La menace Tsitsipas

Beaucoup ont longtemps pesté contre l'absence de relève à l'horizon ces dernières années sur le circuit masculin. Le vent nouveau commence à souffler. Alexander Zverev, 21 ans s'est installé sur le podium du classement ATP où il a pris ses aises. Derrière, un peu plus jeune, Denis Shapovalov frappe aux portes du Top 20. Lui vient tout juste d'avoir 19 ans. Un seul autre membre du Top 100 a moins de 20 ans. Et lui aussi commence à monter en flèche. Stefanos Tstitsipas changera de décennie en août prochain et le Grec aborde Roland-Garros nanti de son meilleur classement (39e) en carrière. Il y a un an, à la même époque, il n'était même pas dans les 200 premiers.

Grec par son père, russe par sa mère, qui fut un grand espoir du tennis soviétique dans les années 80, Tsitsipas, 191 centimètres sous la toise, n'en est probablement qu'au début de son ascension. Repéré par Patrick Mouratoglou à l'été 2015, qui l'a surnommé "le joyau grec", il a intégré l'Académie du technicien français. Aujourd'hui coaché par Kerei Abakar, le directeur du haut niveau chez Mouratoglou, il reste suivi de près par l'entraîneur de Serena Williams. "Je suis très content de mon travail avec Kerei Abakar, il fait un boulot fantastique, dit-il. Patrick, lui, me donne quelques idées sur certaines choses que je pourrais faire et il me donne une confiance supplémentaire dans mon tennis."

Vu son gabarit et sa puissance, Stefanos Tsitsipas a tout pour répondre aux exigences du tennis moderne. La cerise sur le gâteau, chez lui, c'est ce revers à une main, dont l'amplitude du geste rappelle celle d'un certain Gustavo Kuerten. "Son revers à une main est un modèle du genre du point de vue technique, juge le consultant d'Eurosport. Il lui autorise à frapper la balle avec une des plus grandes vitesses de rotation sur le circuit." Parmi les axes de progrès, Patrick Mouratoglou évoque "le service et le coup droit, deux armes très importants dans le tennis actuel."

"Mais, ajoute-t-il, Stefanos bouge très bien pour quelqu'un de sa taille et il commence seulement à prendre conscience de ce dont il est capable sur le court." Ses récents résultats ont dû l'y aider. Finaliste à Barcelone au cœur du printemps, il avait enquillé en Catalogne des victoires contre Diego Schwartzman, Albert Ramos-Vinolas, Dominic Thiem et Pablo Carreno Busta. Rien que ça. Il compte déjà trois succès sur des Top 10 sur son CV en 2018. Pas étonnant qu'au classement Race, il flirte déjà avec le Top 20.

A Roland-Garros, il comptait parmi ces joueurs non-tête de série (peut-être une des dernières fois en ce qui le concerne…) sur lesquels aucun ténor n'a vraiment envie de tomber. C'est Dominic Thiem qui va devoir s'y coller au deuxième tour, mercredi. Les deux hommes se connaissent bien. On pourrait même dire qu'ils ne se quittent plus puisque ce sera leur quatrième confrontation rien que cette saison. Avant la victoire du Grec à Barcelone, l'Autrichien s'était imposé à Doha et Indian Wells.

Thiem n'ignore pas les qualités du jeune Tsitsipas. "Il est très bon, c'est un joueur qui monte, confirme-t-il. Il sera dans le Top 10 à l'avenir, aucun doute là-dessus et il joue déjà à un niveau incroyable." Mais le Grec est encore un novice en Grand Chelem. Lundi, il a d'ailleurs signé la toute première victoire de sa carrière dans un Majeur. Et face au modeste espagnol Carlos Taberner (213e mondial), il a tout de même eu besoin de quatre sets et 3h30 pour s'en sortir. "Sur la distance des cinq sets, j'espère avoir un avantage", glisse d'ailleurs Thiem. L'affiche, reléguée sur le tout nouveau court 18, est une des plus attendues de la journée de mercredi.