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Yastremska : "Quand vous sortez du supermarché et que vous entendez les bombes avec ce son qui rend fou…"

Augustin Bascoulergue

Mis à jour 03/03/2022 à 14:19 GMT+1

GUERRE EN UKRAINE - Son histoire a secoué la planète tennis, mais pas que. A 21 ans, Dayana Yastremska ne vient pas de l'enfer, mais presque. Partie de Odessa avec sa sœur pour fuir la guerre, l'Ukrainienne est parvenue à rallier la France pour y disputer l'Open de Lyon. Pour Eurosport, elle se confie sur ses derniers jours mouvementés.

Dayana Yastremska

Crédit: Eurosport

Les larmes et surtout une sacrée leçon de courage. Opposée à Ana Bogdan ce lundi au premier tour du WTA 250 de Lyon, Dayana Yastremska (21 ans) n'avait pas vraiment la tête à jouer au tennis. A raison. Malmenée par la Roumaine, l'Ukrainienne a sauvé deux balles de match pour s'imposer au bout du suspense (3-6, 7-6, 7-6). Une victoire qu'elle a dédiée à son Ukraine, actuellement en pleine guerre avec la Russie.
Car Dayana Yastremska aurait pu ne jamais disputer cette rencontre. Fuyant la guerre avec sa sœur Ivanna il y a une semaine tout juste, la native d'Odessa et sa cadette ont vécu un long périple pour échapper au conflit. Leur voyage jusqu'en France, le début des combats, leurs parents restés au pays, le match face à Ana Bogdan ou encore l'accueil des Français : la 140e joueuse mondiale se livre dans un entretien poignant à Eurosport.

Le match face à Ana Bogdan

"Émotionnellement parlant, ce fut le match le plus difficile de ma vie, surtout avec tout ce que je ressentais au fond de moi. Il n'y a pas de mots pour décrire cette situation. Comme je l'ai dit sur le terrain, mon cœur reste en Ukraine et mon esprit doit être sur le terrain pour se battre. Et c'est très difficile de trouver l'équilibre. C'était très difficile de gérer les émotions. Dans ma tête, il y a beaucoup de pensées surtout avec ma famille restée en Ukraine… Beaucoup de gens se battent là-bas, et bien sûr cette victoire par rapport à ce qui se passe en Ukraine, ce n'est rien. Mais au moins, je fais de mon mieux pour me battre pour mon pays. Et là où je peux faire ça, où je peux me battre, c'est sur un court de tennis. J'essaie donc aussi de montrer le maximum de soutien de ma part.
Comme je l'ai dit sur le terrain, mon cœur reste en Ukraine et mon esprit doit être sur le terrain pour se battre
En ce moment, ma sœur, c'est la personne la plus proche qui est avec moi et c'est aussi un gros soutien, surtout hier durant le match. J'ai pu voir à quel point elle était nerveuse, même après la rencontre. Elle était tellement émue. Elle a commencé à pleurer un peu parce qu'elle voulait rentrer à la maison avec notre famille et tout le reste. Je peux comprendre qu'elle soit encore petite et que nos parents nous manquent, notre ville nous manque. Bien avant le début de la guerre, nous avions des plans complètement différents l'une et l'autre, mais maintenant nous devons nous serrer les coudes. Nous devons être ensemble et nous devons avancer. Comme disait mon père, on ne sait jamais comment ça va se passer. Nous devons donc construire notre avenir."

Le début de la guerre

"Il y a quinze minutes, avant que nous ne commencions cette interview, mon père m'a envoyé un SMS et ma mère en a envoyé un à ma sœur nous disant que la sirène commençait à sonner à Odessa. Ils ont donc dû aller dans le métro. Nous n'avons jamais pensé que cela aurait pu arriver.
Le 24 avec mon père, nous devions partir ici, à Lyon, et ma mère devait rester avec ma sœur. Le 23, on est parti dormir, nos bagages étaient prêts, tout était OK pour que l'on puisse partir. Et le 24 au matin, la guerre a éclaté avec les bombes...
Après Dubaï, on est rentré chez nous, on s'est entraîné un moment, et puis on se tenait prêt à partir en France ici. Mais vous voyez comment les choses peuvent arriver et changer dans la vie… Tout peut changer en quelques heures. Le 24 avec mon père, nous devions partir ici à Lyon et ma mère devait rester avec ma sœur. Le 23, on est parti dormir, nos bagages étaient prêts, tout était OK pour que l'on puisse partir. Et le 24 au matin, la guerre a éclaté avec les bombes et tout le reste. Le soir même, notre père a pris la décision de nous amener en Roumanie, via Izmail, dès le 25 février. Là-bas, on passerait la frontière et on partirait en van vers Lyon d'une manière ou d'une autre.
Le 24, ils ont annulé tous les vols, ils ont tout fermé même ceux qui passaient par la Moldavie. C'était impossible de conduire et de prendre la voiture. C'était très dangereux parce qu'ils ont commencé à lâcher des bombes et on ne savait pas d'où elles pouvaient arriver… Vous ne pourriez pas comprendre comment ça se passe réellement là-bas… Quand vous sortez du supermarché avec votre petite sœur et que quelque part, au loin, il y a des bombes avec ce son qui rend fou… La décision a été prise très vite à la fin du 24, et Maman devait nous accompagner. Mais quand nous sommes arrivés près de Izmail, à la frontière entre l'Ukraine et la Roumanie, on a tous décidé qu'elle devait rester avec notre père parce que nous ne voulions pas qu'il parte seul. Nous pleurions beaucoup parce que quand nous étions dans le bateau traversant le fleuve vers la Roumanie, nous pouvions voir nos parents là-bas et nous pleurions vraiment parce que nous ne savions pas quand nous allions les voir la prochaine fois. On ne savait pas comment ça allait tout finir. C'est un moment difficile, vraiment difficile."

Son arrivée à Lyon

"Tout d'abord, ce fut un grand plaisir pour nous de rencontrer le maire de la ville de Lyon. Pendant notre séjour ici, nous avons reçu beaucoup de soutien. Nous avons eu beaucoup de belles paroles et j'ai pu voir à quel point les Français veulent vraiment soutenir l'Ukraine. Ils savent presque tout à ce sujet et c'était une très bonne conversation. Je suis très reconnaissante envers le maire pour tout ce qu'il a dit. Ils vont faire de leur mieux pour apporter leur soutien à l'Ukraine et envoyer des choses dont le pays a vraiment besoin.
J'ai été assez choquée quand la guerre a débuté et de voir comment tout le monde a soutenu l'Ukraine, de voir autant de monde aller manifester, de voir la solidarité s'organiser. C'est fou parce que, vous savez, pour nous Ukrainiens maintenant, c'est très dur… Je peux imaginer à quel point c'est dur pour les Ukrainiens qui mènent les combats et ce soutien, cela signifie beaucoup pour l'Ukraine. Plus j'aurai l'occasion de rencontrer du monde pour leur montrer ce qui se passe en Ukraine, plus je le ferai parce que nous avons vraiment besoin de soutien. J'espère que tout le monde comprend que ce qui se passe là-bas maintenant est quelque chose de très dangereux. Et je souhaite, je ne souhaite à personne dans aucun pays de connaître ça, de ce qui se passe là-bas."
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Dayana Yastremska lors du WTA 250 de Lyon, le 1er mars 2022.

Crédit: From Official Website

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