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Roland-Garros - Nouveau triomphe, pied anesthésié, avenir incertain : Rafael Nadal va-t-il trop loin ?

Laurent Vergne

Mis à jour 06/06/2022 à 12:08 GMT+2

ROLAND-GARROS 2022 - Rafael Nadal a réussi à mettre en veilleuse sa douleur au pied gauche due au syndrome de Müller-Weiss, au prix d'injections multiples tout au long de la quinzaine destinées à endormir son pied. Ce traitement de choc a permis au champion de soulever une 14e fois le trophée à Paris. Mais l'Espagnol ne prend-il pas des risques à long terme avec ce qu'il impose à son corps ?

"Est-ce que ça vaut le coup de continuer ? Il a suffisamment donné"

Pour quiconque a vu Rafael Nadal traîner la patte à Rome contre Denis Shapovalov, dix jours seulement avant le coup d'envoi de Roland-Garros, le 14e sacre à Paris de l'Espagnol ne peut que relever d'une forme de surprise. Pas une question de niveau. Nadal reste l'extra-terrien qu'il a toujours été. Il a survécu à Auger-Aliassime, vaincu Djokovic, résisté à Zverev avant que celui-ci ne finisse à terre puis pulvérisé Ruud en finale. Une masterclass nadalienne on ne peut plus classique. Mais tout ceci ne dit pas l'essentiel de cette histoire pas comme les 13 précédentes. A cause de ce pied gauche.
Pour tenir le coup et debout, le Majorquin a dû s'infliger un traitement radical. Des injections dans le pied, ou plus exactement dans deux nerfs de ce pied en vrac. L'objectif de ces injections anesthésiantes, autorisées par le règlement, n'était pas de guérir mais de ne plus ressentir la douleur. "Ça a été une quinzaine émouvante et formidable, mais je n'ai pas voulu parler du pied pendant le tournoi", a-t-il dit dimanche. La coupe des Mousquetaires à ses côtés, cette fois, il a parlé, révélant le plan qui a été le sien et surtout celui du médecin de la fédération espagnole, Angel Ruiz Cotorro.
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"La seule chose qu'on pouvait faire pour me donner une chance ici, c'était de m'endormir le pied, a révélé Nadal. C'est ce qu'on a fait. On a bloqué (la douleur) en faisant des injections d'anesthésiant avant chaque match. Du coup, j'ai joué sans douleur, mais sans aucune sensation ni sensibilité, comme des dents endormies par le dentiste. C'est aussi simple que ça."
Simple, mais pas sans risque. Lui-même en convient : "Oui, c'est une prise de risque, puisqu'on a moins de sensations, donc c'est un plus grand risque de se fouler la cheville par exemple. Mais j'étais prêt à prendre ce risque. Roland-Garros, c'est Roland-Garros et tout le monde sait combien ce tournoi est important à mes yeux." Sous-entendu, ce qu'il a fait là, il ne l'aurait pas fait ailleurs. Il ne le fera pas pour Wimbledon, a-t-il garanti.
Si Nadal a pris des risques dans ce tournoi, n'en prend-il pas non plus pour sa santé à long terme ? S'il n'a pas souhaité donner trop de précisions, l'Espagnol a confié avoir subi "plusieurs injections avant chaque match". Sachant qu'il en a joué sept, c'est tout sauf anodin. En 2016, lorsqu'il avait déclaré forfait avant son 16e de finale contre Marcel Granollers, quitter Roland-Garros avait été un crève-cœur. Mais les médecins avaient dit stop. Il avait déjà subi plusieurs infiltrations depuis le début du tournoi. Cette fois, il était prêt à aller au bout.
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Le jeu du champion vaut-il la chandelle de l'homme ? Sportivement, difficile de dire le contraire puisqu'il a encore triomphé dans son jardin de terre. Mais quid de l'aspect humain ? Si Nadal s'approche de la fin de sa carrière, il est encore un jeune homme de 36 ans. Joue-t-il à long terme avec sa santé ? On lui a demandé dimanche s'il lui arrivait de s'interroger à ce sujet. S'il avait fixé une limite. Une ligne à ne pas franchir. "La vie sera toujours plus importante qu'un autre titre, nous a-t-il répondu. Bien sûr, ma carrière tennistique a été une priorité. Mais ça n'a jamais été une priorité par rapport à mon bonheur, dans la vie."
Des propos en ligne avec ceux tenus vendredi, lorsqu'il avait déclaré que s'il avait le choix entre gagner un 14e Roland-Garros ou avoir un pied gauche tout neuf, il préférerait perdre en finale. Mais ses choix des deux dernières semaines ne contredisent-ils pas ses propres paroles ? Sur ce point, il a tenu à préciser. Non, le traitement anesthésiant n'aura pas d'impact sur l'état de son pied, a-t-il garanti. Sans quoi il ne l'aurait pas fait. "Pour être très clair, ce que j'ai au pied ne va pas être pire qu'avant après ces injections. Ce que j'ai au pied n'a pas empiré après cela.Donc oui, ça avait du sens de faire cela."
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Rafael Nadal et Casper Ruud après la finale.

Crédit: Getty Images

La ligne rouge, selon lui, serait de pérenniser cette option. Les piqûres anesthésiantes, c'est fini. "On ne peut pas continuer comme ça à long terme", a confirmé son entraîneur, Carlos Moya. Alors, maintenant, quel est le plan B ?
"Il est évident que je ne peux pas et que je ne veux pas continuer à jouer dans ces circonstances, promet le Majorquin. Sachant que les injections ont bien fonctionné, la semaine prochaine on va faire un traitement sur les deux mêmes nerfs. L'intervention consiste en des injections par radiofréquence pulsée (appliquer un courant électrique sur le nerf, ndlr) qui pourraient aider à diminuer la sensation de douleur permanente dans le pied. L'objectif, c'est de 'désactiver' le nerf, pas de manière aussi exagérée que maintenant où c'est complètement endormi, mais disons à moitié, de façon plus durable."
Rafael Nadal n'est plus très loin du quitte ou double. Car si cette option ne se traduit pas par des effets positifs, ne restera plus qu'une solution beaucoup plus radicale. "Si ça ne fonctionne pas, ce sera une autre histoire, admet l'intéressé. Il y a différentes options, dont une opération, mais c'est un choix de vie que je ne suis pas encore prêt à faire. Il faut voir si ça vaut le coup ou si ça n'a plus de sens. Envisager une opération qui pourrait améliorer la situation, mais qui ne me garantit pas du tout de pouvoir continuer..."
Au fil de ce Roland-Garros, la rumeur a couru, galopé même. Nadal allait-il prendre sa retraite de dimanche 5 juin en cas de nouveau titre, pour partir au sommet ? Cela n'a jamais été son intention, mais cette hypothèse était émise parfois, y compris parmi ses plus grands supporters, comme une espérance au moins autant que comme une crainte.
Souffrant du syndrome de Muller-Weiss, pathologie rare qui touche l'os naviculaire, situé sur le dos du pied, il cherche pour l'heure à composer avec plus qu'à le soigner véritablement. Parce que, comme il l'effleure lui-même, le véritable traitement radical, à savoir l'opération, entraînerait plus que probablement la fin de son histoire sportive. Pour prolonger la vie du champion qu'il ne sera pas éternellement, prend-il le risque d'atténuer le confort de l'homme qu'il est et restera au-delà de sa carrière ? Vaste sujet. Mais comme sur le court, lui seul est maître de ses décisions.
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