Monfils, l'insaisissable

Quand on est un joueur français à Roland-Garros, on ne vise pas spécialement la victoire, on vise la seconde semaine. Vu la concurrence accrue, les chances de victoires sont infimes, mais certains se plaisent à y croire tout de même. Et Gaël Monfils fait partie de ceux-là. Et ce, même si le N.1 français n'a pas eu une préparation sur terre battue digne de ce com. Comprendre : avec des matches dans les jambes et des victoires sur lesquelles se rattacher. Un problème avant de jouer la deuxième levée du Grand Chelem ? Pour Monfils, c'est presque monnaie courante. En 2008, le Français signe sa seule demi-finale de tournoi majeur en étant touché aux adducteurs. L'année suivante, ce fut même pire : l'Antillais n'a joué une seule rencontre sur terre battue avant d'arriver à Roland-Garros, à Monte-Carlo dans un match qui s'est soldé sur une défaite face à Janko Tipsarevic (3-6, 1-6), en raison d'une blessure au genou. Cela ne l'a pourtant pas empêché de signer un quart de finale face à Roger Federer.

C'est avec ce passif particulier qu'il arrive une nouvelle fois sans grands repères à Paris, avec sept matches disputés sur terre battue, mais un abandon à Madrid et un forfait à Rome. Ce n'est pas une blessure qui fut à l'origine de ses problèmes, mais une sombre histoire d'allergie au fromage. "Ça va mieux, beaucoup mieux, assure-t-il J'ai eu un peu peur, j'ai eu deux semaines très dures physiquement, dans ma vie. J'ai eu une intoxication alimentaire à Madrid mais au-delà de ça j'ai eu des problèmes de santé plus personnels, qui me touchent un peu plus. Du coup j'ai passé des tests plus poussés qui ont montré que ce n'était pas trop grave." En manque de matches, le Français a logiquement assuré sa présence au tournoi exhibition Masters Guinot Mary Cohr où il a dominé une autre joueur en manque de repères, Jérémy Chardy (6-2, 7-6).

"C'est énervant d'arriver dans ces conditions. Je ne le vis pas très bien, je ne vais pas le cacher." Et ne lui parlez pas de pression en moins. Après une demi-finale et un quart de finale à Paris ces trois dernières saisons, Monfils sera forcément attendu par le public français. "La période de terre battue convient très bien à mon jeu et c'est à ce moment-là que je devrais pouvoir gagner des points au classement. Alors là, je suis déçu car, à cause de mes problèmes de santé, je serai tête de série N.9 à Paris. En fait, j'aurais aimé être N.8 pour éviter de tomber sur un joueur du Top 8 en huitièmes de finale, comme Djokovic ou Nadal..." Au moins, l'ambition de briller à Paris est toujours intacte. "Mais à Paris ce sont les tripes et l'audace qui comptent. Roland-Garros ça se joue surtout dans la tête."

S'il a raté de peu une place parmi les huit premières têtes de série, c'est la première fois qu'il aborde le tournoi de la Porte d'Auteuil avec un rang aussi élevé (N.9 mondial) et en tant que N.1 français. Mentalement, Monfils a gagné encore des points après le tirage au sort du tableau masculin. Placé dans le troisième quart de tableau, le Parisien débutera face à un joueur issu des qualifications, avant de jouer face à un Français au 2e tour, Adrian Mannarino ou Guillaume Rufin. La première tête de série qu'il croisera serait Michaël Llodra (N.22). Si tout se passe bien pour lui, en huitièmes de finale, il pourrait affronter David Ferrer. Le 7e mondial et finaliste à Monte-Carlo et Barcelone cette année est un bon souvenir pour Monfils : l'Espagnol n'a jamais battu le Français en deux rencontres, dont une à Roland-Garros en 2008 en quarts de finale (6-3, 3-6, 6-3, 6-1). S'il passe cet obstacle important, Roger Federer pourrait de nouveau être face à lui en quarts de finale.

Ceci renforce tout de même un peu le sentiment qu'il est la meilleure chance française à Roland-Garros. A condition de ne pas revivre sa mésaventure de l'année dernière, où il dominait l'Italien Fabio Fognini au deuxième tour, avant de perdre finalement en cinq manches 9-7 au dernier set, suite à une coupure nocturne. "Il ne manque pas grand chose pour qu'un Français gagne. Il faut aussi voir qu'on joue en même temps que deux légendes du tennis (Nadal, Federer), une qui commence à éclore (Djokovic) et un Top 10 en général très solide sur terre battue. On nous rabâche souvent qu'on n'a pas les qualités mentales ou physiques. Pour moi c'est plus simple: pour l'instant Nadal ou Djokovic ils sont plus forts que nous. Je ne pense pas qu'on ait un problème avec la terre battue. A ce que je sache, Novak (Djokovic), ce n'est pas un Sud-Américain et il fait plus froid chez lui en Serbie que chez nous!".