norman. Attention quand même. Il arrive qu'on ne caresse jamais ce qu'on a à portée de main.
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