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Open d'Australie : Débats sur la quarantaine, favoritisme... La zizanie règne aux antipodes

Maxime Battistella

Mis à jour 18/01/2021 à 21:44 GMT+1

OPEN D’AUSTRALIE – A trois semaines du coup d’envoi du premier tournoi du Grand Chelem (8-21 février) de l’année, l’organisation et les engagés, et même les joueuses et joueurs entre eux, sont loin d’afficher le front uni attendu dans le contexte sanitaire. En crise, le tennis n’a jamais semblé aussi divisé.

Novak Djokovic sur le balcon de son hôtel à Adélaïde en 2021 où il est en quarantaine avant l'Open d'Australie

Crédit: Getty Images

"Je ressens le besoin de m’excuser auprès des Australiens. Votre réaction à mon commentaire m’a fait réaliser ce que vous aviez traversé l’année dernière et à quel point vous avez souffert." Ces quelques mots, Alizé Cornet les a envoyés sur les réseaux sociaux en guise de mea culpa. Celui d’une joueuse dont l’argumentaire critique à l’égard des mesures drastiques prises par l’organisation de l’Open d’Australie et les autorités est très mal perçu par l’opinion publique locale. La Française est loin d’être seule, mais bien une voix parmi d’autres dans une fronde qui a commencé la semaine dernière aux antipodes, à l’arrivée des premiers charters affrétés par l’organisation.
Sorana Cirstea, Belinda Bencic ou encore Yulia Putintseva ont été les premières à s’insurger contre la quarantaine stricte (sans entraînement pendant deux semaines) imposée à tous les passagers d’un avion si un test positif était constaté, affirmant que cette possibilité ne leur avait été pas communiquée. "S’ils nous avaient avertis de cette possibilité, je ne serais pas venue en Australie. Ils nous ont dit que nous voyagerions dans des avions remplis à 20 % de leur capacité, ce qui leur permettrait de nous regrouper en sections et donc de n’être cas contacts que si un membre de notre équipe était testé positif", a notamment expliqué la Roumaine.

Une inégalité de traitement difficile à avaler

En tout, ils sont désormais 72 joueuses et joueurs, soit plus d'un quart des engagés, "condamnés" à rester pendant 15 jours dans leur chambre d’hôtel, sans bénéficier des 5 heures quotidiennes de sortie promises au départ pour s’entraîner et manger. Si tout se passe comme prévu et sous réserve de dépistages négatifs, ils seront libérés à tout juste une semaine du début des hostilités (8 février) à Melbourne. Un délai bien réduit pour retrouver la forme optimale espérée pendant que d’autres auront pu s’entretenir, et certains dans des conditions plus qu’avantageuses.
Novak Djokovic fait partie avec Rafael Nadal et Dominic Thiem notamment, mais aussi Naomi Osaka et les sœurs Williams, de ces privilégiés en quarantaine à Adélaïde. Conscient qu’une polémique potentielle sur l’équité sportive du tournoi se préparait dans ces conditions, le numéro 1 mondial s’était dit opposé à en bénéficier. A-t-il été contraint de se conformer au plan de l’organisation par les autorités comme le pensent certains ? Aurait-il pu user davantage de son poids pour empêcher la création de cette deuxième "bulle" de privilégiés ? Il est difficile de le savoir avec certitude.

Les propositions de Djokovic : entre initiative louable et calcul politique

Toujours est-il que le Serbe a voulu reprendre à bras le corps son rôle de porte-voix du circuit, envoyant une série de requêtes pour améliorer le sort des 72 infortunés. Il a ainsi proposé de mettre à disposition des maisons individuelles pour le maximum de joueurs possible, de diminuer le nombre de jours de quarantaine, de permettre aux joueurs de voir leur coach s’ils ont été testés négatifs ou encore d’améliorer la qualité des aliments qui leur étaient fournis. Mais cette initiative n’a pas forcément été bien reçue par tous ses collègues. Et ce pour plusieurs raisons.
La première tient à la position actuelle de Djokovic. Certains considèrent naïve, pour ne pas dire hypocrite, la communication du Serbe qui fait partie, qu’il le veuille ou non, du petit nombre de protégés actuellement en Australie. Quasiment sûr dans le contexte actuel de voir ses demandes rejetées, l’intéressé soignerait ainsi avant tout son image. C’est ce que pensent clairement Stan Wawrinka ou Nick Kyrgios, comme ils l’ont exprimé sur les réseaux sociaux.
Ensuite, si les intentions de Djokovic peuvent tout à fait être sincères, désintéressées et généreuses, d’autres voient dans cette initiative un calcul stratégique visant à promouvoir sa nouvelle association des joueurs (la PTPA). En d’autres termes, un moyen pour lui de faire du lobbying efficace alors que l’accès au Conseil de l’ATP lui a été interdit voici quelques semaines. Les divisions sont donc toujours aussi profondes parmi les joueurs qui, d’ailleurs, ne se révoltent pas tous contre les conditions qui leur sont imposées.

L'organisation reconnaît des couacs... dans l'organisation des entraînements

Après avoir refusé les doléances de Djokovic, Daniel Andrews, Premier ministre de l’Etat de Victoria, a souligné que l’éventualité de ces quarantaines strictes avait bien été évoquée en amont, emboîtant le pas à Craig Tiley. Et les deux hommes sont rejoints sur ce terrain par certains… joueurs comme le spécialiste du double néozélandais Artem Sitak. "Il y a un mois, nous avons eu une visioconférence avec Tennis Australia. Il n’y avait pas beaucoup de joueurs présents, ce que je trouvais surprenant. Ils ont exposé les risques que nous prendrions et ils ont mentionné le fait que s’il y avait un cas positif dans un avion, il reviendrait aux autorités australiennes de décider si la quarantaine devait s’imposer à tous les passagers ou pas", a-t-il expliqué.
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Surf de chambre, morse et volée-matelas : le quotidien lunaire des confinés de Melbourne

Le message n’est visiblement pas assez bien passé. Et l’organisation du tournoi vit des heures d’autant plus difficiles que les joueurs qui étaient autorisés à s’entraîner théoriquement ces derniers jours n’ont pas pu le faire. La faute à de nouveaux cas de coronavirus ou à un durcissement généralisé des mesures anti-pandémie ? Pas du tout. Il s’agissait juste d’un problème informatique après toutes les modifications logistiques à enregistrer ces derniers jours. Tiley lui-même s’en est excusé auprès des engagés, assurant que ses équipes avaient travaillé durant toute la nuit de dimanche à lundi pour le régler. Des premières sessions ont ainsi pu se dérouler normalement ces dernières heures.

Une urgence : retrouver le sens des réalités

Comment retrouver une once de sérénité dans ce contexte ? Peut-être en reprenant un certain recul au regard de la situation sanitaire mondiale. "L’Open d’Australie est important évidemment. Mais rien ne l’est plus que de s’assurer que les habitants de l’Etat de Victoria sont en sécurité", a encore indiqué Daniel Andrews. Des propos très en phase avec l’opinion publique locale australienne qui, après avoir subi des mois de confinement total pour maîtriser l’épidémie, a du mal à s’apitoyer sur le sort de joueuses et de joueurs isolés dans de bonnes conditions dans leurs chambres d’hôtel.
"Beaucoup d’Australiens actuellement à l’étranger ne peuvent pas rentrer chez eux à cause de ces restrictions. Et nous sommes plus d’un millier d’étrangers qui allons jouer un tournoi du Grand Chelem, gagner beaucoup d’argent. Le travail de l’organisation pour simplement rendre cela possible est absolument incroyable. En mettant ces éléments en perspective, nous pouvons nous estimer chanceux d’être ici", a encore indiqué Artem Sitak, qui fait partie des 72 cloîtrés. Une leçon d’humilité salutaire pour retrouver le sens des réalités, de l’intérêt collectif. En somme, faire contre mauvaise fortune bon cœur : une posture peu confortable pour l’ego d’un sportif de haut niveau, mais indispensable par les temps qui courent.
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