Roland-Garros 2023 - "Magui, aide-moi" : Tomas Etcheverry, au nom de la sœur

C'est donc lui. Dans un dernier quart de tableau dévasté après les éliminations de Daniil Medvedev et Jannik Sinner, théoriquement appelés à en découdre pour une place en demi-finale, il était garanti qu'au moins un invité surprise serait au rendez-vous. Tomas Etcheverry est l'heureux élu. Quoi que sa présence à ce stade ne doit rien à une quelconque intervention divine. Il est en quarts sans avoir perdu le moindre set, en ayant éliminé au passage Alex De Minaur et Borna Coric. Propre.

Cette quinzaine a des allures de conte de fées pour l'Argentin, qui n'avait jusqu'ici remporté qu'un seul match en Grand Chelem depuis sa première apparition, il y a un an et demi, à l'Open d'Australie. A bientôt 24 ans, il a pris son temps pour percer au plus haut niveau. Le natif de La Plata a posé les pieds dans le Top 50 pour la première fois il y a seulement deux semaines et flirtera, au pire, avec le Top 30 à l'issue de ce Roland-Garros.

Au cours de sa lente ascension, Tomas Etcheverry a, il est vrai, dû traverser quelques épreuves, comme ce début de cauchemar en Europe en septembre 2021. Après avoir joué un Challenger à Banja Luka, en Bosnie, il met le cap au nord, traversant plusieurs pays pour se rendre en Pologne, où il doit disputer un autre tournoi. Il n'arrivera jamais à Szczecin. Il est arrêté à la frontière allemande. Ne comprenant pas un mot de ce que lui disent les douaniers, il cherche à comprendre ce qu'on lui reproche.

"Dans un mélange d'anglais et d'allemand, ils m'ont expliqué que j'avais dépassé la limite de séjour, qui est de 90 jours dans les pays membres de l'Union européenne" racontera-t-il au quotidien argentin La Plata Day Newspaper. Il passe une nuit en cellule à Cologne avant d'être expulsé, malgré la tentative d'intervention de l'ATP. "J'ai été bien traité mais j'ai eu l'impression d'être un criminel", dira l'Argentin qui, une fois rentré au pays, sera testé positif au Covid-19 et placé à l'isolement pendant 10 jours dans un hôtel.

Mais ce n'est rien à côté du drame familial qui se noue. Depuis le mois de juin 2020, sa grande sœur, Magui, se bat contre un cancer du sein. Elle a finalement perdu ce combat en septembre 2022. Âgée de 32 ans, elle laisse deux enfants derrière elle. Depuis, Tomas a parfois eu du mal à se concentrer sur le tennis. Paradoxalement, c'est pourtant maintenant qu'il franchit cap après cap. Peut-être parce qu'il a puisé dans cette perte une force qu'il ne soupçonnait pas chez lui.

La force, c'est aussi celle que lui donne la grande absente de sa vie. Pas plus tard que lundi, lors de son huitième de finale face à Yoshihito Nishioka, il a fait appel à elle : "Ces derniers temps, je demande constamment à ma sœur de me donner de la force. Je sais qu'elle m'en donne toujours. Aujourd'hui, à un moment important du match, avant de servir, j'ai dit 'S'il te plaît Magui, aide-moi'. Et elle m'a aidé. J'ai servi un ace."

Au-delà de la quasi-spiritualité de sa quête, Etcheverry est surtout un sacré joueur de tennis, avec son coup droit lourd comme la pierre en porte-étendard. Il fait office de petit poucet parmi les rescapés du tableau, mais il n'a pas peur. Alexander Zverev, qu'il affronte mercredi pour une place dans le dernier carré ? "Je l'ai vu des millions de fois à la télé", plaisante-t-il. Mais il croit en ses chances : "Sascha Zverev, je pense qu'il a beaucoup plus d'expérience que moi, mais je joue un tennis incroyable cette semaine, le tennis de ma vie. Si je me concentre sur mon jeu, je peux le faire..."