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L'oeil de Roland : Y a-t-il un Guga dans la salle ?

Laurent Vergne

Mis à jour 29/05/2017 à 22:40 GMT+2

ROLAND-GARROS 2017 – C'était il y a vingt ans. Gustavo Kuerten, sorti de nulle part, devenait roi de Roland-Garros. Une divine surprise, qui fit entrer cet illustre inconnu en pleine lumière avant de le sacraliser comme une des icônes du tournoi parisien. Un tel avènement parait plus improbable encore dans le contexte actuel. Tant pis... ou pas.

1997 : Le début de l'histoire d'amour entre Gustavo Kuerten et Roland-Garros.

Crédit: Getty Images

Il y a des trucs comme ça, qui vous donnent un gentil petit coup de vieux. Pour ceux qui, comme moi, sont nés assez tôt pour vivre ça, voir la génération des stars des années 80 passer le cap de la cinquantaine, et même la soixantaine pour Jimbo Connors, a eu cet effet-là. Dans le même ordre d’idées, même si la gifle vient de moins loin, réaliser que Gustavo Kuerten fête les 20 ans de sa première victoire à Roland-Garros met un petit coup. Ah, Guga... Son sacre reste probablement le plus inattendu de l'ère Open à Paris. Oui, plus encore que Wilander et Chang, titrés plus jeunes, à 17 ans, mais que l'on avait déjà dans un coin de la tête.
Leur victoire à Roland-Garros avait bien sûr constitué un choc, mais Chang était déjà un membre du Top 20 et Wilander commençait à avoir des résultats, notamment sur terre. Kuerten, lui, sortait vraiment de nulle part. 66e mondial en arrivant Porte d'Auteuil en 1997, il demeure le joueur le moins bien classé à avoir gagné à Paris. Qui connaissait le Brésilien ? Quasiment personne. Ses résultats sur terre juste avant Roland-Garros ? Des éliminations au premier tour à Hambourg, à Monte-Carlo et à Barcelone, et au deuxième tour à Estoril et Prague. Battu à chaque fois par des joueurs au-delà du Top 30.

Khachanov, le plus proche du portrait-robot kuertenien ?

Alors, oui, il avait gagné le challenger de Curitiba, chez lui, au Brésil, deux semaines avant Roland-Garros, lors d'un aller-retour express entre l'Europe et l'Amérique du Sud. Mais d'un challenger à la maison (où il n'a battu que des joueurs classés entre la 171e et la 361e place à l'ATP) et un couronnement à Roland-Garros en battant Muster, Medvedev, Kafelnikov et Bruguera, soit un des grands favoris (Medvedev) et le trio lauréat des quatre dernières éditions, il y avait quelques océans à traverser. On peut retourner le problème dans tous les sens, il n'y a pas d'équivalent à l'avènement de Gustavo Kuerten. L'ampleur et la soudaineté de son bond de géant reste hors normes.
Par nature, ces évènements sont rarissimes et imprévisibles. Et tout est affaire de contexte. Qui aurait un profil approchant aujourd'hui sur le circuit ? Résumons-nous. Le portrait-robot kuertenien dessine un joueur de 20-21 ans, situé entre la 50e et la 100e place au classement mondial, avec un minimum de performances lors des tournois de préparation à Roland-Garros. Cela nous laisse avec un Karen Khachanov, un Hyeong Chung ou un Ernesto Escobedo.
Imaginez un de ces trois joueurs soulever la Coupe des Mousquetaires le 11 juin et vous aurez une idée de l'exploit accompli par Gustavo Kuerten il y a vingt ans. Tout cela semble évidemment hautement improbable, même si Khachanov a quand même battu Cuevas ou Goffin sur terre cette année et que le Russe a déjà gagné un tournoi, ce qui n'était pas le cas du Brésilien.
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Karen Khachanov

Crédit: Getty Images

Génération sacrifiée ?

Il y a bien longtemps que nous n'avons pas été submergés par une vague d'une telle fraicheur. De nos jours, ma bonne dame, chez les hommes, les vainqueurs-surprises en Grand Chelem sont aussi rares que les naturistes au Lac Baïkal en plein hiver. Quand elles surgissent, c'est pour prendre le visage de déjà vieilles connaissances, type Wawrinka à Melbourne ou Cilic à New York. Ou, plus loin de nous, d'un Del Potro. Mais si l'Argentin avait 21 ans quand il a conquis Flushing en 2009, il était, aussi, déjà installé dans le Top 5. Rien à voir avec notre ami Guga, donc.
Un tel vent nouveau aurait sans aucun doute le charme de la surprise, surtout dans le cadre actuel, si verrouillé, où une poignée de champions monopolisent les honneurs. Il est sidérant de voir que les joueurs nés dans les années 90 pèsent, tous réunis, une seule finale de Grand Chelem, celle (perdue) de Raonic à Wimbledon l'an passé. Etablissez une comparaison avec le nombre de finales joués dans les années 2000 par les champions nés dans les années 80, et ainsi de suite pour les décennies précédentes, et vous comprendrez à quel point la génération actuelle pâtit de l'omnipotence des Nadal, Federer, Djokovic et autres Murray.
Faut-il pour autant s'en plaindre ? Le contemporain n'est de toute façon jamais content de ce qu'il a sous le nez. J'ai encore souvenir des lamentations de la fin des années 90, de ce printemps 1998 un peu fou, où le numéro un mondial changeait de visage tous les quinze jours, parfois même toutes les semaines. Ce flou artistique dérangeait. Aujourd'hui, c'est le cadenas posé par quelques-uns qui finit par générer des râleurs. J'ai pour ma part plutôt l'impression que nous sommes privilégiés de vivre ce que nous avons traversé depuis 10-15 ans. Quand Federer, Nadal ou Djokovic ne seront plus là, je me dirai sans doute davantage "merci messieurs, c'était formidable", que "bon débarras". Pour autant, si un Guga 2017 déboule pour renverser la table, je trouverai ça extraordinaire. Mais franchement, je ne peux pas dire que je retienne mon souffle…
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Gustavon Kuerten en 1997 à Roland-Garros

Crédit: Imago

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