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Grand Chelem, agonie et Nadal héroïque : Le Top 100 de l'US Open (20-11)

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 10/09/2020 à 15:30 GMT+2

US OPEN - On se rapproche du dénouement de notre classement des 100 plus grands matches de l'histoire du Grand Chelem américain dans l'ère Open. Ce jeudi, place aux rencontres classées entre la 20e et la 11e place. Pour être clair, il n'y a ici que des moments de légende...

Le Top 100 de l'US Open

Crédit: Eurosport

Dossier réalisé par Laurent Vergne, Maxime Battistella et Rémi Bourrières

20. Roger Federer - Andre Agassi

Edition : 2005
Finale
Vainqueur : Roger Federer (Suisse)
Adversaire : Andre Agassi (Etats-Unis)
Score : 6-3, 2-6, 7-6(1), 6-1
Une finale "romantique". Roger Federer avait posé l'acte fondateur de sa carrière en battant Pete Sampras à Wimbledon en 2001. Quatre ans plus tard, il boucle d'une certaine manière la boucle avec la génération précédente en dominant Andre Agassi en finale de l'US Open. Sa seule finale face au natif de Vegas. Et la dernière grande finale de l'Américain. Pour Agassi, quoi de plus beau que de jouer son dernier grand match face à Federer ?
D'autant que, contrairement à ce que beaucoup pensaient, il va donner une vraie réplique au Suisse, qui est alors au faîte de sa domination. Rafael Nadal vient tout juste d'émerger en remportant son premier Roland-Garros, mais en cette année 2005, l'Espagnol ne constitue pas encore une menace directe sur les autres surfaces pour le Suisse. Dans la foulée de son troisième sacre consécutif à Wimbledon, il est archi-favori de l'US Open, dont il est également le tenant du titre. Agassi a beau être une légende vivante, à 35 ans, on le voit mal contrarier Federer.

Ce n'est certes pas la finale du siècle. Federer comme Agassi ont déjà beaucoup mieux joué qu'au cours de ce match. Mais l'affiche en elle-même suffit à électriser Flushing. Le court Arthur-Ashe est transformé en arène et l'ambiance est plus proche de celle d'un stade de foot que de tennis. Quand Agassi réussit le break pour mener 4-2 alors que les deux joueurs sont à égalité à un set partout, l'exploit semble possible et les 23 000 spectateurs deviennent fous.
Mais Federer, lui, reste calme. En gardant le fil de son jeu, il va ramener Agassi et le public à la raison en remportant le troisième set, décisif. Derrière, Dédé n'avait plus la force de lutter. Le quatrième set ne sera qu'une formalité. C'est un match pour nostalgiques, à voir et revoir pour l'ambiance mais surtout comme un rendez-vous unique. Une sorte de "feel good" finale, comme on parle d'un "feel good" movie. Un match qui vous fait vous sentir bien.

19. Novak Djokovic - Roger Federer

Edition : 2010
Demi-finale
Vainqueur : Novak Djokovic (Serbie)
Adversaire : Roger Federer (Suisse) Score : 5-7, 6-1, 5-7, 6-2, 7-5
C'est sans doute ce jour-là que Novak Djokovic est entré dans la tête de Roger Federer. Avant cette fameuse demi-finale de l’US Open 2010, le Bâlois dominait assez confortablement leur rivalité, 10 victoires à 5, et surtout 4-1 dans leurs duels en Grand Chelem. Sa seule défaite face au Serbe au meilleur des cinq sets était intervenue deux ans plus tôt en demi-finale de l’Open d’Australie. Et si "Nole" avait incontestablement prouvé alors qu’il était digne de manger à la table des géants, la mononucléose qui affectait le Suisse avait un peu faussé les débats.
A Flushing Meadows en revanche, c’est Federer qui fait la loi. Le Suisse reste sur six finales consécutives dont cinq titres entre 2004 et 2008 et il n’a même perdu qu’un set face à Djokovic en trois confrontations (finale 2007, demi-finales 2008 et 2009). Incontestablement, sa marge se rétrécit. Quelques semaines plus tôt, à Toronto, il avait dû s’arracher pour l’emporter dans une autre demi-finale électrique (6-1, 3-6, 7-5). Mais dans les moments de tension, il semble encore au-dessus de son jeune rival.
Le scénario, d’ailleurs, le confirme. Pas franchement à son aise en fond de court, Federer parvient tout de même à hausser le ton quand les circonstances l’exigent. En fin de 1er et de 3e sets, il met un coup de collier et prend le filet d’assaut avec réussite (40 points marqués sur 55 montées) pour passer à chaque fois devant. Mais physiquement, il ne donne pas toutes les garanties : un peu emprunté dans son jeu de jambes, il ne trouve pas de continuité dans son jeu. Dans les 2e et 4e manches, son niveau baisse drastiquement notamment au service (seulement 53 % de 1ères balles) et Djokovic, beaucoup plus régulier, le lui fait logiquement payer.
Mentalement pourtant, le Suisse trouve les ressources nécessaires pour serrer le jeu dans le 5e set et se retrouve avec deux balles de match à la relance à 5-4, 15/40. A deux reprises, il peut profiter de secondes balles, mais s’attache avant tout à faire jouer son adversaire. Et "Nole" ne se fait pas prier. Avec un culot et un courage monstres, il les efface grâce à une volée liftée gagnante de toute beauté et une attaque de coup droit croisée en décalage. Passé à un point de retrouver enfin Rafael Nadal en finale à Flushing, Federer paie finalement sa passivité et perd les trois derniers jeux de la partie.
"J'aurais adoré joué contre lui en finale ici. J’étais en finale les six dernières années, et Nadal, malheureusement, n’était jamais là. C’est évidemment décevant, surtout quand on passe à un point de le faire", fait observer le Bâlois. Aussi déçu que la majorité des fans new-yorkais qui l’ont soutenu contre vents et marées, faisant fi parfois du fair-play en applaudissant les fautes adverses. Djokovic, lui, peut se frapper le torse de joie, un an après avoir vu Federer lui infliger le coup de grâce au même stade de la compétition d’un tweener mémorable. Ce succès lui permet de ravir la place de numéro 2 mondial à un rival contre lequel il n’a plus perdu depuis à New York.

18. Jimmy Connors - Björn Borg

Edition : 1976
Finale
Vainqueur : Jimmy Connors (Etats-Unis)
Adversaire : Björn Borg (Suède)
Score : 6-4, 3-6, 7-6, 6-4
"Nous nous sommes entretués." La phrase de Jimmy Connors n’est évidemment pas à prendre au pied de la lettre, mais elle dit tout de la violence, de l’intensité et de l’exceptionnel combat qu’il a livré contre Björn Borg ce dimanche 12 septembre 1976. Sur la terre battue de Forrest Hills, les deux premières têtes de série du tournoi se sont données rendez-vous pour une finale de rêve qui tient en haleine, plus de trois heures durant, les 16 253 spectateurs présents.
L’Américain et le Suédois ont en effet survolé la saison de tennis. Numéro 1 mondial sans discontinuer depuis deux ans, "Jimbo" a déjà remporté 9 trophées cette année-là quand il se présente à Flushing, mais pas un seul en Grand Chelem. Il faut dire qu’il ne s’est présenté qu’à Wimbledon où Roscoe Tanner l’a surpris en quart de finale. Le gazon londonien justement, "Ice Borg" l’a conquis pour la première fois, et ce sans perdre le moindre set, se vengeant ainsi de sa défaite surprise contre Adriano Panatta à Roland-Garros, dont il était double tenant du titre.
Terrien redoutable avec son lift révolutionnaire, Borg semble taillé pour conquérir Forest Hills. Mais face à Connors, il fait un petit complexe puisqu’il reste sur cinq défaites d’affilée. L’année précédente, il avait subi sa loi en trois sets (7-5, 7-5, 7-5), déjà sur terre battue. Mais cette fois, il tient la cadence infernale de l’Américain. Après s’être partagé les deux premières manches, les deux hommes jettent toutes leurs forces dans la bataille dans la 3e. Sur chaque point, ils semblent jouer leur vie. A tel point que Borg n’hésite pas à plonger pour tenter de ramener un fulgurant revers adverse, se relevant avec difficulté et le genou écorché.
Un peu perturbé, il laisse alors Connors prendre le large, mener 4-2, 40/0, avant une superbe réaction de champion pour revenir à hauteur, puis disputer un tie-break. Sur un fil, "Jimbo" sauve alors quatre balles de set en conquérant : une volée puis un coup droit gagnants à 4/6 contre lui, puis deux smashes à 7/8 et 8/9. A 9 partout, les deux rivaux sont tellement concentrés qu’ils en oublient de changer de côté, rappelés à l’ordre par l’arbitre. Et c’est finalement l’Américain qui porte l’estocade après 20 points époustouflants.
"Aujourd’hui, il a vraiment fallu que je me défonce et que je joue mon meilleur tennis pour battre Björn. Je crois honnêtement que nous avons fait un match fantastique et que ma victoire n’a pas tenu à grand-chose. Cela dit, durant tout le tournoi, je me suis bien conduit, je n’ai rien fait de désagréable. Hé les gars, vous me préférez comme ça ou comme avant ?", s’amuse un Connors transformé, inhabituellement élogieux. Le public est debout pour saluer les deux gladiateurs. Pour Borg, la désillusion n’est pas si grande, conscient qu’il est de la qualité de l’adversité. Mais il en connaîtra d’autres bien plus amères.

17. John McEnroe - Björn Borg

Edition : 1981
Finale
Vainqueur : John McEnroe (Etats-Unis)
Adversaire : Björn Borg (Suède)
Score : 4-6, 6-2, 6-4, 6-3
Le dernier duel d’une rivalité mythique. John McEnroe et Björn Borg n’auront finalement croisé le fer qu’à 14 reprises sur le circuit, une broutille au regard des bilans gargantuesques entre les membres de l’actuel "Big 3" : 55 Nadal-Djokovic, 50 Djokovic-Federer et 40 Federer-Nadal. Mais ils auront marqué l’histoire de leur sport au moins autant que les trois derniers cités. Comment rester insensible à l’opposition de styles et de caractères entre le génial et colérique gaucher américain et le révolutionnaire (bien que taiseux) droitier suédois ?
Premières vraies stars du jeu – surtout dans le cas de Borg –, les confrontations entre les deux hommes ont aussi coïncidé avec l’âge d’or d’un tennis mondial alors en plein "boom". Et si tous les fous de petite balle jaune se souviennent – ou se sont intéressés a posteriori pour les plus jeunes d'entre nous - du match du siècle à Wimbledon un an plus tôt, les deux rivaux ont aussi croisé le fer à deux reprises à Flushing Meadows. Avec la même issue, une victoire finale de McEnroe, parachevant la malédiction d’"Ice Borg" outre Atlantique.
Passé près d’assouvir sa quête en 1980 – il n’avait perdu qu’au bout des cinq sets –, le Suédois se sera fait moins d’illusions pendant cette finale 1981. Pourtant, son parcours pouvait lui laisser espérer que cette fois, c’était la bonne. Deux sets seulement lâchés (face à Yannick Noah et Roscoe Tanner en huitième et en quart) avant le match pour le titre, il n’avait jamais fait mieux auparavant sur la scène new-yorkaise. Surtout, il a enfin pris le meilleur (et largement) sur Jimmy Connors, son précédent bourreau à l’US Open (défaites en demie en 1975, puis en finale en 1976 et 1978).
Borg maintient l’illusion l’espace d’un set, le premier, qu’il remporte à la grande joie d’un public qui espère majoritairement enfin le voir triompher à New York, alors même qu’il fait face à l’enfant terrible de la ville. Mais Borg ne parvient pas à maintenir cette intensité, et la tendance entre les deux hommes, initiée l’année précédente sur la même scène, se confirme inexorablement. Si on le compare aux précédentes batailles, ce match est presque triste. C’est le chant du cygne d’un immense champion qui s’éclipse même avant la cérémonie de remise des trophées.
Frustré pour la quatrième et dernière fois à l’US Open, le Suédois aurait-il du mal à encaisser cet énième revers ? Ce n’est pourtant pas le genre de la maison. Classe et fair-play en toutes circonstances, Borg est en fait préoccupé. La veille, il a reçu une menace de mort par téléphone alors qu’il écrasait "Jimbo". Puis, au cours du 1er set de la finale, il en reçoit une seconde dont il ne sera informé qu’après sa défaite évidemment.
"C'est possible qu’il ait été perturbé. Il ne semblait pas jouer à son niveau", observera McEnroe qui réalise de son côté un triplé inédit à l’US Open (1979, 1980, 1981), et depuis Bill Tilden (1920-1925) dans le tournoi. Borg venait, lui, tourner la page de son dernier Majeur, escorté par 7 agents de police. Triste sortie.

16. Manuel Orantes - Guillermo Vilas

Edition : 1975
Demi-finale
Vainqueur : Manuel Orantes (Espagne)
Adversaire : Guillermo Vilas (Argentine)
Score : 4–6, 1–6, 6–2, 7–5, 6–4
Un des plus formidables retournements de situation de l'histoire du tennis. Et pas dans un petit match, mais dans une demi-finale. Lors de cette édition 1975, l'US Open a abandonné le gazon pour la terre battue. Une courte parenthèse puisqu'après le déménagement à Flushing Meadows en 1978, le tournoi américain optera définitivement pour le "dur". Mais elle va faire le bonheur de joueurs comme Manuel Orantes et Guillermo Vilas. Grands spécialistes du jeu sur terre, ils vont remporter deux de ces trois éditions.
En 1975, Orantes et Vilas s'affrontent justement en demi-finale. A 26 ans, Orantes est une figure bien connue du circuit. Révélé à 19 ans à l'Open d'Australie, où il a atteint les quarts de finale en 1968, on l'a également vu en demie à Wimbledon et surtout en finale à Roland-Garros, en 1974. Mais après avoir mené deux sets à rien face à un gamin nommé Björn Borg, il s'était écroulé. Face à Borg, Vilas, ou Jimmy Connors, l'Espagnol peine à exister. C'est un excellent second rôle mais sa discrétion extrême ne l'aide pas à se hisser sur le devant de la scène.
Mais cet US Open 1975, c'est son heure de gloire. Vainqueur de Nastase en quarts, il signe un miracle pour accéder à la finale. Ce match a dû hanter les nuits de Guillermo Vilas pendant des années. Il domine copieusement Orantes, menant 6-4, 6-1, 2-0. Un premier trou noir de l'Argentin permet à son adversaire d'aligner six jeux pour glaner ce 3e set. Qu'à cela ne tienne, dans la manche suivante, Vilas s'envole : 5-0. C'est plié. Guillermo va servir deux fois pour la victoire et obtenir cinq balles de match, mais rien n'y fait. L'Espagnol remporte un jeu, puis deux, puis cinq, puis sept.
Le public de Forest Hills s'entiche alors du Catalan et le pousse jusqu'à la victoire. Ce monumental exploit ne sera pas sans lendemain. En finale, Orantes surprend le favori et tenant du titre Jimmy Connors, qui avait pourtant collé trois sets à Borg dans l'autre demi-finale. Dans l'ère Open, 14 titres majeurs ont été remportés chez les hommes par des joueurs étant passé à un point de la défaite. Les douze derniers en ont sauvé une ou deux. Le premier, John Newcombe, en avait sauvé trois en Australie en 1975. Mais les cinq balles de match écartées par Orantes contre Vilas constituent un record absolu. Pour un des plus grands miracles jamais vus.

15. Ivan Lendl - Pat Cash

Edition : 1984
Demi-finale
Vainqueur : Ivan Lendl (Tchécoslovaquie)
Adversaire : Pat Cash (Australie)
Score : 3-6, 6-3, 6-4, 6-7, 7-6
Le premier volet de l'inégalable triptyque du fameux "Super Saturday" de 1983. Lendl - Cash, c'est l'opposition de style rêvée. Beau gosse, talentueux, attaquant acharné, l'Australien est l'antithèse du Tchécoslovaque, plus robotique et aussi rayonnant que le soleil d'Ostrava au mois de novembre. Lendl, c'est le type que, déjà, on adore détester.
A 19 ans, Pat Cash réussit la meilleure saison de sa jeune carrière. A Wimbledon, il s'est révélé, battant Wilander, Curren et Gomez avant de s'incliner en demi-finales contre McEnroe. Le voilà donc à nouveau dans le dernier carré, deux mois plus tard, à New York. Sans complexe, il prend le filet d'assaut et glane la 1re manche, 6-3.
Lendl réagit et empoche les deux suivantes (6-3, 6-4), avant que Cash n'arrache le 4e set au jeu décisif, sauvant au passage une balle de match. Le dernier acte se déroule dans une atmosphère irrespirable. Le public américain prend fait et cause pour le jeune Aussie, quitte à tutoyer la ligne jaune à plusieurs reprises. Déjà installé aux Etats-Unis, Lendl commence à évoquer son désir d'obtenir la nationalité américaine. La foule hostile lui fait comprendre qu'il n'est pas chez lui, au rythme des "Ivan, go home". Chacune des fautes de Lendl est saluée par une bordée d'applaudissements. Une ambiance aussi contraire aurait désarçonné le natif d'Ostrava quelques mois plus tôt.
Mais sa victoire à Roland-Garros, au printemps, sa première dans un tournoi majeur, l'a transfiguré. Il n'est plus ce "chicken" (NDLR: Poule mouillée) que Jimmy Connors moquait depuis quelques années déjà. Alors le Tchèque s'accroche au coeur du maelstrom. A 6-5 en faveur de Cash, il se trouve cependant dos au mur, avec une balle de match contre lui. Evidemment, l'Australien se précipite au filet. Sa volée est parfaite. Longue, décroisée, puissante. Et pleine ligne. Elle va expédier son auteur vers sa première grande finale.
Lendl sort alors, en bout de course et de raquette, un improbable lob de coup droit. Un coup de poker désespéré. Miracle, il sort double six aux dés : au terme d'une trajectoire idéale, la balle retombe sur la ligne et Cash est poussé à la faute. Un coup impossible, et pourtant gagnant. L'exploit de Lendl surchauffe un peu plus le central. Quelques instants plus tard, sur un point litigieux, Cash invective même son adversaire au filet, et les deux hommes ne sont pas loin d'en venir aux mains. Ce sont alors deux gladiateurs dans l'arène.
Il faut un nouveau tie-break pour les départager. Plus agressif, Lendl s'en sort, avec notamment à 5-4 un fantastique passing de revers long de ligne en bout de course pour s'offrir deux balles de match. Seul contre tous, Lendl, qui sort sous les huées de la foule, a gagné. Après 3h40 de combat, Flushing vient de connaître davantage d'émotions sur ce seul match que sur tout le reste de la quinzaine. Lendl, lui, passe avec succès une nouvelle étape de sa maturation.
Thomas Boswell, l'éditorialiste du Washington Post, mesure la portée de cette victoire pour le Tchécoslovaque. "L'histoire retiendra ce jour et ce match comme le tournant d'une carrière, où un homme fragile a enfin trouvé son cœur".

14. Rafael Nadal - Dominic Thiem

Edition : 2018
Quart de finale
Vainqueur : Rafael Nadal (Espagne)
Adversaire : Dominic Thiem (Autriche)
Score : 0-6, 6-4, 7-5, 6-7(4), 7-6(5)
L'un des matches les plus brutaux, les plus violents qui aient jamais eu lieu à New York. Nadal-Thiem, c'est la revanche de la finale de Roland-Garros et même s'il joue là son premier quart de finale en Grand Chelem ailleurs qu'à Paris, beaucoup d'observateurs croient l'Autrichien - premier top 20 affronté par Nadal à l'US Open depuis cinq ans ! - capable de bousculer son adversaire davantage qu'il ne l'avait fait Porte d'Auteuil, où il s'était fait marcher dessus.
Eh bien, ils ont raison. Mais sans doute n'imaginaient-ils quand même pas que le début de match serait autant à sens unique en faveur de "Dominateur", vainqueur du 1er set en 24 minutes d'une bulle qui n'a rien à voir avec celle qu'on connaît cette année à New York. Le 4e "bagel" encaissé par Nadal en Grand Chelem après ceux face à Roddick (US Open 2004), Federer (Wimbledon 2006) et Berdych (Open d’Australie 2015)… A chaque fois, l'Espagnol s'était incliné.
Sauf que là, Nadal se remet parfaitement dans (et de) sa bulle. C'est alors que match devient grandiose. Thiem multiplie les coups de marteau (74 coups gagnants) et Nadal, dominé dans sa propre filière, se réfugie dans une stratégie ultra-offensive (56 montées, dont 36 gagnantes). L’Autrichien sert pour le 3è set à 5-3, tandis que Nadal n'est pas si loin de plier le match en 4 sets. Finalement, ce duel splendide ne trouvera son épilogue qu'au "bout du bout" du 5e set, dénué de break. Et c'est très bien comme ça.
L'ultime tie-break constitue une forme d'apothéose de ce concours de lancers de bûches. Le suspense se prolonge jusqu'à 5 points partout. Moment choisi par Nadal pour aller chercher au filet un point capital, malgré la défense lunaire de Thiem. C'en est trop pour ce dernier qui, K. O. debout, expédie sur la balle de match un smash affreux loin des limites. Comme un pâté en guise de paraphe à un chef d'œuvre.
Un chef d'œuvre de 4h49, qui s'achève à 2h04 du matin, pas si loin du record (2h26) conjointement détenu par trois matches (Wilander-Pernfors 1993, Kohlschreiber-Isner 2012, Nishikori-Raonic 2014). Nadal vocifère sa rage. Mais, déjà survivant d'un marathon de 4h23 au 3e tour contre Khachanov, il paiera ses efforts en demies où, touché au genou, il abandonnera contre Del Potro.

13. John McEnroe - Ilie Nastase

Edition : 1979
2e tour
Vainqueur : John McEnroe (Etats-Unis)
Adversaire : Ilie Nastase (Roumanie)
Score : 6-4, 3-6, 6-3, 622
Le match le plus dingue et le plus détestable de l'histoire de Flushing Meadows. Ce n'est pas la qualité purement tennistique de ce 2e tour de l'édition 1979 qui justifie sa place ici, mais bien son atmosphère extravagante. Nastase et McEnroe. Les deux pires caractères de l'histoire du tennis face à face. A 33 ans, le Roumain n'est plus que l'ombre du champion qu'il fut. Face à un McEnroe en route pour son premier titre du Grand Chelem, il ne peut plus rivaliser tennistiquement.
Alors il va faire tourner ce match à la farce. Nastase, homme à l'humour dévastateur dans la vie de tous les jours, pouvait devenir abject une fois sur le court. Capable d'insulter arbitres et adversaires en six langues différentes, il n'a peut-être jamais fait aussi fort que lors de ce match. Cherchant à pousser à bout son jeune adversaire, "Nasty Nastase" tombe sur un client en la matière. A vrai dire, l'élève dépassera vite le maitre, mais à cette époque, il reste la référence en la matière.
Rapidement, le match devient interdit aux moins de 18 ans. Sale moment pour l'arbitre de chaise, Frank Hammond. Dans le 4e set, n'ayant d'autre choix que de sévir devant les provocations répétées du Roumain, il lui donne un avertissement, puis un point de pénalité, alors que Nastase fait semblant de dormir au fond du court. Le juge-arbitre arrive et demande à Hammond de déclencher son chrono. Si Nastase ne reprend pas le jeu, il sera disqualifié. Une minute plus tard, l'arbitre prononce la sentence : "jeu, set, match, McEnroe".
Le public devient incontrôlable. Des cannettes de bière fusent sur le court et des bagarres éclatent. C'est alors que Bill Trabert, le directeur du tournoi, arrive et demande à Hammond de quitter le court et autorise Nastase à reprendre le match. Surréaliste. Trabert expliquera avoir eu peur d'une émeute incontrôlable. McEnroe s'impose finalement en quatre sets et les deux joueurs finiront leur soirée… ensemble autour d'un verre. Flushing trainera longtemps une réputation sulfureuse qui prend sa source dans cette partie heureusement unique en son genre. On aime ou on déteste, mais il n'y a que Flushing pour générer ça. Enfin, sauf cette année...

12. Pete Sampras - Alex Corretja

Edition : 1996
Quart de finale
Vainqueur : Pete Sampras (Etats-Unis)
Adversaire : Alex Corretja (Espagne)
Score : 7-6, 5-7, 5-7, 6-4, 7-6
Ce n'est qu'un quart de finale. Pour un joueur comme Pete Sampras, quintuple vainqueur à Flushing Meadows avec trois autres finales en prime, pas l'évènement du siècle. Mais ce match a fait beaucoup pour la perception du public de ce champion hors normes auquel on a parfois reproché son côté un peu trop lisse.
Ce quart de finale, c'est une double victoire pour Sampras : sur un Alex Corretja immense, et peut-être plus encore sur lui-même, tant il a su repousser son propre seuil de tolérance à la souffrance. En cette année 1996, Sampras traverse une saison difficile. La plus pénible pour lui depuis qu'il a pris le pouvoir sur le tennis mondial en 1993. C'est la première fois depuis quatre ans qu'il arrive à New York sans avoir glané le moindre titre majeur dans l'année. Même Wimbledon lui a échappé. Il joue donc sa saison à quitte ou double à l'US Open.
Et il n'est pas totalement serein. Il a même besoin de cinq sets pour s'en sortir au 3e tour face à Jiri Novak. Alex Corretja n'incarne a priori pas une grosse menace. A cette époque, il est d'abord, et même presque exclusivement, un joueur de terre battue. Avant cet US Open, l'Espagnol n'avait d'ailleurs jamais passé le deuxième tour ailleurs qu'à Roland-Garros. Mais Corretja est transfiguré en cette fin d'après-midi. Il livre le match de sa vie, hissant son niveau de jeu à la hauteur de son prestigieux adversaire et parfois même, au-dessus.
Le premier set, remporté au jeu décisif par Sampras, donne le ton de ce combat de titans. Le numéro un mondial pense peut-être avoir fait le plus dur. Il se trompe. Par deux fois, dans les deuxième et troisième sets, Corretja le breake dans le onzième jeu. A ce moment-là, Sampras est d'autant plus mal embarqué qu'il a déjà bien entamé ses réserves. Lorsqu'il égalise à deux manches partout, il est plus que dans le rouge. Au changement de côté, juste avant le début de la manche décisive, Sampras a le regard vide. Trois jeux plus tard, il fait intervenir le médecin. Il ne joue plus. Il survit. Grâce à son service, qui lui permet de tenir jusqu'au tie-break.
Dans celui-ci, à 1-1, Sampras erre au fond du court. D'un seul coup, il se met à vomir. Plusieurs fois. Pendant une trentaine de secondes. Pendant ce temps, Corretja ajuste son cordage, se demandant sans doute si son adversaire va abandonner. Mais non, le match reprend, presque comme si de rien n'était. A partir de là, à chaque point, Sampras, agonisant, se plie en deux, les mains sur les genoux. Il va devoir disputer 14 points entre ses vomissements et la balle de match. Un long supplice. A 7-6 contre lui, Sampras doit écarter une balle de match.
Là, sur ses deux points de service, il va peut-être se montrer plus grand qu'il ne l'a jamais été dans toute sa carrière, compte tenu du contexte. Il vient sauver cette balle de match au filet. Corretja lui glisse pourtant deux passings magnifiques, dont un dans les pieds. Mais Sampras est là. A 7-7, il sort un ace sur deuxième balle. Le public est debout.
Corretja ne va pas s'en remettre : il commet une double faute. Terrible dénouement. Un tel match méritait évidemment une autre fin. Corretja est à genoux, inconsolable. Sampras, lui, n'a même pas levé les bras. Venir au filet s'apparente à un Iron Man. Il y trouve les bras de Corretja, comme un refuge. A sa sortie du court, Sampras, totalement déshydraté, sera mis sous perfusion. "Il n'aurait pas tenu 10 minutes de plus, il se serait évanoui", expliquera un des médecins présents. Flushing a en a vécu des tie-breaks dantesques au 5e set. Mais celui-là reste sans doute le plus dramatique de tous.

11. Rod Laver - Tony Roche

Edition : 1969
Finale
Vainqueur : Rod Laver (Australie)
Adversaire : Tony Roche (Australie)
Score : 7-9, 6-1, 6-2, 6-2
C'est une journée bien tristounette pour rentrer dans la légende. Ce lundi 8 septembre, il pleut à seau sur New York, comme la veille d'ailleurs, obligeant les organisateurs à décaler d'un jour cette finale 100% australienne – et 100% gaucher – mais aussi à dépêcher un hélicoptère pour voler en rase-motte au-dessus de Forest-Hills et faire ainsi un effet sèche-cheveux géant au-dessus des courts en gazon transformés en un bourbier marécageux.
Cette météo exécrable a découragé le public, malheureusement bien maigre pour ce jour chargé d'histoire (environ 4 000 spectateurs), et va avoir un effet important sur l'issue de ce match, dernier obstacle qui sépare Rod Laver du second Grand Chelem de sa carrière (après 1962). Car malgré les efforts déployés, l'herbe s'avère extrêmement glissante, à la limite de l'injouable. Et dans ces conditions, Laver n'est pas à l'aise. Il n'est pas non plus très confiant à l'idée de retrouver un compatriote qui l'a déjà battu à cinq reprises cette année, même s'il aurait encore moins aimé affronter John Newcombe, le dernier homme à l'avoir battu – trois mois plus tôt au Queens' -, victime de Roche en demi-finale.
Bafouillant ses appuis, se retrouvant régulièrement le cul par dessus bord, et servant particulièrement mal, Laver concède le 1er set, non sans avoir mené 5-3. Il demande alors l'autorisation à l'arbitre d'enfiler ses chaussures à pointes. Un choix risqué mais judicieux. Roche, lui, ne le fait pas, parce qu'il craint que les déplacements heurtés imposés par les pointes n'aggravent la gêne musculaire qu'il ressent depuis sa demi-finale.
Finalement ce changement de pneumatiques va changer la face du match. La machine à Laver se remet en marche. Elle va essorer son rival. "Rocket" survole les trois derniers sets et scelle sa victoire en 1h53. "Dans mon euphorie, j'ai oublié ma dignité et j'ai sauté par-dessus le filet, ce que j'ai regretté aussitôt, raconte-t-il dans son autobiographie. Je l'avais déjà fait en 1957 après avoir remporté à 19 ans ma première victoire sur un top joueur. Mais j'avais heurté le filet et je m'étais écrabouillé au sol J'aurais dû retenir la leçon : ça ne se fait pas d'afficher sa joie au nez de son adversaire."
Qu'il se rassure, Laver n'a choqué personne et sa joie paraît au contraire bien mesurée en comparaison des scènes d'hystérie auxquelles on assiste parfois aujourd'hui. Il avait quand même quelque raisons d'être heureux. A 31 ans, il venait de signer ce qui reste encore le seul Grand Chelem masculin de l'ère Open. Et quelques jours après, sa femme allait lui donner son premier enfant...
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