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Leconte, 30 ans après : "J'avais peur de me prendre les pieds dans le tapis"

Laurent Vergne

Publié 23/05/2018 à 10:56 GMT+2

C'est l'histoire du dernier joueur français à avoir joué une finale à Roland-Garros. Trente ans déjà. Si les Tricolores ont, depuis, disputé des finales à Wimbledon, à l'US Open ou en Australie, ils n'ont plus jamais atteint le dernier dimanche à Paris. Henri Leconte revient sur cette édition 1988 où il aura tout connu, l'ivresse des sommets et la chute vertigineuse.

Henri Leconte en 1988 à Roland-Garros.

Crédit: Getty Images

EPISODE 1 – LA PREMIERE SEMAINE

Le pire ou le meilleur ? Avec Henri Leconte, ça a toujours été la question. Il pouvait rendre fou les autres, et dingue lui-même. "Leconte, c'est une balle dedans, deux balles dehors", avait dit un jour John McEnroe. Mais quand le gaucher nordiste, souvent son pire ennemi, inversait cette proportion, il pouvait devenir irrésistible. C'était son secret espoir, avant ce Roland-Garros 1988.
Il l'a plutôt bien préparé, ce Roland. Un quart de finale à Monte-Carlo (avec une défaite "bizarre" contre Noah, où il croit avoir gagné en deux sets avant un overrule sur la balle de match), une finale à Hambourg et un titre à Nice. "J'étais en forme, je me sentais bien, nous confie Leconte. J'avais beaucoup de match dans les pattes et j'avais besoin de ça. J'avais des points de repères, sur ce printemps et à Roland, avec ma demi-finale en 1986."
Mais il l'avoue, il avait aussi une trouille noire. Celle de se "prendre les pieds dans le tapis", comme il le dit. Il s'en faudra de peu. Le début de Roland-Garros d'Henri Leconte, plus que poussif, va le mettre au bord du précipice sur ses deux premiers tours. La frontière entre une campagne mémorable, de celles dont on parle trente ans après, et d'un fiasco total, est parfois ténue.
J'étais fébrile, j'avais peur de mal faire
Son premier adversaire n'a pourtant rien d'une terreur. Simon Youl est 149e mondial. Il est surtout australien et allergique à la terre battue. Mais il va mener deux sets à un face à Henri Leconte. "Je n'étais pas bien dans ce match, admet-il. Le stress de Roland, la pression, celle que tu te mets, le fait de ne pas jouer mon meilleur tennis et d'avoir peur. On se prépare toute l'année pour Roland. Moi, mon rêve, c'était de bien jouer à Roland-Garros. On veut tellement bien faire ici... Il faut se libérer de cette anxiété. J'étais fébrile, j'avais peur de mal faire."
Ce match pue le traquenard à des kilomètres. Leconte en appelle au public. "Aidez-moi !" lui gueule-t-il dessus. Il va finalement s'en sortir en cinq sets (6-3, 4-6, 6-7, 6-4, 6-3) en se "faisant violence dans les deux dernières manches." Pas l'entame idéale mais, comme il le dit, il a évité de passer pour un con. Ça, ce sera pour plus tard.
En attendant, le voilà au deuxième tour et, croit-on, un peu plus libéré. C'est le cas d'ailleurs, face à Bruno Oresar. Le Yougoslave, 100e au classement ATP, est éparpillé aux quatre coins du Central lors des deux premiers sets (6-1, 6-0). Mais Leconte perd le troisième au jeu décisif puis explose dans le quatrième. Le voilà, encore, en grand danger. "C'est un match curieux, comme contre Youl, mais dans le sens inverse. Là, c'est l'excès de confiance, juge-t-il. J'aurais dû gagner en trois sets et au final, je m'en sors en cinq, presque par miracle."
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Henri Leconte

Crédit: Getty Images

Il ne rêvait pas du minimum syndical

Gagner en cinq sets à Roland, c'était une autre marque de fabrique d'Henri Leconte. Dans sa carrière, il n'a jamais perdu en cinq manches à Paris. Sept matches, sept victoires. Reste que contre deux joueurs modestes, qui lui sont largement inférieurs, il a donc failli passer deux fois à la trappe. Mais cette entame sur le fil du rasoir va paradoxalement lui faire du bien à la tête, sans l'entamer physiquement. "Sur ce plan, dit-il, nous n'avions pas d'inquiétude avec mon entraîneur, Wojtek Fibak. Je savais que j'étais très bien préparé et puis je n'avais pas joué deux matches éreintants. C'était plus difficile à gérer mentalement que physiquement."
Tennistiquement, il l'admet, il pouvait difficilement "faire pire" que ces deux matches face à Youl et Oresar. Il faudra un vrai terrien, Horacio De la Pena, pour qu'il rentre enfin dans sa quinzaine. "Horacio était un vrai joueur de terre battue, contrairement aux deux autres, confirme Leconte. C'était plus simple, car c'était un joueur plus classique. Il me donnait du rythme, m'a permis de manœuvrer et là j'ai enfin réussi à installer mon jeu, à faire ce que j'avais décidé de faire. Mon tournoi a vraiment commencé ce jour-là." Le numéro deux français s'impose en trois sets (6-4, 7-5, 6-1).
Henri Leconte est en deuxième semaine et, quoi qu'il arrive, aura justifié son statut de tête de série numéro 11. Mais il rêve d'autre chose que du minimum syndical. Nous sommes le samedi 28 mai. Dans deux jours, celui que personne n'appelle encore le vengeur masqué défiera Boris Becker en huitièmes de finale. Ce match, il l'attend depuis deux ans.
A SUIVRE : Episode II – Leconte-Becker, le chef d'œuvre
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