Le "Surhomme" contre le "Génie" : Avantage Alcaraz ?

L'un a remporté trois fois Roland-Garros. Entre autres accomplissements. L'autre a atteint la finale du tournoi parisien à deux reprises. Tous deux apportent depuis des années leurs éclaircissements en tant que consultants d'Eurosport. Mats Wilander et Alex Corretja, puisqu'il s'agit d'eux, sont avant tout deux amoureux de tennis et particulièrement celui proposé par Carlos Alcaraz et Novak Djokovic. Comme vous, comme nous, ils attendent avec impatience et excitation la confrontation de ce vendredi.

En Espagne, l'effervescence est grande. Alors que le règne de Rafael Nadal, tenant du titre, touche à sa fin, Alcaraz pourrait reprendre sans transition le flambeau pour un pays qui, rappelons-le, a remporté 19 des 30 dernières éditions du Grand Chelem parisien. "Tout le monde est vraiment très impatient de voir Carlitos réussir à Roland-Garros, nous explique Alex Corretja. Ils attendent ce grand choc contre Djokovic."

Visiblement, non seulement le pays est rangé derrière sa nouvelle pépite, mais avec en plus une foi presque inébranlable. "A la maison, reprend le vainqueur du Masters 1996, tout le monde est très confiant pour Alcaraz." Lui aussi, mais dans une certaine mesure. Car si le numéro un mondial s'est promené en dépit d'un tableau loin d'être ouvert (il a dû éliminer successivement Shapovalov, Musetti et Tsitsipas), affronter Novak Djokovic, c'est autre chose et il conviendrait de ne pas l'oublier.

"Je suis, comme les autres, convaincu que Carlos va répondre présent, être au rendez-vous et jouer du très bon tennis, mais il va souffrir, il doit se préparer à ça, parce que ce n'est pas simple du tout de battre Djokovic dans une rencontre au meilleur des cinq sets", prévient Corretja. Le prodige de Murcie n'a rien fait pour calmer les ardeurs de ses supporters en annonçant que sa confiance était "au maximum" avant ce qui est attendu comme le sommet du tournoi à défaut d'en être la finale.

"J'arrive à peine à croire qu'il puisse dire quelque chose comme ça avant d'affronter Novak Djokovic en demi-finale", soupire Mats Wilander. L'héritier du trône d'Espagne a beau n'avoir encore que 20 ans, il sait ce qu'il veut et ce qu'il est. "Il est en train de mettre le feu au tennis mondial, juge le Suédois. S'asseoir au bord du court pour le regarder jouer, c'est une sensation incroyable. Sa façon de frapper la balle, en coup droit notamment, c'est presque un manque de respect pour le jeu lui-même. Puis, tactiquement, il a été exceptionnel dans ce tournoi, sans jamais perdre pour autant son identité sur le court. C'est un surhomme."

Pour Wilander, c'est peut-être sur la dimension physique sur cette demi-finale peut se jouer. Novak Djokovic peut-il vraiment être battu physiquement dans une demi-finale de Grand Chelem, lui le monstre, le roc ? L'ancien numéro un mondial le croit. "Dans le jeu, Novak va trouver des solutions par rapport aux autres, aucun doute. Physiquement, c'est un génie. Mais la vitesse déployée autour du court par Alcaraz est telle que ça pourrait être un peu trop, même pour quelqu'un comme Novak." Si Wilander voit juste, ce serait une petite révolution.

Alex Corretja pointe tout de même un écueil potentiel pour son jeune compatriote : l'impatience. "Carlos a besoin de dicter le jeu, c'est sa nature. Il devra être très agressif, bien sûr, mais sans se précipiter, estime-t-il. Il doit être patient et attendre sa chance. C'est bien d'être créatif, mais il pourrait avoir besoin aussi de sens pratique, de ne pas tenter le coup gagnant trop vite, parce que Novak est un monstre de stabilité et s'il parvient à retrouver de l'efficacité au service, attention."

Pour résumer, notre consultant ibérique pense qu'à ce stade de leur carrière respective, "Carlos dispose d'un peu plus de variations dans son jeu, mais Novak a évidemment beaucoup plus d'expérience", soulignant que dans un match au couteau, l'argument du vécu est tout sauf neutre. "Je m'attends quoi qu'il arrive à une énorme bataille", ajoute Corretja, refusant d'envisager un scénario à sens unique dans quel sens que ce soit.

Reste un point : quelle sera l'attitude du public ? Même si Carlos Alcaraz est vite devenu un des chouchous des spectateurs, Mats Wilander ne serait pas si étonné de voir Novak Djokovic encouragé initialement. Mais à ses yeux, cela est surtout révélateur d'une vision inimaginable il y a encore quelques mois : Alcaraz est considéré par beaucoup comme le favori de cette demi-finale.

"Je pense que tout le monde doit sentir qu'il y a un petit problème pour Novak Djokovic, glisse Wilander. Carlos joue si bien que j'ai l'impression qu'ils pensent que c'est Novak qui va devoir se battre, donc pour être honnête je vois bien le public le soutenir au début." Djokovic est-il le seul joueur au monde aujourd'hui susceptible d'offrir une opposition digne de ce nom à Alcaraz ? Peut-être. "Et Novak sera capable de le faire", affirme Mats.