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Roland-Garros 2024 | L'antisèche de la finale : Zverev rattrapé par ses démons, Alcaraz a dompté les siens
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Publié 09/06/2024 à 21:24 GMT+2
Au terme d'une finale forte en suspense et difficile à lire, Carlos Alcaraz est allé chercher son premier titre à Roland-Garros en battant Alexander Zverev (6-3, 2-6, 5-7, 6-1, 6-2) dimanche. Mais l'Allemand pourra nourrir des regrets tant il a aussi semblé en mesure de s'imposer. Quand il a mené, sa fébrilité l'a rattrapé et le Murcien en a bien profité pour reprendre définitivement le contrôle.
Corretja : "Alcaraz a gagné à Paris car il a accepté de souffrir et d'être patient"
Video credit: Eurosport
Le pourquoi du comment
Il est des matches dont la logique est claire comme de l'eau de roche. Des scores qui représentent parfaitement une dynamique, notamment quand ils sont à sens unique. Mais ce dimanche, sur le court Philippe-Chatrier, il fallait avoir des dons de voyance pour sentir quand le vent, qui a bien soufflé par séquences, allait tourner. Alexander Zverev et Carlos Alcaraz ont tour à tour paru avoir les clés d'une finale longtemps disputée sur un faux rythme.
La tension a évidemment joué un rôle majeur. Et rien ne pouvait mieux l'illustrer que les premiers coups de raquette de l'Allemand : deux doubles fautes et un break concédé d'entrée, difficile de se lancer plus mal. Tout aussi crispé, Alcaraz a rendu son avantage dans la foulée. Toutefois, c'est bien l'Espagnol qui a su le mieux entrer dans son match. Plus percutant, plus près de sa ligne, il s'est logiquement retrouvé en tête.
Et à vrai dire, en début de deuxième set, quand le protégé de Juan Carlos Ferrero a sauvé trois balles de break d'entrée pour faire la course en tête, il était envisageable de le voir poursuivre sur sa lancée contre un Zverev retranché bien trop loin en fond de court. Mais le vent a donc tourné, et dans des proportions assez inquiétantes pour le Murcien. Non seulement, le grand "Sascha" est revenu puis passé devant au score, mais il a surtout pris le dessus dans le bras de fer à l'échange. L'Allemand avait alors les clés et s'il était resté dans ses dispositions, l'issue aurait sûrement été différente.
Seulement voilà, Zverev n'a pas tenu ce rythme. La perspective d'un premier sacre en Grand Chelem a-t-elle pesé dans son bras et dans sa tête ? Au vu des deux derniers sets, l'hypothèse semble au moins crédible. Et suivant le principe des vases communicants, Alcaraz a alors surgi. Il a su, lui, se libérer de la tension qui l'a longtemps paralysé pour finir plus entreprenant, relâché et déterminé. Ce n'est pas un hasard si le Murcien a désormais remporté 11 des 12 matches qu'ils a joués au bout des cinq sets. Son caractère et son instinct de survie sont ceux d'un champion hors normes. Zverev ne peut, malheureusement pour lui, pas en dire autant.
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Les larmes de Carlos Alcaraz après son sacre à Roland-Garros
Crédit: Getty Images
Le moment clé
Il y en a eu énormément dans un match où les changements de dynamiques ont longtemps été la règle. Vu le score des deux dernières manches, le break d'entrée de quatrième manche d'Alcaraz agrémenté d'un "banana shot" à la Rafael Nadal en passing de coup droit gagnant a pesé lourd dans la reprise de pouvoir du Murcien.
Mais s'il devait y avoir un dernier tournant majeur à relever, ce serait celui du début du cinquième set. Alors qu'il venait de faire le break 2-1 après un jeu caviardé par Zverev, Alcaraz s'est à son tour retrouvé mené 0/40. Sur la deuxième balle de débreak, une double faute a été annoncée, mais l'arbitre, descendu de sa chaise, a estimé la balle bonne en inspectant la trace au grand dam de l'Allemand qui pensait avoir refait son retard (la télévision américaine a d'ailleurs dévoilé que pour le hawk-eye, la balle était faute, mais dans la marge d'erreur). Il n'est jamais revenu à hauteur.
La stat à retenir : 26 %
C'est le taux de réussite d'Alexander Zverev sur les balles de break. L'Allemand en a obtenu 23 et converti seulement 6. De son côté, Carlos Alcaraz s'est emparé 9 fois de l'engagement sur 16 occasions, soit plus de 56 % de conversion. Une grande partie du résultat de cette finale s'est joué là-dessus. Pour enfoncer le couteau dans la plaie, le grand Sasha n'a su saisir aucune de ses 5 opportunités dans la manche finale (2/4 pour Alcaraz).
La décla
Alexander Zverev à Carlos Alcaraz : "C'est incroyable. Un troisième Grand Chelem, ta carrière est déjà fantastique. Tu as déjà tant accompli : trois Grands Chelems sur trois surfaces à seulement 21 ans. C'est fantastique, tu as déjà ta place au Hall of Fame. A ton équipe, bravo ! J'aimerais dire autre chose, mais vous étiez trop forts encore pour moi. Vous êtes si sympas, et vous en avez pour de nombreuses années avec lui. Je suis heureux pour vous."
La question : Zverev arrivera-t-il un jour à trouver la clé en Grand Chelem ?
Avant cette finale, Alexander Zverev se considérait prêt à aller chercher un premier titre en Grand Chelem. Et pour cause, il estimait avoir fait du chemin en se relevant de deux traumatismes. D'abord, la finale de l'US Open 2020 perdue au bout du suspense au tie-break du cinquième set face à Dominic Thiem dans un concours de petits bras. A ce petit jeu-là, l'Autrichien avait fini par se montrer le moins friable, et ce alors que l'Allemand avait mené deux sets à rien et break dans le troisième set.
Ensuite, Zverev a relevé un défi bien plus périlleux en parvenant à revenir à son plus haut niveau deux ans après sa grave blessure à la cheville sur la même terre de Roland-Garros en demi-finale face à Rafael Nadal. A l'époque, il avait même eu peur de ne plus pouvoir rejouer au tennis au plus haut niveau. De cette épreuve, il semblait avoir tiré une force mentale supérieure, de celles et ceux qui ont survécu au pire et n'envisagent la suite que comme un bonus et un plaisir. Mais ce dimanche, l'Allemand a été rattrapé par ses vieux démons.
Alors qu'il était clairement en mesure d'aller chercher le Graal, il s'est liquéfié dans le quatrième set. C'est peut-être le signe d'une limite rédhibitoire dans ces altitudes, celle qui sépare les excellents des grands joueurs. Nul doute que s'il conserve cette qualité de tennis, Zverev obtiendra d'autres occasions. Mais saura-t-il les saisir ? C'est toute la question. A ce stade de sa carrière, on peut en douter. D'autant que les Carlos Alcaraz et autre Jannik Sinner ne sont vraisemblablement qu'au début de leur aventure.
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