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Wimbledon : Medvedev, Tsitsipas, Zverev outsiders, vraiment ? Le gazon ne leur a pas souri jusqu'ici

Maxime Battistella

Publié 27/06/2021 à 13:24 GMT+2

WIMBLEDON - Daniil Medvedev, Stefanos Tsitsipas et Alexander Zverev peuvent légitimement nourrir l’ambition d’aller au bout de la quinzaine londonienne qui s’ouvre lundi. Pourtant, ils n’ont pas particulièrement brillé sur herbe depuis le début de leur carrière. Sauront-ils relever le défi vert cette année ?

Stefanos Tsitsipas, Wimbledon 2019

Crédit: Getty Images

A eux trois, ils ont déjà atteint quatre finales en Grand Chelem. Daniil Medvedev (US Open 2019, Open d’Australie 2021), Stefanos Tsitsipas (Roland-Garros 2021) et Alexander Zverev (US Open 2020), d’ailleurs également sacrés au Masters lors des trois dernières saisons, ont franchi un cap majeur et incarnent avec de plus en plus de crédibilité la relève du Big 3. En l’absence de Rafael Nadal et Dominic Thiem, et alors que l’état de forme de Roger Federer suscite bien des interrogations, les regards se tournent naturellement vers eux pour incarner les obstacles principaux au grand favori Novak Djokovic à Wimbledon.
Seulement, les trois loustics ont un autre point commun beaucoup moins reluisant pour des joueurs de leur envergure. Ils n’ont jamais dépassé les huitièmes de finale sur le gazon du All England Club. Pour Medvedev, c’est même pire : il n’est jamais allé plus loin que le 3e tour, battu en cinq sets par David Goffin lors de sa dernière tentative. Le décalage est suffisamment frappant par rapport à leurs performances à Paris (même si le Russe n’y a connu le déclic qu’il y a quelques semaines), Melbourne ou New York pour être souligné. Les trois anciens représentants de la "Next Gen" seraient-ils donc allergiques au gazon et, si oui, pourquoi ?
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Quelques lacunes techniques mais pas rédhibitoires sur le gazon moderne

A priori pourtant, ils possèdent les qualités physiques pour y exceller. Très grands - Medvedev et Zverev font 1 mètre 98, Tsitsipas 1 mètre 96 -, ils disposent tous les trois d’une excellente première balle, ce qui est primordial sur herbe. Pour leur taille justement, ils se déplacent aussi très bien. Alors serait-ce techniquement que le bât blesse ? "Peut-être que Medvedev maîtrise moins bien le slice de revers. Mais quand on a son revers à plat qui fuse comme lui, ce n’est pas facile à maîtriser pour l’adversaire en face sur gazon", estime Arnaud Di Pasquale. D'ailleurs, le Russe l'a bien montré cette semaine à Majorque.
Peut-être plus complet tennistiquement parlant, Tsitsipas pèche lui davantage par l’amplitude de ses mouvements, en coup droit comme en revers, sur une surface où les petits ajustements sont primordiaux, notamment à cause des rebonds bas. Mais là encore, notre consultant n’est pas totalement convaincu. "Il a de grandes préparations, mais ce n’est pas le premier dans ce cas et il est capable de s’adapter, assume DIP. C’est une question de timing, plus que de préparation. Est-ce qu’il a l’œil ? Je ne sais pas. En tout cas, en ce qui concerne la préparation, le coup droit de Rafael Nadal par exemple part au niveau de la tête et ça ne l’a pas empêché de gagner Wimbledon. Il est toujours à l’heure sur la balle."
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Stefanos Tsitsipas battu par Thomas Fabbiano à Wimbledon en 2019

Crédit: Getty Images

D’ailleurs, depuis 2001 et le changement du gazon londonien, considérablement ralenti, certaines lacunes techniques ne sont plus rédhibitoires sur la surface. Nul besoin désormais d’être doté d’un toucher de balle irréprochable à la volée et de se ruer au filet : gagner Wimbledon du fond de court est devenu monnaie courante. Si Zverev, Medvedev et même Tsitsipas ont des progrès à faire dans ce domaine, ces petits manques ne suffisent pas à expliquer leur incapacité à ne rallier ne serait-ce qu’un quart de finale après 5 essais dans le grand tableau pour l’Allemand, et 3 pour le Russe et le Grec.

Un blocage mental plus que tennistique

Il y a donc autre chose qui se joue. Mentalement, le gazon reste une surface particulière à appréhender, malgré tout. Aucun joueur n’est désormais formé dessus, au contraire du dur ou de la terre battue. Ugo Humbert, qui l’apprécie particulièrement, ne l’a découvert par exemple qu’en 2019 en Challenger quelques semaines avant de rallier les huitièmes de finale au All England Club. Sa rareté sur le circuit (un mois de compétition dessus dans l’année) n’aide pas à y trouver facilement des repères, et le poids de l’Histoire du jeu peut aussi peser quand on le foule pour la première fois.
"Certains joueurs se mettent parfois des petites barrières sur cette surface et ont du mal à l’apprivoiser, confirme Arnaud Di Pasquale. C’est frustrant le gazon. C’est dur. Ce sont des échanges assez brefs. Il faut être assez véloce, ça demande pas mal d’explosivité. On dit souvent que ce n’est pas très exigeant physiquement, mais ça l’est d’une autre manière que la terre battue. C’est plus aléatoire, ça se joue sur quelques petites erreurs, on a moins le temps de se rattraper. Il suffit d’un break pour être largué. Quand tu joues de bons serveurs, il faut se taire et accepter encore plus de ne pas toucher la balle que sur d’autres surfaces où tu as plus de temps pour retourner. C’est assez paradoxal, mais il faut être patient. Il ne faut pas se frustrer, sinon tu peux vite péter les plombs."
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Daniil Medvedev - Wimbledon 2019

Crédit: Getty Images

Vu sous cet angle, tout prend une nouvelle lumière. Il n’est pas difficile de s’imaginer le jeune Daniil Medvedev, au caractère volcanique, perdre sa patience et le fil de son match, miné par l’impression de ne pas assez contrôler les événements. Si Alexander Zverev a joué deux finales très tôt à Halle en 2016 et 2017, l’Allemand a aussi stagné voire régressé les deux années suivantes sur herbe à cause d’un "body language" trop négatif, d’une certaine propension à ruminer sur les points perdus. Plus que sur toute autre surface, être dans le moment présent est primordial sur gazon.

Eloge de l'adaptation

Et puis, il faut aussi être capable de forcer un peu sa nature pour y franchir un cap. Zverev a souvent eu tendance par le passé à rester loin de sa ligne de fond à l’échange, dans sa zone de confort. Sur terre battue ou sur dur, cette position sur le court ne constitue pas forcément un problème, mais sur gazon, c’est une autre histoire. "S’il décide d’être un peu plus à l’affût de la bonne balle pour aller vers l’avant, alors il peut aussi très bien jouer à Wimbledon. Il faut qu’il intègre plus de variations, qu’il soit plus surprenant. Sur gazon, Nadal fait de temps en temps service-volée, il glisse des slices, il avance, il brouille les cartes", observe notre consultant.
La capacité d’adaptation est donc une clé fondamentale du succès au All England Club. Et une grande partie du chemin se joue avant tout dans la tête. Tsitsipas est peut-être le plus armé tennistiquement des trois pour faire les ajustements nécessaires. C’est en 2018, alors qu’il n’avait pas encore 20 ans, qu’il avait d’ailleurs atteint la seconde semaine à Wimbledon, arrêté par le bombardier John Isner aux portes des quarts de finale. A l’époque, il s’agissait de son meilleur résultat en Grand Chelem.
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C’est l’apprentissage de la frustration : ces gars-là vont devoir être un peu plus roublards
Pourtant, l’année suivante, il échouait d’entrée en cinq sets face à l’Italien Thomas Fabbiano, alors 89e mondial. Mais le gazon n’était alors pas en cause : le Grec n’avait pas eu vraiment le temps de se remettre de sa défaite épique face à Stan Wawrinka en huitième de finale de Roland-Garros quelques semaines plus tôt. Rien n’est donc gravé dans le marbre : ni Tsitsipas, ni Zverev, ni Medvedev ne sont condamnés à l’échec dans le futur sur cette surface.
Mais pour parvenir à dompter l’herbe londonienne, ils doivent l’appréhender avec l’état d’esprit le plus positif possible. "C’est une surface qui n’accroche pas toujours très bien, donc tu peux glisser, tu peux te retrouver au sol assez souvent. C’est particulier. Il faut avoir un très bon timing, un bon œil, jouer juste. C’est l’apprentissage de la frustration. Ces gars-là vont devoir être un peu plus roublards, c’est une question d’expérience", résume Di Pasquale.
Cela tombe bien, le Grec, l’Allemand et le Russe sont en confiance et commencent à avoir de la bouteille sur le circuit. La pandémie les a privés d’une édition 2020 de Wimbledon qui aurait pu mettre en lumière leurs progrès récents. A eux désormais de rattraper le temps perdu.
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