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Federer a trouvé la recette contre Nadal, mais peut-il la dupliquer sur terre ?

Laurent Vergne

Mis à jour 07/06/2019 à 10:22 GMT+2

ROLAND-GARROS – Longtemps démuni face à Rafael Nadal, Roger Federer a trouvé sur le tard des options tactiques grâce à l'évolution de son jeu. Le Suisse a ainsi remporté ses cinq derniers duels contre son grand rival. Du jamais vu. Mais c'était sur surface rapide. Sur terre battue, et durant cinq sets, sera-t-il en mesure d'utiliser ces mêmes clés ? Eléments de réponse.

Roger Federer et Rafael Nadal à Shanghai, en 2017, lors de leur dernier duel en date.

Crédit: Getty Images

Il y a deux lectures possibles du choc entre Rafael Nadal et Roger Federer. La première est de regarder le bilan des confrontations entre les deux hommes sur terre battue. Il est sans appel : 13 victoires en 15 matches pour l'Espagnol. Facteur aggravant pour le Suisse avant leurs retrouvailles parisiennes vendredi, ses deux seuls succès sur ocre contre son grand rival ont été obtenus en deux sets gagnants. Dans le format au meilleur des cinq manches, à Roland-Garros ou ailleurs, jamais Federer n'a pu aller au bout de cet immense défi.
L'autre approche est plus optimiste pour Federer : il a remporté leurs cinq derniers matches, en 2016 et 2017, et n'a plus connu la défaite face au Majorquin depuis janvier 2014 à l'Open d'Australie. Jusqu'à récemment, il avait subi la loi de son grand rival, de façon très marquée sur terre évidemment, mais d'une façon globale, toutes surfaces confondues. Pas parce qu'il est intrinsèquement moins fort, mais en raison d'une incompatibilité presque rédhibitoire.
Comme nous l'avait expliqué Mats Wilander en 2017, "Federer-Nadal, du point de vue de l'incompatibilité tactique, c'est un des pires matchups de tous les temps. Federer, soulignait le Suédois, consultant sur Eurosport, a une toute petite lacune technique, parce qu'il ne possède pas ce grand revers au-dessus de l'épaule qui aurait pu lui permettre de contrer Nadal sur terre. Mais ce tout petit déficit a engendré un problème tactique insurmontable. Parce que Nadal a le jeu parfait face à un joueur avec ce type de faiblesse."

Deux soucis majeurs côté revers

Mais depuis son retour sur le circuit en 2017, Roger Federer a trouvé des armes qu'il n'avait encore jamais pu mettre en place au fil des années face à Rafael Nadal. Un renversement de l'histoire assez improbable puisque très tardif. "Roger a réussi un pari fou,faire évoluer son jeu à plus de 30 ans, juge Patrick Mouratoglou, Il y avait un vrai projet de jeu auquel j’aurais cru à 22 ans, pas à 30 ans passés. C’est tout simplement unique." Mais c'était le prix pour envisager de résoudre, au moins partiellement, l'équation Nadal si longtemps insoluble.
Lorsqu'il affrontait l'homme de Manacor, le Bâlois avait deux soucis majeurs côté revers, parfaitement identifiés mais si complexes à résoudre, que nous détaille le coach de Serena Williams. Le premier, d'abord : "C'était le retour de Roger. Rafa lui servait à 90% coté revers et Roger retournait systématiquement en chop, ce qui avait pour effet de laisser la main à Rafa pour commencer à dicter le jeu à l'échange avec son coup droit. Du coup, Federer n'inquiétait pas suffisamment Nadal sur ses jeux de service et se retrouvait toujours sous pression sur les siens."

Priver Nadal de temps

L'autre difficulté, plus dommageable encore pour le Suisse, se situait à l'échange, dans la fameuse diagonale des revers. "Nadal jouait très haut dans le revers de Federer qui n'avait pas d'autre choix que de répondre soit en chop soit en lift, ce qui laissait beaucoup de temps à Rafa derrière", reprend Mouratoglou. Or lors des plus récents duels entre les deux joueurs, ce double casse-tête a perdu de son impact, au point que Federer surfe aujourd'hui sur sa plus longue série victorieuse face à Nadal.
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Rafa Nadal et Roger Federer, Australian Open 2017

Crédit: Getty Images

"La clé, c'est de priver Rafa de temps, explique encore Patrick Mouratoglou. On le sait depuis longtemps etDjokovic a montré comment le faire. Roger a résolu cette problématique sur dur en 2017, parce qu'il a travaillé ces coups-là. Il a travaillé le retour bloqué à plat, avec un peu d'effet mais pas trop, pour que la balle aille vite de l'autre côté du terrain et il a surtout travaillé l'entrée dans le court côté revers. Il prend la balle tôt, et à plat plutôt que de la laisser rebondir au-dessus de l'épaule."
C'est donc au prix d’un "reset" total de son logiciel que Roger Federer est parvenu à dompter enfin son meilleur ennemi. Reste une question, de taille : peut-il dupliquer cette recette sur terre battue ? "Pour ce qui est du retour, ça ne me parait pas beaucoup plus compliqué dans l’absolu", relève Mouratoglou. A l'échange, en revanche, ce sera une autre paire de manches. "C'est évidemment plus dur de prendre, non pas en demi-volée mais presque, une balle qui gicle énormément sur terre que sur dur, ajoute le technicien français. Ce coup-là qui demeure problématique."
Il devra constamment brouiller les cartes
Roger Federer a esquissé une lecture cette donnée après sa victoire contre Stan Wawrinka mardi. "Ce que Rafa met sur la table, surtout sur terre battue, reste unique, souffle le numéro 3 mondial. Ses forces, la façon dont la balle sort de sa balle, la difficulté à la contrôler..." D'autant qu'une chose demeure immuable : Rafael Nadal est gaucher. "Et ça, ça change tout, rappelle-t-il. Je viens de jouer cinq droitiers, et je vais devoir me préparer à retrouver un gaucher, et le plus pénible des gauchers." Dans cette optique, il n'était pas mécontent d'avoir trois jours entre son quart et cette demie, où les conditions climatiques pourraient jouer également. Une terre lourde pourrait amoindrir l'impact du lift nadalien. Mais a contrario, on attend du vent, que Federer abhorre.
Une chose est sûre, le Suisse devra servir à la perfection. Un préalable indispensable, même s'il ne sera pas forcément suffisant. Globalement, il lui faudra se montrer agressif, audacieux et inventif. Tout un programme. "Il devra constamment brouiller les cartes, glisse Patrick Mouratoglou en guise de conclusion. Enchainer de temps à autre service-volée, quitte à prendre le risque de se faire passer. Surtout, il ne devra pas du tout jouer en chop, sauf peut-être une fois de temps en temps pour faire monter Rafa. Mais s'il joue en chop, il perdra 90% des points et il va courir." Et il perdra. Encore une fois.
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Le revers de Roger Federer, une des clés de cette demi-finale ?

Crédit: Getty Images

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